«JUSQU’AU BOUT DU JOUR», JO(SETTE) PELLET - Revue du
tanka francophone N° 53, octobre 2024
par Patrick Simon, directeur de la Revue
Publié aux Éditions des Sables, dans la Collection « Rose des sables » à Genève, en 2024, ce recueil de
tanka-proses est une invitation à retrouver un amour ancien et à voir comment il pourrait revivre. Ce
parcours démarre avec un échange de lettres improbables, puis se poursuit par un dialogue renoué et posant
des questions intemporelles sur les relations humaines.
Préfacé par l’éditrice, Denise Mützenberg qui découvre ainsi la poésie brève, ce récit démontre que
poésie et prose se conjuguent très bien, du passé au présent, voire au futur et au conditionnel.
Dans ce récit dialogué, nous devons alors regarder en nous si de telles rencontres passées pourraient
resurgir maintenant ; et qu’en adviendrait-il vraiment ? Le protagoniste de l’auteure se pose très vite la
question sous cette forme : « Ma vie n’aura pas seulement été trop courte, mais aussi trop étroite, trop
limitée… »
Et moi, celui qui recense ce recueil, je me remémore une rencontre impromptue dans la gare de Nîmes avec
une Genevoise, revue une seule fois à Genève et dont le souvenir s’est perdu au fil du temps. Que se
passerait-il quelques dizaines d’années plus tard si je la revoyais ? Je n’en sais rien car cela ne s’est
plus produit. Et le monde a poursuivi sa course et son destin. Il n’y aura pas cette rencontre.
Mais revenons au recueil de Jo(sette) Pellet qui est peut-être aussi une nostalgie de nos vingt ans.
L’amour revenu en une inflexion de voix un clic de souris et avec
lui revenue la fraîcheur de nos seize ans
Elle y répond par ces mots : « Il serait certainement plus glamour pour moi de ne pas te re voir et de
te laisser avec tes fantasmes de la jolie jeune fille de quinze ans… »
Et de se poser la question de la nécessité ou pas d’ouvrir la boîte de pandore d’une relation rêvée…
L’élan sera-t-il toujours le même entre deux êtres dont les vies ont suivi leur parcours ? Ou de rester
dans une autre dimension :
Nos âmes toujours sauront se retrouver disais-tu jadis dans le
tout-autre peut-être mais improbable ici-bas
Les mots vont alors s’échanger, avec des interrogations, comme ici :
Flotter sur l’étang toi et moi main dans la main une utopie ? ohé
mon amie la lune que vois-tu à l’horizon ?
Je ne dirai pas comment finissent ces échanges épistolaires. Mais ce qui est sûr, c’est que les mots
restent infiniment présents :
Ah l’amour des mots puisse-t-il m’accompagner jusqu’au bout du jour
Ce recueil pose des questions existentielles et les mots se suivent dans une belle fluidité. Parsemé de
haïkus ou de tankas, ils nous amènent à nous questionner, peut-être jusqu’au bout de nos propres questions
relatives aux rencontres perdues. Ce qui est rappelé dans la quatrième de couverture :
« On y explore les arcanes de la mémoire, de l’amour, du temps qui passe… mais aussi ceux des mots. »
Voici QWERTZ #211, septembre 2024, «Rama» de Laura Dabo
interview de Laura Dabo à Red Line Radio, 2 septembre 2024
L'interview commence à 08:09 minutes.
Coup de cœur dans le Femina du 18 août 2024 pour le roman
de Laura Dabo
«JUSQU’AU BOUT DU JOUR», JO(SETTE) PELLET - GONG No. 84,
juillet-sept. 2024
Notre amie Jo se paye le luxe de
raviver, par messages, lettres, haïkus et tankas interposés, un amour de jeunesse, rencontré dans le train
entre Graz et Lausanne il y a un demi-siècle. Et l’amour de jeunesse répond. Échanges, coups de fil et
rencontres se succèdent et Denise Mützenberg, éditrice et poète, écrit en préface : «Ce qui m’a
impressionnée dans ce récit, c’est qu’il allie... la poésie et le suspense.»
Ça commence le 10 juillet
2015 et se termine au printemps suivant : «Tu vois, je tiens ma promesse : je ne t’ai pas
oublié !... nos lettres pendant trois ans... Sagement rangées / entourées d’un ruban rose /
au fond d’une malle»
Les poèmes de l’auteure apportent
leurs ponctuations aux messages échangés, quelquefois plus brûlants.
Alpha oméga / plus fort que
le temps qui passe / ce besoin de l’autre
Comment un amour peut-il résister
au temps et ressurgir beaucoup plus tard ? C’est tout le prix de ce livre : il mêle un langage
amoureux, éternellement jeune, surgissant, et le langage de l’âge mûr où l’espoir s’apaise, sans oublier
haïkus et tankas pour l’éternité. À lire absolument, et d’une traite.
Jean Antonini, GONG No. 84, juillet-sept. 2024, Association francophone de haïku
«JUSQU’AU BOUT DU JOUR», JO(SETTE) PELLET - Le Journal de
l’Ours dansant No. 40, Juin 2024
Cet impossible possible, c’est retrouver l’amour de ses 15 ans, rencontré dans un train cinquante ans
plus tôt. Adolescents, taillés dans la même étoffe de révolte et de quête, nous nous étions
immédiatement «reconnus» et aimés... D’un amour platonique. Ensuite nos lettres...
Sagement rangées entourées d’un ruban rose au
fond d’une malle
Un dimanche de canicule, la narratrice recherche sur le net la trace de cet homme. Elle en ignore la
raison. Il y en a tant ! Elle envoie une lettre, comme une bouteille à la mer. Bingo ! Ils s’écrivent,
puis se parlent, puis se rencontrent. Puis chacun rejoint un temps son « univers », avant de correspondre
à nouveau. Puis..
Déjà tu me manques mais hélas l’espoir aussi jour
gris et morose
Pourtant bien réelles la ferveur de nos
étreintes l’ivresse des nuits
Cette histoire d’amour est-elle encore possible ? Est-elle impossible ? Je vous laisse le découvrir, ne
voulant pas vous priver du plaisir de la lecture passionnante d’un roman bien ciselé.
Dominique Chipot, Le Journal de l’Ours dansant No. 40, Juin 2024
«JUSQU’AU BOUT DU JOUR», JO(SETTE) PELLET - Le blog de
Francis Richard, 5 juin 2024
10 juillet 2015 Tu vois, je tiens ma promesse: je ne t'ai pas oublié! Pas oublié
non plus notre rencontre dans un train entre Graz et Lausanne, il y a un demi-siècle.
Adolescents taillés dans la même étoffe de révolte
et de quête, nous nous étions immédiatement "reconnus" et aimés... D'un amour
platonique. Ensuite nos lettres, pendant trois ans.
Puis seulement les tiennes.
De nos jours, les adolescents font des rencontres virtuelles avant qu'elles ne deviennent réelles.
À l'époque elles étaient réelles, et l''imaginaire s'en nourrissait.
Pour retrouver ses amours de jeunesse, le net peut être un outil performant qui vaut la peine
d'être utilisé, même si le résultat n'est pas toujours au rendez-vous.
La narratrice du récit, grâce sans doute à un de ces fameux moteurs de recherche, retrouve la trace de
l'homme qui, jadis, lui a fait battre platoniquement le coeur.
Commence alors une correspondance entre eux deux. Mais le lecteur n'a droit qu'aux lettres de
l'homme qui a subi de l'âge, entre temps, l'irréparable outrage.
Ses lettres ne sont pas reproduites en caractères d'imprimerie, comme le reste du texte, mais dans
une nouvelle graphie, i.e. une belle écriture, bien
humaine.
Cette femme et cet homme ont vécu éloignés dans le temps. Ils le sont encore dans l'espace
puisqu'elle demeure encore à Lausanne et que lui est soigné en Styrie.
Qu'à cela ne tienne, la femme, qui, c'est connu, est plus courageuse que l'homme,
franchit à plusieurs reprises la grande distance qui les séparent pour le rejoindre.
L'homme écrit des lettres manuscrites, la femme, en italiques, de brefs commentaires ou des poèmes
courts, comme les affectionne Jo(sette), l'auteure de haïkus.
Le récit révèle bien des différences entre cette femme et cet homme. Elle prend plus de risques que
lui, mais elle n'a pas autant d'attaches familiales que lui.
Qu'en sera-t-il de leurs retrouvailles? C'est bien sûr au lecteur de le découvrir. Quel que
soit son âge, il n'aura pas de mal à le deviner s'il en a fait l'expérience.
Et puis, s'il aime les mots, il sera servi et comprendra ce que veut dire l'auteure en
conclusion de ce fragment amoureux, singulier, i.e. intemporel et universel:
Ah l'amour des mots puisse-t-il m'accompagner jusqu'au bout du jour.
«Jusqu’au bout du jour», Jo(sette) Pellet - Association
Bon pour la tête, 26 avril 2024
Quelle mouche a donc piqué Jo(sette) Pellet de vouloir reprendre contact, cinquante ans plus tard,
avec l’amour de ses quinze ans? Un amour platonique qui a couvé pendant un demi-siècle et qu’une
recherche sur la toile suffira à raviver. Mais peut-on vraiment reprendre l’histoire où on l’avait
laissée en faisant fi du temps qui nous façonne, chacun à sa manière? Tel est le questionnement
qu’explore cette autrice vaudoise dans son haïbun, subtil mélange de prose, de haïkus et de tankas,
tout frais paru aux éditions des Sables sous le titre Jusqu’au bout du jour. Un petit livre
qui, comme le relève la préfacière, réussit l’exploit de conjuguer suspens et poésie. La rencontre va
bien avoir lieu, entre deux seniors qui ont gardé intacte, au fond d’eux, la passion de leur
adolescence, mais acquis la lucidité et le recul propres à leur âge. Et la conscience aiguë que leur
relation n’est que fantasme et projection. Car en dépit d’une familiarité évidente, ils ne savent rien
l’un de l’autre. Et c’est peut-être sur eux-mêmes et sur la condition humaine qu’ils ont tant à
apprendre à se revoir.
Sabine Dormond
“Mélanie” de Rafael Gunti, interview sur Canal 9, 21 avril
2024
L’interview de Rafael Gunti. L’auteur de “Mélanie”. Des scènes de la vie de tous les jours. Un
recueil mordant et touchant à la fois.
Prendre la plume pour lutter contre le temps - Entretien
avec Vincent Gilloz - Riviera Chablais Hebdo, N° 146 | du 20 au 26 mars 2024
Littérature
Après «L’écorce du réverbère», un premier roman qui éclate la frontière entre roman et poésie, Vincent
Gilloz publie «Chronomètres», son premier recueil de poèmes.
Noémie Desarzens ndesarzens@riviera-chablais.ch
“Une fois que l’on accepte notre impuissance face au temps, nous pouvons en faire un
allié” Vincent Gilloz, poète
«Comme papa de deux enfants en bas âge, la question du temps libre est prépondérante!» Non sans humour,
la poésie de Vincent Gilloz scrute la marche inexorable du temps. Une réalité qui peut à la fois être
teintée d’angoisse et porteuse d’espoirs. Comme un défi, le poète tente de saisir, grâce au langage, cette
dimension de la condition humaine.
«Ce que je tente d’articuler dans ce recueil, c’est un certain paradoxe contemporain. À savoir un
tiraillement entre une accélération globale et un désir de ralentissement.» Avec «Chronomètres», le poète
veveysan versifie notre rapport au temps, une façon de le «mesurer» poétiquement. Ou de s’y soustraire.
Accéder à une autre temporalité
Dans un monde qui va toujours plus vite, l’espace pour l’oisiveté se fait rare. Précieuse pour son
potentiel revitalisant, elle est trop souvent grignotée par le divertissement. «Nous sommes tout le temps
sollicités, nous n’avons même plus l’occasion de nous ennuyer. Or le divertissement est aussi une
échappatoire, qui évite de nous confronter à la condition humaine et au sens de l’existence», souligne ce
poète, professeur de philosophie au gymnase de Chamblandes à Pully.
L’écriture comme générateur de sens, c’est ainsi que la vit Vincent Gilloz. Le Veveysan parvient à lui
faire de la place dans un quotidien millimétré entre enseignement et parentalité. L’instant présent, il
sait l’importance de le choyer. Une pause entre les cours ou un trajet en train: des moments de grâce pour
tenter de saisir le temps qui passe. Recourir à la poésie lui permet de se soustraire au monde pour mieux
l’observer.
«L’art de trouver les bons mots, c’est se plonger dans un état d’attention intense. Cela me force à faire
une pause», analyse le poète. Si le temps est immaîtrisable, et donc potentiellement source d’inquiétude,
il est aussi une possibilité d’accéder à une forme de plénitude. «Une fois que l’on accepte notre
impuissance
face au temps, nous pouvons en faire un allié, poursuit Vincent Gilloz. Je crois à la répétition de
gestes vertueux, capables d’infléchir certaines trajectoires. C’est une perspective lumineuse.» À l’image
de petites attentions qui prennent soin des relations et qui se révèlent déterminantes au fil du temps.
«Comme de petits effets papillons, il ne faut pas sous-estimer la puissance des actions a priori banales.»
Lien entre l’intime et l’universel
Séparé en trois parties – «Tenter», «Bégayer» et «Embrasser», «Chronomètres» nous emmène de la hargne à
la réconciliation. Un mouvement virevoltant pour nous élargir le regard et accéder à une autre
temporalité, celle de l’existence. «Le temps, c’est aussi un éternel recommencement, ce qui est fascinant!
C’est une chance de pouvoir apprendre et d’avoir du recul sur soi.»
Conçu comme un long dia- logue, les poèmes de ce recueil se répondent et se contredisent. À l’image d’un
puzzle, ce dernier prend tout son sens lorsque les différentes pièces s’assemblent.
«Je l’ai écrit à l’image de mes réflexions, c’est-à-dire ponctuées d’actions et d’images qui a priori
semblent décousues. Mais une fois mises bout à bout, elles esquissent l’insaisissable. Cette impossibilité
est réconfortante, car elle permet de lâcher prise sur ce qui ne nous appartient pas.»
Dans ce recueil, l’écrivain aime dire qu’il a mis sur papier une introspection en résonance avec son
époque. «L’écriture me force à aiguiser mon attention sur moi- même et sur les autres. J’espère donc que
mes réflexions trouveront écho. Dans un style oral et décomplexé, Vincent Gilloz invite à la rêverie. Et à
sortir de la prison du présent.
Vincent Gilloz est l’un des poètes conviés au gala du Printemps de la poésie (14 au 28 mars). Il sera
le jeudi 21 mars au Castillo de Vevey.
Ecrire montre en main, Vincent Gilloz, La Liberté, mars
2024
Chronomètres, de Vincent Gilloz - RTS Culture /qwertz
Pépites cachées
Sarah
Clément
Poésie
Vincent Gilloz, Chronomètres, éd.
Des Sables, coll. « Roses des Sables », 80 p.
Après un premier roman en prose poétique
intitulé L’Écorce du réverbère, l’écrivain romand Vincent Gilloz offre une nouvelle
parution composée exclusivement de poèmes. En parlant du temps que prend une cigarette à se
consumer, du rythme de la fonte des glaciers, ou encore de la durée d’un trajet en train,
l’auteur nous pousse à nous demander : est-il possible de mesurer le temps ? Conçu comme un
long dialogue, l’ouvrage propose des éclats de narration profonds, légèrement acides, qui nous
illuminent par leur dextérité et leur spontanéité. LS
Le monde moderne par Rafael Gunti - Journal de Sierre, 1
mars 2024
Interview de Rafael Gunti sur son livre Mélanie
Eros et Thanatos s’invitent dans une yourte aux Bains,
TDG, 08 jan. 2024
Portrait de l’éditrice Huguette Junod, qui adore les réunions où les amateurs de littérature se
rencontrent.
Par René Magnenat
Connaissant bien Huguette Junod, au lieu de prendre rendez-vous pour l’interviewer de manière classique,
je me suis dit que le meilleur moyen d’en apprendre un peu plus à son sujet serait de la suivre dans ses
diverses activités et de lui poser mine de rien, quelques questions plus ou moins indiscrètes.
En juin dernier, Huguette a fêté en grande pompe ses quatre-vingts ans. Trop content d’être invité à sa
Soirée grecque, je me suis imaginé à tort que ça allait être la bonne occasion de lui poser quelques
questions, afin qu’elle me raconte quelques péripéties pas ou peu connues de ses belles années ! Mais il y
avait grand Dieu, tant de petits et d’immenses dieux de la mythologie et de magnifiques déesses apprêtées
avec goût, que l’encore jeune Huguette avait bien sûr d’autres belles rencontres à faire parmi la centaine
de fans costumés présents.
Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, je me suis résolu à me lever de bon matin pour me rendre aux
Aubes musicales des Bains des Pâquis, Là, me suis-je dit, dès la fin de l’aubade, je pourrai lancer mon
plan en lui glissant, mine de rien, quelques mots poétiques. Mais je me suis pris un lapin car la belle
dame, la bouche pleine de confiture et de confidences adressées à ses admirateurs et admiratrices, n’avait
de cesse de tournicoter ses bras et ustensiles pour éloigner les guêpes aguichées par les douceurs du
petit déj’. L’aube passée, il se mit à faire trop chaud, il me fallait regagner mes pénates. J’essaierai
un autre jour, peut-être sous un petit coin de parapluie ?
Pas peureuse pour un sou, la dame se rend en ville à scooter ; la voiture est trop encombrante, les
parkings hors de prix, et les transports publics sont souvent mal famés et mal aérés. Ben voilà la
solution : je vais la suivre incognito et lorsqu’elle ôtera son casque, je me ferai tout mignon pour
l’inviter à boire un café au Grütli ou à la Cave Valaisanne. Pas possible, elle a rendez-vous au Musée
Rath avec sa cousine Yolande. Je vais me consoler en observant les joueurs d’échecs à l’entrée du parc des
Bastions. C’est vrai, après tout, la peinture n’est pas ma priorité.
Ne voulant pas renoncer à mon projet, j’ai songé que bientôt les répétitions générales de l’OSR au
Victoria Hall allaient reprendre. A l’entracte, nous avons coutume de déguster un expresso, accoudés à une
petite table devant le bar. Ben voilà, c’est là que je pourrai lancer la discussion en évoquant quelques
souvenirs du temps de ses ateliers d’écriture. J’ai déjà essayé ce procédé pour provoquer des confidences,
mais je m’étais fait mettre sur la touche car à ce moment précis arrivait à notre table l’inimitable Henri
Mégroz, l’homme qui connaît tout de la musique et qu’Huguette, persuasive comme elle l’est, s’ingénie à
lui faire dire tout, tout , tout ce qu’il connaît des auteurs, solistes, chef d’orchestre et morceaux du
concert.
Un an sans succès
En mai 2022 déjà, j’avais tenté ma chance lors des journées littéraires de Soleure. Trois jours à se
côtoyer, à bavarder, à déguster des Spritz ou des Hugo en compagnie d’écrivains d’ici et d’ailleurs, à
avaler des repas gourmands et copieux, à admirer les beautés de cette ville où autrefois les bateliers de
l’Aar arrivaient éméchés, à écouter les conférenciers de tout poil justifier par leurs bons mots leur
présence en ce lieu saint.
«Il n’y a qu’à la lire, la laisser parler, parler d’elle surtout,
parler des femmes principalement.» René Magnenat
Aujourd’hui, je deviens raisonnable. À quoi bon vouloir rédiger moi-même et moins bien qu’elle ne le
ferait ce qui a maintes fois été écrit par cette femme de plume? Il n’y a qu’à la lire, la laisser parler,
parler d’elle, parler des femmes principalement. Et quelle meilleure source pour obtenir des réponses
sincères que l’opuscule qu’elle vient de publier aux Éditions des Sables: «Autoportraits» dans
lequel elle se raconte et mentionne ses rencontres et les principales personnes qui ont eu une influence
sur ses œuvres et son vécu?
L’été le plus chaud est passé non sans de gros problèmes. Ainsi, en regagnant ses pénates à scooter après
un spectacle mémorable, Huguette n’a pu éviter la bordure d’un trottoir et est tombée lourdement. Elle
s’est fracassé la tête contre le bitume. Le scooter hors d’usage a été remboursé par l’assurance mais la
tête a été cabossée, et nous voilà avec une nouvelle Fée Carabosse dans les environs! La tête remise en
place, elle a ensuite enduré des hématomes internes aux hanches et aux chevilles qui ont nécessité des
soins hospitaliers douloureux et difficiles à supporter pour une personne aussi active. Manière de résumer
son accident, Huguette a fait part à ses amis, amies, admirateurs et admiratrices que « Tout le monde :
policier, ambulanciers, médecins, infirmiers s’est exclamé: «Madame, vous faites encore du scooter à 80
ans!!! … Il est grand temps d’arrêter. »
Heureusement, un automne très humide permet à Huguette de bien digérer son abandon forcé du scooter.
Tombée en amour avec la Grèce il y a bien longtemps, Huguette Junod a beaucoup écrit sur et autour des
héros de ce pays. Elle y effectue d’ailleurs chaque année un séjour de quelques semaines pour se replonger
dans son passé récent et celui plus ancien des héros et héroïnes mythologiques. Enseignante de métier,
Huguette est passionnée d’écriture, aussi participe-t-elle, en 1984, à un marathon de plume et
rédige-t-elle le récit de cette expérience marquante qui lui a permis d’écrire «des choses» qu’elle
n’aurait jamais osé écrire dans d’autres circonstances. «Ceci n’est pas un livre» obtient le Prix
des Écrivains Genevois 1986, que les maisons d’édition sollicitées refusent de publier. Huguette décide
alors de créer les Éditions des Sables pour sortir son premier ouvrage de prose. En trente-cinq ans une
centaine d’auteurs ont été publiés. Deux livres sur trois sont des recueils de poèmes.
Adorant les réunions où les amateurs de littérature se rencontrent, Huguette est de tous les salons et ne
rate pas une occasion de faire connaître ses œuvres et celles de ses auteurs. Les lectures bisannuelles au
cimetière des Rois sont devenues célèbres et voilà que le samedi 16 décembre dernier, invitées pas les
Bains de Pâquis, les Éditions des Sables ont présenté un sympathique récital de poèmes sur les thèmes de
l’amour et de la mort lus par sept de ses auteurs et autrices. Une yourte pleine et bien chaude malgré une
bise perçante a pu apprécier des poèmes bien construits et lus avec conviction, avec amour? Un excellent
moment de culture et un apéro rafraîchissant ont enchanté le public.
Et sachez que lors de cette chouette réunion, Huguette a dit un peu tout ce que je désirais lui demander.
Tout, tout, tout, vous saurez tout sur… la poésie! Vous souhaitez partager des informations sur votre
ville, votre quartier?
René Magnenat est reporter de quartier pour Signé Genève. Enseignant retraité. Marié, trois filles
adultes, il pratique la randonnée, l'écriture, mais à cause du Covid 19, il se languit du chant et
du théâtre.
"À plusieurs voix", de Concetta Maria Gorgone
Castiglione -La Notizia di Ginevra, Décembre 2023
Un libro al mese: Anteprima letteraria di scrittori italiani "À plusieurs voix", di
Concetta Maria Gorgone Castiglione
Questa recensione parla del libro "À plusieurs voix", scritto in lingua
francese da un'autrice nata a Ginevra.
Quest'ultima affronta una serie di domande personali, in particolare su come raccontare la sua
infanzia e adolescenza in Sicilia e quali voci risuonino nella sua mente quando si avvicina ai momenti
intensi vissuti in questo luogo. L'autrice risponde a queste domande attraverso uno stile epistolare
che dà voce alle donne della sua famiglia, mettendo al centro la figura materna "moderna" che si
è emancipata dalle regole patriarcali degli anni '50.
La madre, oggetto centrale del racconto, non solo ha lasciato la Sicilia per andare col marito in
Svizzera ma ha anche intrapreso un viaggio interiore significativo. Il libro tratta del viaggio nella
memoria dell'autrice, che diventa anche un viaggio nella memoria della madre e stabilisce una
conversazione tra donne.
Un elemento interessante menzionato è la difficoltà che l'autrice ha affrontato nella scelta della
lingua in cui scrivere il libro. Ha considerato sia l'italiano che il francese ma alla fine ha optato
per il greco moderno, una lingua che studia da parecchi anni, anche per ottenere una maggiore distanza
emotiva. L'autrice ha poi tradotto il testo dal greco al francese, dando vita a queste lettere che
rappresentano un modo di viaggiare e raccontare a livello linguistico. L'autrice ha descritto questa
esperienza come euforica e intensa.
Il libro è disponibile presso la Librairie du Boulevard e la libreria La Dispersion (Mamco) e può essere
ordìnato sul sito internet delle Editions des Sables.
Philippe Bonvin, Lettres d’hivernage numéro 2
Dans ces Lettres d’hivernage, nous avons choisi de réunir
les voix qui nous veillent, celles qui s’assemblent pour bâtir des oasis, non pour rendre ce désert
simplement habitable et nous y habituer comme le craindrait à juste titre Arendt, mais au contraire,
essayer sans relâche d’en circonscrire l’avancée. Ce recueil de poésie s’inscrit dans le sillage de la
Charte du Verstohlen avec Cynthia Fleury et Antoine Fenoglio pour penser des lisières, définir « Ce qui ne
peut nous être volé. »
Comme le souligne Cécile Oumhani : La terre est notre
maison à tous
Trois poèmes de Philippe Bonvin
sont publiés dans ce numéro.
Lecture de Tes fleuves sont la mer, recueil de
poèmes de Michèle Makki - Maison des arts du Grütli, Genève - 31 mai 2023
Les Éditions des Sables sont heureuses de vous inviter à la découverte
de Tes fleuves sont la mer, recueil de poèmes de Michèle
Makki
le mercredi 31 mai 2023 à 18h15
à la Maison des arts du Grütli
16, rue Général-Dufour, 1204 Genève
Lecture par l’auteure, accompagnement musical de Claude Prélo.
Entrée libre, vente du recueil sur place.
Nous nous réjouissons de vous y accueillir.
Michèle Makki, Huguette Junod et les Éditions des Sables
PHILIPPE BONVIN : HAÏKUS DU CONFINEMENT, Ou’tam’si Mag
Philippe Bonvin : «À l’annonce du confinement, sachant que la période qui s’ouvrait serait
inédite et particulière, j’ai décidé de tenir un journal intime poétique. Le journal intime permet
de retranscrire sur le papier, sans aucune retenue ni censure, ses états d’esprit. Il offre
également un espace d’introspection» Le nouveau recueil de Philippe Bonvin nous plonge au cœur
du confinement et nous projette vers l’avenir.
Haïkus du confinement fait référence à la Covid-19, au délitement du lien
social, au vide, mais aussi à l’après-confinement. Pourquoi avoir choisi cette thématique ? Pourquoi
avoir choisi le haïku pour dire cette expérience ?
À l’annonce du confinement, sachant que la période qui s’ouvrait serait inédite et particulière, j’ai
décidé de tenir un journal intime poétique. Le journal intime permet de retranscrire sur le papier, sans
aucune retenue ni censure, ses états d’esprit. Il offre également un espace d’introspection.
La forme brève du haïku qui, en quelques mots, va à l’essentiel m’est apparue comme un excellent moyen
de transcrire cette période d’enfermement involontaire, de repli du monde, mais aussi mes pensées, mes
peurs ou mes attentes.
Quant aux références qui apparaissent (au délitement du lien social, au vide, à l’après-confinement),
ces thèmes ont surgi d’eux-mêmes, au fil des jours et du travail d’écriture, mon but étant de montrer
mon quotidien et l’impact du confinement sur mes pensées, mon quotidien.
J’imagine que la Covid-19 ou plutôt le confinement a été ta plus grande source d’inspiration
dans la rédaction de ce recueil. Alors, quel en a été le processus d’écriture ? Y avait-il des moments
de doute ou de peur ?
L’écriture est un acte solitaire qui, dans son processus de création (que je distingue du travail de
correction), me permet de m’évader et de poser mon regard ou ma perception du monde sur le papier (mon
précédent recueil poétique intitulé Rwanda se concentre sur la période sombre du génocide).
Quotidiennement, dans une sorte de gymnastique intellectuelle, mais aussi de jeu, j’écrivais quelques
mots ou phrases, construisant des haïkus. M’installer à mon bureau, au calme, me permettait, malgré
l’enfermement du confinement, de rester en lien avec le monde extérieur et les préoccupations liées à la
Covid-19. Ces moments d’écriture, entre la page blanche et moi, sont vite devenus des instants
particuliers, salvateurs.
J’ai vécu la période du confinement comme une succession de doutes, de peurs, de questionnements face à
cette pandémie et à la situation sanitaire mondiale. Les informations provenant des médias résonnaient
en moi de manière anxiogène, avec par exemple le décompte quotidien des personnes infectées,
hospitalisées ou malheureusement décédées. Toutes ces informations tournant en boucle m’agressaient de
plus en plus. L’écriture me permettait de prendre de la distance face aux flots d’informations relayés
par les journalistes et les nombreux spécialistes qui dressaient un tableau bien sombre dont je désirais
m’échapper.
En tant que poète, comment t’es-tu imaginé l’après-confinement ? Il me semble que ce recueil
est venu au bout de quelque chose ; tu as utilisé le haïku pour faire le tour de l’humain en contexte
de réclusion forcée,
Plongé dans cette période de confinement, presque à bout de souffle, en apnée, j’ai eu beaucoup de
peine à imaginer l’après-confinement. Le plus important était de pouvoir sortir de cette réclusion
forcée (je parle de prisonnier dans un haïku) afin de retrouver une vie « normale » et des libertés.
Voyant la nature reprendre ses droits, des dauphins nager dans le port de Venise, la qualité de l’air
s’améliorer, pour ne prendre que quelques exemples, j’ai espéré une prise de conscience globale et
forte, permettant à chacun de se positionner différemment face à son rapport à la consommation, aux
ressources naturelles que nous pillons et à une fuite en avant dont la vitesse ne cesse de s’accroitre.
Mais je dois avouer que je me suis trompé.
Proche de chez moi, de nombreuses initiatives de maraîchers ou de cultivateurs ont proposé la
confection de paniers, livrés à domicile, afin de créer des circuits courts entre les producteurs et les
consommateurs. De nombreuses personnes ont été séduites par ces initiatives, rapidement oubliées à la
fin du confinement, reprenant le chemin des grandes surfaces qui n’offrent pas toujours la traçabilité
de l’origine des denrées.
Sans développer une vision idyllique de l’après-confinement, j’ai espéré un changement profond de la
société qui ne s’est malheureusement pas réalisé. Je crois, par contre, que chacun a eu un plaisir
intense à retrouver un lien social, physique et direct et non pas par écrans interposés, à vivre
ensemble des émotions particulières, dans des salles de concert ou de théâtre, mais aussi simplement
dans les restaurants ou les bars. J’espère que la société occidentale est devenue un peu moins
individualiste.
En quoi l’écriture peut-elle être un catalyseur des relations humaines, à la reconstruction de
soi et au développement des possibles ?
L’écriture permet à l’écrivain de plonger en lui-même, sans retenue ni tabou, d’autant plus dans le
cadre d’un journal intime ou d’un travail poétique, abordant toutes les facettes de sa personnalité, de
la lumière ou l’obscurité, et du monde qui l’entoure. J’ai abordé cette plongée comme une chance de
retranscrire mes états d’esprit dans cette situation de confinement qui poussait chacun dans ses
retranchements.
En réfléchissant au monde qui l’entoure, en acceptant de dévoiler ses états d’âme et en dévoilant une
forme d’intimité, l’écrivain propose une réflexion sur lui-même, mais aussi sur les autres, sur chacun
d’entre nous, ouvrant ainsi, obligatoirement, des perspectives qui ne seraient peut-être pas apparues
sans ce contexte.
Outre ce processus d’écriture, lorsque le livre physique paraît, cette réflexion qui peut sembler
nombriliste pour certains éclate au monde. La perception de l’écrivain se confronte aux pensées des
lecteurs dans un échange qui permet à chacun d’évoluer, de progresser dans ses recherches personnelles.
Le travail solitaire devient partage.
Il y a déjà longtemps, je me suis intéressé à la littérature japonaise (Mishima, Taniguchi, Kawabata,
Ogawa, Shimazaki, …) découvrant, avec plaisir, une manière différente d’écrire, d’aborder le monde, mais
surtout de décrire les sentiments. C’est dans ce prolongement que je me suis plongé dans la lecture de
haïkus de Basho, Buson, Issa ou Takuboku que j’apprécie particulièrement et dont les écrits sont au
centre d’un de mes manuscrits « Fumées ».
J’ai immédiatement été séduit par cette forme brève, très codifiée tant du point de vue métrique que
des thématiques abordées (les saisons par exemple). Mais avant cet ouvrage, je ne m’étais jamais
vraiment essayé à cette forme poétique.
Lorsqu’on parle de poésie, on a souvent tendance à penser à la rêverie, à l’émotionnel, au
sentiment… Bref, parfois les poètes sont traités de personnes hors du réel. Quel est ton rapport à la
poésie ? Pourquoi, selon toi, les gens ont-ils des préjugés sur la poésie ?
Je crois que de nombreux lecteurs se font une idée fausse de la poésie, probablement liée à des
souvenirs d’enfance, l’obligation d’apprendre par cœur des strophes et à les réciter. De plus la poésie
garde l’image d’un genre littéraire particulier, réservé à quelques initiés, alors que pour moi elle est
partout. Pour preuve l’intérêt grandissant pour la scène slam qui attire beaucoup les jeunes. Les
programmes scolaires n’incluent encore que très peu de poétesses ou poètes contemporains, même si j’ai
découvert, il y a quelques semaines, que l’ouvrage « Mes forêts » d’Hélène Dorion serait enseigné, dès
l’année prochaine, aux bacheliers français.
D’un point de vue personnel, même si j’ai toujours autant de plaisir à découvrir de nouveaux romans, je
lis de plus en plus de poésie, du monde entier, subjugué par cette forme d’écriture que je compare à une
flèche qui, en peu de mots, aborde l’intime et l’invisible, le quotidien et l’universel.
La poésie, c’est un peu cette réalité à la fois temporelle, intemporelle et atemporelle. En
quoi le confinement peut-il être considéré comme un marqueur temporel qui a porté le temps et détourné
le monde de sa vie habituelle ? Qu’a-t-il (confinement) proposé à l’humanité ?
À l’annonce du confinement, chaque individu savait, sans en connaître la durée exacte, que cette
période serait transitoire et se terminerait. Mais cet enfermement involontaire, plus ou moins strict
selon les pays, avec la peur d’une contamination qui pouvait devenir synonyme de mort, a obligé les
différentes populations à couper les liens sociaux habituels et se retrancher derrière un écran pour
télétravailler ou échanger avec ses proches, certains organisant même des apéros zoom!
A Genève, des frontières entre la Suisse et la France, pourtant traversées quotidiennement par des
dizaines de milliers de personnes, étaient fermées par des blocs de béton, comme si nous étions en
guerre, séparant des amis, des familles. Un tel événement ne peut donc qu’être historique, un marqueur
temporel dont chacun se souviendra.
La fermeture de tous les lieux de rassemblement couplé aux frontières et aux couvre-feux ont poussé la
population à vivre dans un périmètre qui s’est soudainement contracté permettant à certains de découvrir
ou redécouvrir une vie différente, plus simple, sans artifices, proche de la nature et des saisons.
C’est cette sorte de parenthèse, de respiration que j’ai voulu retranscrire en mots pour en garder une
trace.
Tu emploies souvent le terme de « silence » dans le recueil. Peut-on le définir en partant de
ta posture ?
Il n’y a pas le silence, mais des silences. Musicien de formation, je suis très sensible aux silences
entre les notes, les accords ou phrases musicales, car ils sont le fondement de la musique.
Je perçois le silence comme une respiration, un temps de réflexion entre l’énoncé de phrases, mais
également entre des personnes propice à des échanges différents, d’une autre densité. Le silence permet
un retour à son intériorité, à l’intime, à l’essentiel.
Dans mon travail d’écriture, j’ai remarqué, depuis des années, que j’ai de plus en plus besoin d’un
environnement calme, sans musique ni éclats de voix, pour écrire. Et j’ai la chance, à mon bureau, de
pouvoir ouvrir les fenêtres et entendre les oiseux, laissant entrer juste ce qu’il faut de vie pour que
mon esprit soit en éveil.
Le dernier haïku du recueil est-il un appel à l’espoir ?
Fenêtres ouvertes Des plantes dansent Dans le reflet de la vitre
Sans respecter la métrique stricte des haïkus, j’ai voulu garder l’essence thématique de la nature (qui
était par ailleurs au centre de mon quotidien et de mes pensées). Ce haïku, qui ferme ce recueil, est
évidemment un appel à l’espoir. Mais j’ai remarqué, en parcourant mon livre pour cette interview, que
tous les haïkus qui parlent de la nature sont porteurs d’espoir, d’un certain apaisement, parfois même
méditatif.
Face à cette période trouble qui exacerbait les peurs et une certaine obscurité, j’ai ressenti le
besoin, pour rompre cet enfermement, d’ouvrir grand les fenêtres pour laisser entrer cette nature,
printanière, pleine de vie. Alors que les hommes étaient cloîtrés chez eux, dans un environnement
confiné, la nature, elle, vivait sa perpétuelle renaissance printanière. Cette thématique s’est donc
imposée d’elle-même et je souhaitais qu’elle clôture ce recueil.
Quel idéal peut-on se donner après le confinement ?
Je ne suis pas d’un caractère optimiste et malheureusement les changements sociétaux que j’avais
envisagés ne se sont pas produits.
Néanmoins, si chacun d’entre nous parvenait à garder en mémoire les questions et les doutes qui sont
apparus durant cette période et y revenir régulièrement, cela permettrait de ne pas oublier à quel point
la liberté est importante. Liberté de mouvement, de pensée et d’écriture.
De la postichité des fleurs, de Thibaud Mettraux - Revue
Archipel, avril 2023
L’amour et l’amer
Archipel · 10 avril 2023
Le pédantisme excentrique du titre
connote bien des choses : une rareté sophistiquée, mais d’une sophistication si guindée qu’elle doit être
la trouvaille d’un espiègle dandy, résolu à jouer, dès le seuil, avec son lecteur, c’est-à-dire à en faire
sa dupe en même temps que le compagnon de sa musette. Mais, dans cet alliage sémantique hétéroclite qu’est
le titre, c’est aussi – je crois – une singularité qui s’annonce, un nom qui surgit dans le champ
poétique.
Peut-être faut-il préciser d’emblée que le premier recueil de Thibaud Mettraux s’adresse avant tout aux
amis de la forme : il faut, pour entrer dans cette œuvre, aimer les audaces de la rime et les libertés du
vers tantôt bien fait, tantôt défait, parfois encore plaisamment malmené ; il faut peut-être aussi avoir
fréquenté l’histoire de la poésie – et particulièrement ses inflorescences modernes (Rimbaud, Verlaine,
Mallarmé, etc.) – pour appréhender le positionnement poétique qui se dessine au fil des pages ; il faut,
enfin, apprécier les cryptages, les suggestions du mi-dire, les amphibologies, ces soustractions de sens
ne recouvrant ni ne découvrant au final rien que « le scandale de la trivialité » (7) : la vie, le sexe,
l’amour.
Mais si l’on saisit bien des choses, le je lyrique restera, mieux que Protée peut-être, insaisissable. Le
sujet lyrique est à la fois enfantin et roublard, cruel et tendre, cauteleux et candide, poissard et
précieux. « Comptine » (16-17) exprime bien cet ensemble de dualités ; le poème y devient miroir des
ambivalences du sujet qui exhibe ses masques et sa duplicité mélancolique. Mais le caractère équivoque du
sujet lyrique est aussi psycho-sexuelle (voir « Lendemains », 37) et renvoie à la bifidité d’une voix qui
oscille entre l’énonciation masculine et féminine, mais aussi d’un désir, entre l’homme et la femme, entre
le père « qui ne fait pas la sourde oreille » (exergue) et la nausée du mal de mère à la dernière page
(61), à la dernière ligne. Insaisissable, l’instance d’énonciation l’est aussi parce que, dès la « Préface
» (12-13), elle retire toute justification à l’acte poétique, celui-ci étant réduit au rang de bibelot
métaphysique réservé à l’enfance et à ses émerveillements exaspérants. En d’autres termes, la raison du
poème n’est jamais qu’un puéril prétexte et se situe, pour cette raison, en-deçà de l’intensité poétique,
inégalable. Toute possibilité de transcendance se voit congédiée parce qu’irrévocablement « tiède » (13).
C’est que les fleurs, n’est-ce pas, sont postiches : elles sont faites et ajoutées après coup,
artificielles apparences que la virtuosité seule anime ; elles sont feintes aussi, affectées et parfois
mensongères ; mais surtout, elles remplacent, comme une fausse barbe, quelque chose qui fait défaut, qui
peut-être fit défection. Le poème est une forgerie tracée par le manque, un clin d’œil ironique à
l’équivoque, un dégrisement encore gris, encore ivre. Mais si la recherche des intensités demeure, si le
sujet lyrique repousse « la vie sans heurts », il reste pourtant, à la chute de « Entre le cloître le
verger » (22) comme une faille de dérision : « Seule une fleur qui ne s’inquiète / Vole au vent », le
mouvement insoucieux et ascendant rappelant aussi la gastronomie des cantines d’école : présence infime de
la régression et du mauvais goût ?
L’ivresse n’est pas seulement lyrique et les alcools ne sont pas juste des poèmes : récits elliptiques de
biture, confessions d’un « golden-boy en chevalière » (35) ; confidence et gueule de bois de celui qui n’a
« jamais été du lendemain » (23). La progression brisée du vers (en italique) dans « Des crépuscules »
signale, par le retour brutal à la prose (en romain), l’horizon pulsionnel autodestructeur des soirées qui
s’achèvent, au matin, quand le je finit par « s’écrouler sur le bitume au-devant du magasin qui borde
votre allée » (38). C’est que si la sensualité déliée du sexe est fort présente sous forme d’ « Invite »
(18) ou d’« Alternative » (49) peu glorieuse, l’amour et le chagrin qui va avec ne sont jamais bien loin.
L’amour apparaît comme le noyau du recueil. Il irradie, plein et chaud comme la plage sur « la baie de
Bahia » (46), comme le corps de l’aimée, comme « le bracelet du mois d’août » (46), symbole naïf du lien
et du deux qu’il noue dans l’extase. Il donne aussi sa structure chiasmatique au recueil, les répliques
échangées par « L’Autre » (14 et 55) et « L’Un » (15 et 56) se situant en ouverture, puis en fermeture de
l’œuvre. Ce chiasme figure le début et la fin d’une relation ; il enferme ou sertit le souvenir si cher,
maudit et médite la rupture dont, le plus souvent, il désespère – par exemple dans « Convert » : « Il
n’est depuis toi plus / Que d’équilibre idoine / Et moi que l’on connut / Pitre je vis en moine » (57). À
bien y réfléchir, la séparation est figurée d’emblée sur le blanc qui séparent les pages : il n’y a pas de
« et » entre l’un et l’autre, entre les deux amants. Bientôt, c’est donc l’« Adieu » (60) qui clôt presque
le recueil et cicatrise la plaie en achevant « l’état des lieux » (60).
Insaisissable, je l’ai dit : on devine, on subodore, on flaire dans les labyrinthes et les recoins de
l’œuvre ouverte, on fleure les parfums dans les allées du jardin clair. On assiste au scandale ordinaire
du drame amoureux, on s’égare dans les « déserts / Abreuvés et nomades » (61). Singulier, je l’ai dit :
par ces raffinements de fausset ; par la virtuose artificialité de cette musique postiche qui n’atteint
rien, sans doute, que l’expression du manque ; par le refus ironique, enfin, opposé à toute
patrimonialisation symbolique (« Pastorale, 19-21), à toute immobilisation du vers. L’écriture n’est alors
peut-être rien que la dérive enivrante de la forme, ce recueil le témoignage fragmentaire des possibilités
infinies qu’elle ouvre.
Vivien Poltier
Pier Paolo Corciulo interviewé par le Club du Livre pour ses livres « Entre-peaux » et «
Le cri des mouettes »
Benjamin Jichlinski, de la poésie au cimetière - Le
Journal de Pully, mars 2023
C'est un parcours un peu atypique
qui a mené Benjamin Jichlinski à travailler au cimetière de Pully. Après son gymnase, il commence des
études universitaires (en Droit, puis Lettres), plutôt par tradition familiale que par réelle envie.
Attiré depuis toujours par la nature, il se sent bien vite déconnecté des profils académiques qui
l’entourent et décide de se rediriger vers un apprentissage de paysagiste. Un virage un peu compliqué,
surtout pour ses parents, admet-il.
Mais c’est une révélation : le métier de paysagiste lui
convient parfaitement. Engagé en 2018 par la Ville de Pully, il rejoint l’entité Parcs et Promenades
(Direction de l’urbanisme et de l’environnement). Cette équipe (une dizaine de personnes) entretient les
espaces verts de la ville (tonte, arrosage, plantation et entretien des arbres et des massifs, aménagement
des ronds-points). Elle veille également à la protection de l’ensemble des arbres (procédures
d’autorisation d’abattage ou d’élagage). Une équipe dédiée au cimetière s’occupe de son entretien et
des inhumations.
C’est là que Benjamin prend rapidement ses marques. Contrairement à ses collègues
qui sillonnent la ville, lui apprécie d’être attaché à un lieu, de voir ces petits détails évoluer au gré
des saisons. Aussi et surtout, il aime le lien avec les familles, les proches des défuntes et défunts. Car
fossoyeur, ce n’est pas que creuser des tombes (du reste, aujourd’hui, ce travail est plutôt celui des
pelles mécaniques) ; c’est aussi passer du temps avec les êtres vivants, celles et ceux qui restent, pour
les conseiller, les écouter surtout.
Ce rapport quotidien à la mort fait écho à une réflexion qui a
toujours accompagné Benjamin, depuis l’adolescence : un intérêt pour l’humain et sa manière de gérer la
peur de la mort, de comprendre comment le deuil peut nous faire avancer et savourer la vie.
Depuis
l’adolescence aussi, Benjamin écrit de la poésie et des nouvelles. Au gymnase, il aimait provoquer par ses
textes, faire réfléchir profs et camarades. Trilingue (français, anglais, espagnol), il se rend vite
compte que la forme de la poésie libre est pour lui un bon moyen de décrire rapidement des ressentis,
comme des esquisses. Poser les choses par écrit : une évidence pour celui qui se définit lui- même comme
plutôt taiseux.
Il publie son premier livre de poésie en 2012 à compte d’auteur, puis les choses
s’embrayent : il rejoint l’Association des écrivains vaudois et publie trois autres recueils, aux éditions
Soleil Blanc. Beaucoup sont inspirés de son travail au cimetière. Il le dit lui-même : c’est dans le
côtoiement de la mort qu’il écrit la vie. Tout récemment, Benjamin vient de prendre la place du chef
d’équipe du cimetière, le bien connu et aimé Gilbert Casoni, qui a passé des dizaines d’années au service
de la population de Pully avant sa retraire bien méritée en janvier dernier. Benjamin veut-il
révolutionner le métier ? Pas du tout. Mais il a un souhait : que la perception du cimetière évolue. Que
cet endroit devienne un lieu de promenade, de rendez-vous. Que les arbres que lui et son équipe plantent
aujourd’hui offrent, d’ici 10 ans, un vrai espace accueillant pour les passantes et les
passants.
Et les projets littéraires ? Une participation en mars au recueil de nouvelles qui va
paraître pour le centenaire des Éditions Plaisir de Lire, et, à cette occasion, une participation au Salon
du livre de Genève, une ambiance qu’il a déjà vécue quatre fois et qu’il apprécie particulièrement. Et un
nouveau livre de poésie, Entre mort, amour et silence, qui sera publié à Genève en
2023 aux Éditions des Sables.
INTERVIEW DE HUGUETTE JUNOD, RADIO VOSTOK, ÉMISSION RADIO
DU 1 fev. 2023
Que retient-on de 35 ans d’expérience dans l’édition poétique ? Que faisons-nous des doutes promis par
l’aventure d’indépendante ?
Pour le savoir, Alexandre s’est entretenu avec Huguette Junod, fondatrice des éditions des Sables. Un
entretien durant lequel ils sont revenus sur la profondeur de son catalogue et sur la place qu’occupe la
littérature dans son cœur depuis plus de 35 ans.
Le temps d’un entretien saisissez la passion d’une éditrice pour la poésie et découvrez ses deux coups de
cœur littéraires en seconde partie d’émission.
POÉSIE POUR LES ANIMAUX. ENTRETIEN AVEC NICOLAS STEFFEN,
SUIVI DE DEUX POÈMES
Nicolas Steffen a écrit un superbe recueil de
poésie contre le spécisme, Au-delà de cette frontière (2022). Il nous a fait le plaisir de
répondre à nos questions et nous a autorisé à publier deux de ses poèmes. Une magnifique découverte
littéraire et politique !
Au-delà de cette
frontière est le beau titre antispéciste que nous offre Nicolas Steffen pour un magnifique recueil de
poèmes dédiés à l’Innommable : la boucherie, le carnage, cette invraisemblable catastrophe morale que
constitue quotidiennement, sans trêve, notre rapport aux autres animaux. Un trentaine de poèmes
bouleversants, percutants – au sens fort du mot (l’éditrice parle de « poésie coup-de-poing ») –,
parmi lesquels nous en avons choisi deux, « les enfants du charnier » et « grève (je fais un rêve) ».
Deux poèmes qui présentent tous deux, de façon saisissante, l’impact décisif qu’a cette catastrophe
morale sur chacun·e de celles et ceux qui ouvrent les yeux sur les souffrances et sur les morts de ces
individus qui ne comptent pourtant pas. Deux poèmes qui devraient nous faire réfléchir à ce que nous
imposons aussi aux enfants de notre monde, eux que nous proclamons aimer et placer au cœur de notre
existence. Pourtant, l’ordre spéciste s’impose à eux comme à nous, comme aux animaux qui périssent
sous le couteau. C’est une machine infernale qui n’a que faire de ce que vivent les un·e·s et les
autres. Nicolas Steffen met justement en scène la réaction que nous pourrions avoir si nous
réussissions à nous dégager de la gangue de la banalité du mal qui nous enserre. Mais, avant de lire
ces deux poèmes, voici ce que Nicolas a bien voulu nous dire de son rapport à la question animale et à
la poésie. Toutefois, si vous préférez commencer par la poésie, sautez ce qui suit pour descendre sur
la page jusqu’aux poèmes !
L’Amorce : Nicolas, comment en es-tu venu à te soucier de la question
animale ?
Nicolas Steffen : Je me soucie des animaux – et même me fais du souci, beaucoup de souci pour eux –
depuis l’enfance. Déjà, notre manière de les considérer, de les traiter, me mettait en rage (déjà, car
c’est toujours cette même rage d’enfant, au fond, que j’éprouve aujourd’hui). Je me souviens du film
Antarctica, tiré d’une histoire vraie, où des chiens sont abandonnés lors d’une expédition qui
tourne mal. Je devais avoir huit ou dix ans. J’étais rentré du cinéma en pleurs, en fureur, impossible à
consoler. Je repense aussi à ce chat blanc, à moitié écrasé sur le bord d’une petite route à côté de
chez moi, un œil sorti de son orbite. Je me souviens de mon chagrin, de mon immense colère aussi contre
l’automobiliste qui lui avait fait ça, contre tous les automobilistes du monde. Et puis – beaucoup moins
triste – il y a cette maman chat que nous avons trouvée avec ses petits (nous habitions à la campagne).
Ma mère a accepté de les accueillir à la maison. Je m’en suis occupé avec tout l’amour dont j’étais
capable. Puis le jour est arrivé où il a fallu leur trouver des familles, les petits étant désormais
sevrés. Il y en avait cinq, tous plus mignons les uns que les autres. Ma mère nous a dit que nous
pouvions (ma sœur cadette et moi) en garder un chacun. J’ai gardé la maman, je savais que personne n’en
voudrait.
Mais j’ai commencé à me soucier de la question animale – à proprement parler – assez tard, puisque ça
ne fait qu’une dizaine d’années que j’ai pris conscience qu’on pouvait exiger – que nous avions même
le devoir d’exiger – la fermeture des abattoirs, l’abolition de l’esclavage des animaux. Pour
préciser un peu ma pensée, je ne me disais pas, avant cette prise de conscience, qu’exiger la fermeture
des abattoirs n’était pas réalisable, ou encore que cette exigence n’était pas défendable, légitime,
non : cette idée ne me venait simplement pas à l’esprit. Bien que végétarien, le fait de manger des
animaux me paraissait normal, dans l’ordre des choses. Je pouvais certes épargner des animaux (qui, en
quelque sorte, me revenaient), mais c’était bien la seule latitude dont je disposais.
Pendant dix-sept ans, j’ai donc affiché une espèce de végétarisme inoffensif – je veux dire, un
végétarisme qui ne dérangeait personne (à part ma grand-mère parce qu’on ne savait jamais quoi me faire
à manger), un végétarisme qui ne regardait que moi et ma propre conscience. Jusqu’au jour où je suis
tombé sur des images d’élevage et d’abattoir ; où j’ai appris du même coup le sort réservé aux vaches
laitières et à leurs petits, ainsi qu’aux poules pondeuses et aux poussins de la filière œufs – là, ça a
été le choc, le déclic : il faut que ça s’arrête. Je suis devenu végane sur-le-champ ; passé d’un seul
coup de : il est bien que tu n’y participes pas, à : tu dois te battre pour mettre fin à
ces meurtres.
J’ai commencé à lire sur le sujet, à me documenter. J’ai découvert l’ampleur de l’horreur. Et peu à
peu, en parallèle (et en très grande partie grâce aux Cahiers antispécistes), j’ai pris conscience de
l’idéologie spéciste qui imprégnait toute la société et qui permettait à cette abomination d’exister et
de continuer, jour après jour, à exister. Sans que personne, ou presque, n’y trouve rien à redire.
Et comment, par ailleurs, en es-tu venu à écrire des poèmes ?
Pour dire. Parce qu’il m’est insupportable que certaines choses se perdent ; parce que c’est, je crois,
le moyen le plus direct de faire passer, transmettre ce qui nous traverse, ou qui nous habite. Pour dire
ce qu’on ne sait pas très bien comment dire, mais qu’il va falloir dire quand même. Dire absolument.
Mais cette réponse n’est pas tout à fait complète.
Les poèmes, ce n’est pas prémédité. Ce n’est pas comme si j’avais décidé d’écrire de cette manière,
comme si j’avais le choix entre le poème, le traité de philosophie ou le roman. Le poème, l’aphorisme,
le fragment, bref, la forme courte, c’est le seul moyen pour moi d’écrire quelque chose. C’est un
rapport – mon rapport – à l’écriture. Je cherche la fenêtre, je cherche la brèche. Lorsque je trouve la
brèche, j’ai peu de temps. Après il y a l’à quoi bon, le doute, l’autocensure, la légitimité et tout ce
qui empêche.
Et plus précisément, pourquoi des poèmes sur l’exploitation animale, sur le spécisme ?
Tous les militants, je crois, en font l’expérience : une fois conscients de l’injustice, une fois qu’on
a ouvert les yeux sur cette catastrophe morale, il est impossible de tirer le rideau, de ne plus y
penser. Impossible aussi, je crois, de ne pas vouloir tout mettre en œuvre pour y mettre un terme. Mais
quoi faire ? Et comment ne pas devenir fous, dépressifs, se retrouver réduits au silence devant le
déni, l’incroyable et insupportable non-importance que nos contemporains – à commencer, bien souvent,
par nos proches – donnent à cette question ?
La poésie est pour moi une autre manière (autre que l’argumentation, l’information ou l’image) de
montrer, de faire comprendre. Elle est pour moi le moyen de faire rentrer les autres dans ma tête ;
d’être au plus proche de l’horreur, de l’injustice, les dire au plus près. Elle est la tristesse, la
détresse et la rage qui arriveraient tout juste à dire quelque chose – à qui on arriverait tout juste à
faire dire quelque chose. La tristesse, la détresse et la rage ne disent rien. La poésie est un moyen de
leur arracher quelque chose. De ne pas complètement crever d’impuissance.
N’est-ce pas paradoxal d’écrire des poèmes sur un sujet sordide ?
Non. Le problème, c’est plutôt écrire des poèmes à la hauteur du sujet. Mais la poésie n’a pas à éviter
les sujets pas beaux, ou qui ne font pas plaisir, ou qui font honte. Maintenant, si la question est
plutôt : comment peut-on écrire des poèmes devant, ou plutôt, pendant une telle horreur, une telle
abomination, alors là oui, je trouve aussi que la question se pose. Mais elle se pose également pour
tout le reste (c’est-à-dire pour toutes les autres activités non essentielles, non vitales, auxquelles
nous nous livrons au quotidien, au lieu de venir en aide aux victimes, humaines ou non) : devant,
pendant une telle monstruosité qui se déroule en permanence, tous les jours à quelques kilomètres de
chez nous, comment accepter de faire quoi que ce soit d’autre que de descendre dans la rue, dans les
abattoirs, les arènes, les élevages, les laboratoires et les ports, comment faire quoi que ce soit
d’autre que de se mettre en travers de la route pour empêcher les camions ?
Mais encore une fois : le spécisme est une culture, c’est même la culture de l’humanité
(l’humanité moins des cacahuètes). Et nous ne pouvons pas enfermer 99,5 % de l’humanité pour l’empêcher
de nuire, le temps qu’elle comprenne, non. Pour en finir avec cette culture, les cacahuètes que nous
sommes n’avons pas d’autre choix que de la saper, de la défaire, de montrer qu’une autre culture est
possible, avec nos (pour l’instant) petits moyens. La poésie en est un.
Te connais-tu des inspirateurs et inspiratrices, pour ce qui est de ton style
poétique ?
Plein. Nous sommes toutes et tous le « résultat », à chaque seconde, d’une infinité de facteurs et
d’influences diverses. En ce qui me concerne, je lis beaucoup. La lecture est – de loin – ce à quoi je
consacre le plus de temps au quotidien depuis la fin de l’adolescence. Des romans, de la philosophie,
des essais. Et puis il y a aussi la musique, tellement importante pour moi. J’en écoute beaucoup – les
Feelies, Nick Cave, ces derniers temps. Beaucoup de chanson française également, que j’écoute depuis
l’enfance – de Renaud à Feu! Chatterton. Mais étonnamment, je lis assez peu de poésie.
Je crois que la poésie a beaucoup souffert, et souffre toujours, de ce que l’école en fait (des vers à
apprendre par cœur, des trucs ennuyeux, ou alors l’analyse – poussée – de poèmes très difficiles
d’accès, complètement étrangers à la plupart des adolescent·e·s). Elle souffre aussi de sa réputation,
élitiste, hermétique (et chiante, pourquoi ne pas le dire), pas toujours imméritée je trouve. Pour ma
part, je vois souvent plus de poésie dans des romans, des chansons, que dans des poèmes qui trop
souvent, ne me disent rien.
Bref, difficile de mettre un nom sur des inspirateurs et inspiratrices en particulier. Toutes celles et
ceux que j’ai lus ou écoutés en font partie (philosophes inclus) à des degrés variables. Par contre, je
peux citer quatre auteurs qui m’ont marqué par leur style : Robert Walser, Jack Kerouac, Thomas Bernhard
et Arthur Rimbaud.
Comment ce recueil a-t-il été accueilli (par les éditeurs, les poètes, les
militant·e·s) ?
Pour commencer, il m’a fallu du temps pour trouver à qui envoyer mon manuscrit. Entre le sujet et –
peut-être plus encore – le ton de mon recueil, je savais que sur les milliers de maisons d’édition que
comptent la Suisse, la France, le Canada et la Belgique, très peu (voire aucune) seraient prêtes à le
publier. Car s’il est vrai que depuis quelques années l’antispécisme n’est plus ignoré, méprisé par les
éditeurs (de nombreux essais et romans sont aujourd’hui publiés par d’importantes maisons d’édition), il
n’y a rien, dans mes textes (ni argumentation, ni recours à la fiction), pour amortir – en quelque sorte
– la charge du message. Ce que j’écris est plutôt très offensif, clairement engagé et, par conséquent,
heurte.
Après des mois fastidieux à éplucher la ligne éditoriale de centaines de maisons d’édition, j’ai donc
fini par envoyer mon texte à une vingtaine d’entre elles. À ma grande surprise – à ma grande joie
surtout – j’ai reçu rapidement un retour très élogieux d’un éditeur de L’Iconoclaste. Il ne pouvait rien
me promettre, mais une publication était envisageable. Malheureusement, après de longs mois d’attente,
L’Iconoclaste a pris la décision de ne pas retenir mon texte. Les autres éditeurs, soit m’ont répondu
avec leurs mots standards et polis que mon texte ne les intéressait pas, soit ne m’ont pas répondu. À
part, bien entendu, les éditions des Sables, petite maison d’édition suisse, qui a également répondu
assez vite pour m’annoncer qu’elle était intéressée. Et qui a donc publié ce texte.
En ce qui concerne les poètes, une très belle chronique du livre, écrite par Jean-Michel Maubert, poète
et rédacteur en chef de la revue de poésie et de littérature La page blanche, paraîtra au
printemps dans le numéro 62 (numéro papier, car elle est d’ores et déjà disponible sur la page Dépôt de la revue en ligne). Un bel et très élogieux podcast, écrit et dit par Caroline
Brasseau, chroniqueuse littéraire pour le média Parole d’animaux, est paru il y a quelques
semaines.
Mais le gros des retours vient évidemment des militants, et surtout des militantes. Deux, notamment,
m’ont beaucoup marqué, il s’agit de deux activistes qui sont allées très loin dans leur engagement, qui
se pensaient « carapacées » après tout ce qu’elles avaient vu et qui sont ressorties du recueil
ébranlées. Bon. Ça me fait évidemment plaisir que mon livre touche des gens à ce point. Mais j’aurais
tellement aimé – j’aimerais tellement – que ce livre provoque la même chose chez des lecteurs et
lectrices qui ne voient pas le problème. Pour l’instant, c’est le silence de leur côté. Je sais que de
nombreuses connaissances l’ont acheté. Mais pour l’heure, rien.
Qu’espères-tu à l’avenir pour tes poèmes ?
J’espère qu’ils vont envahir la planète, qu’ils vont mettre une gifle au monde entier, qu’après les
avoir lus, les gens cesseront de manger des animaux et trouveront injuste, abominable, incompréhensible
même, de ne pas l’avoir fait plus tôt. Et qu’à la suite de cette prise de conscience, ils entameront
leur mutation – rapide, si possible – vers l’antispécisme.
Plus modestement, plus sérieusement aussi, j’espère que ces textes donneront du réconfort à des
militant·e·s qui perdent espoir, qu’ils redonneront de l’énergie à d’autres qui sont fatigué·e·s de se
battre, d’être confronté·e·s au déni, d’entendre toujours les mêmes incroyables « justifications ».
J’espère que par leur forme courte, leur ton, ces textes permettront à des personnes peu familières
avec la question animale d’accéder à une réalité, à la réalité ; à une autre manière de
considérer les autres animaux et notre rapport à eux. Mais je ne me leurre pas. Je ne crois pas que
l’écrit puisse réussir là où l’image a largement échoué. Si les images d’élevage et d’abattoir (révélées
en grande partie par L214 depuis quelques années) n’ont pas réussi à provoquer un changement majeur,
radical, dans le comportement et la mentalité de l’écrasante majorité des personnes qui les ont vues, je
ne vois pas comment des mots (là, je parle de tous les mots, pas que des miens) pourraient y parvenir.
D’ailleurs, ils n’y parviennent pas. Pas sur le court terme, en tout cas.
Sur le long terme, c’est différent. Je reste convaincu qu’un progrès moral est possible, et que toutes
nos actions militantes, tous nos écrits, tous nos efforts de sensibilisation contribuent à faire évoluer
les mentalités. Mais les animaux n’ont pas le temps d’attendre. Mais les animaux sont pressés de ne plus
naître. Alors, pour que des millions de milliards d’entre eux ne subissent pas le martyre pendant
plusieurs siècles encore, il faudra autre chose. Autre chose que la raison, nos arguments en béton et la
très lente évolution des sensibilités. La crise climatique à elle seule, à l’évidence, ne suffira pas
non plus. Les crises sanitaires non plus. Reste l’arrivée imminente sur le marché des produits issus de
l’agriculture cellulaire. J’espère qu’elle sera suffisamment irrésistible pour enrayer la machine, nous
faire prendre définitivement une autre direction.
Deux poèmes de Nicolas Steffen :
les enfants du charnier
Ils ont ouvert les yeux Les enfants du charnier Ils se demandent
comment ils faisaient Ils se demandent ce qu’ils croyaient
Ils se réveillent en pleine nuit Pieds et poings liés Ils savent ce
qu’on leur fait C’est comme s’ils y étaient
Ils se démènent depuis Ils raisonnent et ils supplient Mais tout le
monde s’en fout
Ils avaient une famille Ils avaient des amis Ils ne savent plus
désormais De quoi ils vont pouvoir parler
Ils ont fait un pas de côté Les enfants du charnier L’angle mort a
disparu Ils voient le monde en entier
Ils lisaient les philosophes Admiraient les artistes Les artistes
gesticulent Et les philosophes ne veulent pas penser
Ils se sont réveillés Les enfants du charnier Ce qui marchait avant
ne marche plus
Ils lisaient les philosophes Admiraient les artistes Il ne reste que
des pitres Au milieu du charnier
grève (je fais un rêve)
Les enfants sont dans la rue Ils ne vont plus à l’école. Ils disent
si c’est pour y apprendre ça Autant ne plus y aller. Toutes ces valeurs Tout ce savoir Pour
en arriver là Merci bien. Ils disent Regardez ce que vous faites aux cochons Comment vous
les traitez – Et après vous voudriez Après vous exigez Qu’on vous suive ? Non
merci. Ils disent : Nous n’apprendrons pas à nos enfants À s’habituer à l’abjection. Si nous
survivons Nous ne leur dirons pas « C’est la vie mon ange » « Non ça ne leur fait pas
mal » En dépassant les camions.
Les enfants ne vont plus à l’école : Pas un jour de grève par-ci
par-là Pas en grève tous les vendredis – Ils n’y vont plus du tout. Ils disent vous nous avez
menti Sur un sujet essentiel ; Sur le sujet le plus important du monde Vous nous avez
menti ; Comment voulez-vous Qu’on bâtisse quoi que ce soit avec vous ? Plutôt
crever. Regardez comment vous traitez Les mères et leurs petits Regardez comment vous laissez
faire Regardez ce que vous faites subir À nos amis pour la vie. Nous refusons d’apprendre Ce
qui vous a conduits À ne rien voir À faire semblant À vous raconter des histoires Nous
refusons d’apprendre à louer la paix En égorgeant l’agneau Nous refusons d’apprendre le
respect Devant une saucisse de veau.
Les enfants sont dans la rue Ils ne vont plus à l’école (Ils ne vont
plus à l’église à la mosquée à la synagogue non plus). Ils disent jusqu’à l’arrêt des
massacres Définitif Nous n’y remettrons pas les pieds. Les parents peuvent nous fourrer
dedans De force Nous nous boucherons les oreilles. Les parents peuvent continuer à nous les
fourrer dedans De force Nous nous boucherons la bouche. Nous recracherons. Nous n’avalerons
plus un seul morceau Une seule valeur Un seul commandement Un seul principe Tant que cette
question ne sera pas réglée.
* * *
Nicolas Steffen, Au-delà de cette frontière, Éditions des Sables, 2022
Pour se procurer
le livre :
En Suisse : chez votre libraire préféré ou sur commande auprès de la maison d’édition des Sables.
En France, Belgique et Canada (et pour le reste du monde), via la librairie Lune et l’autre.
La Page blanche n° 62 - NICOLAS STEFFEN, AU-DELÀ DE CETTE
FRONTIÈRE.
Dans son livre Crépuscule. Notes en Allemagne (1926-1931), Max
Horkheimer modélise la société sous la forme d'un gratte-ciel, chaque étage symbolisant la place
que l'on occupe dans la structure globale de la domination. Il écrit : "Au-dessous des espaces
où les coolies de la terre crèvent par millions, il faudrait encore représenter l'indescriptible,
l'inimaginable souffrance des animaux, l'enfer animal dans la société humaine, la sueur, le
sang, le désespoir des animaux". Le silence assourdissant de nos sociétés à l'égard du martyr
et du meurtre de masse perpétré chaque jour, chaque nuit, contre des milliards d'animaux sentients,
s'est brisé depuis quelques années. L'envers de notre prospérité est un innommable charnier.
Je n'ai jamais lu ou entendu aucun argument valable éthiquement pour justifier le meurtre
d'êtres innocents à la merci de l'arbitraire humain. Face à cette vérité atroce, qui
questionne ce que certains appellent notre humanité, le déni et la mauvaise foi se déchaînent sans
aucune vergogne. Au-delà des images des lanceurs d'alerte et des arguments des philosophes dignes
de ce nom, il est nécessaire de dire ce qui est, sans détourner le regard. Témoigner, en alignant sur
les pages les mots les plus justes possibles.
C'est à cette tâche difficile et
douloureuse que s'est voué le poète Nicolas Steffen dans son livre
Au-delà de cette frontière. Poésie coup-de-poing, aux éditions des Sables
(collection "Rose des Sables", 2022). Dire pour témoigner de ce qui est sous les yeux
mais n'est pas regardé. "Il y en a plein les autoroutes / Museaux écrasés contre les barreaux
/ Ils font partie du paysage / (...) On les égorgera demain / Nous allons vers la mer" (la
route des vacances, p. 9). D'un enfermement à l'autre, vers la mort – pour les uns.
Ouverture vers le grand large, sentiment océanique – pour les autres. Contre cette indifférence
fabriquée et entretenue au quotidien, le poète s'adresse à l'animal absent – une "vache
de réforme"–, déjà mort (aujourd'hui, p. 13-15). Ou à l'animal blessé
mortellement, agonisant sur une route (le sac en plastique, p. 10-12). Le Tu instaure
une proximité, un dialogue avec l'autre, qui n'aurait jamais dû être interrompu. Il tente
modestement de se mettre à la place, par les mots, de l'être condamné à mort pour des raisons
dérisoires : "Il est trois heures du matin / Tu es là / Debout / Présente au monde / – Ils vont
devoir en finir avec ça / Je ne sais pas comment c'est possible (...) Et puis ils viendront te
chercher. / Tu iras sur tes quatre pattes / Tu iras en boitant / Dans l'étroit couloir / Dans la
terreur / L'impossibilité de faire marche arrière / Avec ta tête encore sur ton corps / Tu
avanceras sous la contrainte / Tu avanceras seule au monde / Dans le bruit assourdissant des machines /
Et ils feront s'écrouler ton corps / Ton corps lourd suspendu à un rail / Ton corps encore vivant
qu'ils vont vider de sa vie. / Mais pour l'instant tu respires / Posée sur tes sabots / Pour
l'instant tu es grande / Entière / Majestueuse dans la nuit.” (tu respires, p.
21-22). Le poète se met aussi à la place de l'ouvrier d'abattoir, parfois surpris qu'on
l'autorise à faire ce qu'il fait : "En ce qui les concerne eux / C'est bon on
peut." – anticipant au petit matin, en se levant, ce qu'il va devoir accomplir et endurer au
nom de tous : "La terreur des mères et de leurs petits / Le bruit des couteaux des cisailles et des
scies." (légal, p. 27-28). Un puissant questionnement éthique parcourt le livre :
"Si vraiment on se rend compte de ce qu'on fait. / Est-ce qu'on peut justifier de te tuer
(...) Est-ce qu'on peut te découper en morceaux / Te ranger au frigo (...) Si on est présent à
soi." (qu'est-ce qu'on a fait de toi, p. 29-30). Ici, on ne peut
s'empêcher de penser à Michel Terestchenko, qui, dans son beau et terrible livre Un si fragile
vernis d'humanité, nous a rappelé que la présence à soi est la condition de toute vie morale
authentique. Les poèmes du recueil interrogent notre spécisme profond, toutes ces valeurs
prônées par nos sociétés qui s'effritent dès qu'il s'agit des autres animaux (le
socle, p. 31-34, ou les mots, p. 87-88). Il recourt à la fable
(notre terre, p. 35-36) pour interroger notre vision anthropocentrée des problèmes
écologiques. Il raconte aussi son impuissance. Impuissance devant l'agonie d'un poisson, le
rire des pêcheurs, qui se métamorphose en menace dès qu'on leur dit que l'animal se tord de
douleur (hulk, p. 40-41). Le courage de la vérité, les grecs anciens le nommaient
parrêsia, comme nous l'a rappelé Michel Foucault. Courage face à un humanisme qui
n'est que le masque délétère et sordide du suprémacisme humain – voir, par exemple, les poèmes
terreur végane (les nouveaux résistants), p. 55-56, ou double peine,
p. 57-60, ou encore au-delà de cette frontière (p. 61-62). L'auteur interroge
la fausse idée de nature (car issue d'une cosmologie théologisée)comme
justification de ce que l'on fait et ne fait pas (prédations, p. 42-46) : "Où
il y a la détresse la souffrance et la mort / Il a appris à dire beauté ordre des choses et
harmonie". On pense au texte de Nietzsche: Gardons-nous, dans Le gai savoir
(livre III, aphorisme 109). Il évoque le "respect" des bouchers pour la viande
qu'ils manipulent, qu'il ne faudrait surtout pas abîmer (boucherie, p.
51-51). Il interroge l'inanité du partage entre ceux dont le destin est d'être voués à la
tuerie et ceux dont le destin est d'être voués à la compagnie des humains
(domestique, p. 52-54). On sent dans les mots du poète vibrer une ironie, presque douce
parfois, et désespérée, comme dans le texte dans l'ensemble, p 16-19, où il
imagine ce que serait le point de vue animal sur notre monde, tandis que l'horreur serait enfin
derrière nous. Ainsi, malgré le désespoir qui innerve le texte, le poète donne une place à des formes
possibles de révolte (grève (je fais un rêve), p 75-77, qui prend le point de
vue des enfants sur le monde qu'on veut à toute force leur léguer) et d'utopie :
"Tuerie industrielle – processus sans fin ; / Nous avons vu ce qui semble ne pas avoir pu
appartenir au monde / Ne pas avoir pu vraiment exister / Aujourd'hui / Rien que de
prononcer le mot nous semble étrange / Abattoir / Il symbolise à lui seul cette ère / La plus meurtrière
qui fut. / Il nous permet / À lui seul / De prendre la mesure de cette espèce d'état de démence /
Dans lequel vivaient la quasi-totalité des hommes du passé."(après, p. 84).
L'utopie, comme le disait Paul Ricœur, permet de penser sur un mode critique une alternative à ce
qui est. Elle est absolument nécessaire. Oui, car sans elle c'est comme si la honte devait nous
survivre.
Jean-Michel Maubert
Pour lire le livre de Nicolas Steffen : En Suisse : chez votre libraire
préféré ou à commander auprès de la maison d’édition (25 CHF) : https://ed-des-sables.ch/shop.htm
Guépard, de Mélanie RICHOZ - Chroniques littéraires de
Geneviève MUNIER, 29 déc. 2022
C’était exactement le 16 juillet 2016, mon blog n’était pas
encore né, mais déjà j’écrivais mes ressentis après chacune de mes lectures. Je venais de terminer un
roman d’une certaine Mélanie Richoz. Je ne la connaissais pas et j’avais reçu "J’ai tué papa"
dans le cadre d’une Masse Critique Babelio. J’en disais ceci : "Émue, bouleversée, touchée, secouée…
je suis complètement troublée et attendrie par la lecture du roman de Mélanie RICHOZ : "J’ai tué
papa".
Puis je l’ai suivie, lu ses autres romans, rencontrée. Et
toujours cette même délicatesse dans ses mots, cette profondeur, cette sensation de calme et de sérénité.
Et voilà, aujourd’hui "Le Guépard – éco-haïkus". L’auteur a associé son petit garçon à
l’élaboration de cet album, un recueil de haïkus. Elle voulait aborder avec lui le problème de
l’extinction d’espèces animales. Alors, elle lui a demandé de dessiner ces animaux. Il en a tracé les
contours et elle les a habillés. Ainsi ils ne seront jamais tout à fait morts…
"Maman ! Allez, dis le guépard ne
mourra pas à cause du climat ? Je ne réponds pas et te regarde
bêtement j’ai si peur pour toi"
On retrouve la jolie plume de Mélanie Richoz, légère,
joliment ciselée, poétique mais aussi incisive.
"J’irai pisser dans vos piscines
chauffées après m’être baignée" "Achète-toi un SUV tu
surferas sur la vague des glaciers fondus"
Et malgré l’inquiétude qui sourd des mots, cette impression
de sérénité et de sagesse. Ainsi, Fernand Louis Alphonse et sa maman parlent d’écologie, de respect de
la nature, à l’aide d’images et de mots simples.
C’est magnifique. C’est à lire et relire avec ses enfants
et ses petits-enfants. Une manière imagée et sensible de regarder le monde et de tenter de préserver ce
qui peut encore l’être. Un petit, tout petit livre à l’image du sourire bienfaisant de son auteure.
Éditeur : Edition des Sables Date de Parution : Novembre
2022
Interview d'Huguette Junod sur Radio Cité Genève, 5
déc. 2022
Sita était en compagnie d'Huguette Junod pour parler de "Anthologie des Sables
1987-2022". L'éditrice nous fait part de 35 ans d'édition de poésie à
Genève et en Suisse romande !
Trois questions à ... Huguette Junod, fondatrice et
directrice des éditions des Sables, Quertz (RTS), décembre 2022
Votre maison d’édition est née en 1987 à Genève, quel est aujourd’hui le défi d’une maison
d’édition indépendante comme la vôtre?
Faire face! Avec les années, le travail
est devenu de plus en plus important. 23 livres en 2022, c’est fou! Je travaille bénévolement, comme les
ami·es auteur·es qui m’aident: metteur en page, lectrice, relecteur et relectrice. Il faut également
honorer les commandes, gérer le stock, participer à différents événements culturels: le Salon du livre,
celui des Petits éditeurs, le Printemps de la Poésie, Poésie en Ville, la Fureur de lire. J’organise de
mon côté des lectures et des balades littéraires en différents lieux, dont celle du cimetière des
Rois.
Deux tiers de vos publications sont consacrés à la poésie. Quelles sont ses
déclinaisons?
Je publie des œuvres en prose: romans, nouvelles, récits, des
anthologies, quelques livres pour enfants. Mais les deux tiers des parutions sont de la poésie. Ce n’est
pas un choix a priori, mais le résultat des manuscrits que j’accepte. Même si la poésie est considérée
comme difficile, n’intéresse guère les médias et se vend mal, je trouve important de la publier, de la
promouvoir, notamment par des lectures et des balades littéraires, de faire connaître des poètes. J’ai
constitué une famille dont les membres s’aiment et se respectent, pour mon
bonheur.
Cette année, vous célébrez les 35 ans des éditions des Sables et vous décidez
d’offrir au lectorat francophone une «Anthologie des Sables 1987-2022». On peut y découvrir les 140
ouvrages déjà édités ainsi que les 77 écrivains que vous représentez. Parlez-nous de ce
désir. J’avais envie de marquer les 35 ans de ma maison
d’édition, de montrer l’ensemble des parutions et de mes auteur·es depuis le début, 1987. Chacun·e a sa
photo, une bio-bibliographie, deux pages de son ou ses livres et un QR code qui renvoie au site. C’est à
la fois une somme et un catalogue, une borne. Pour les 30 ans, j’avais demandé des textes sur le thème du
sable, l’anthologie contient 28 auteur·es. Et j’ai publié Grains de sable, avec 37 auteur·es. En
2027, pour les 40 ans, je publierai une anthologie de la suite.
Propos recueillis par Layla Shlonsky
POÉSIE Mélanie Richoz, Guépard, éco-haïkus, éd. des Sables, 74 p. Une
maman écrivaine et son fils de 6 ans s’emparent des questions de la biodiversité et des espèces en voie
d’extinction. Résultat: un très joli et singulier ouvrage, où les dessins d’animaux de l’enfant font écho
aux éco-haïkus de l’autrice qui, habituée avec son style court et percutant à déranger, émouvoir et donner
à penser, chérit la beauté du monde en un geste de gratitude, d'hommage et de partage.
Mélanie Richoz, Guépard, dans le blog « Ballade
au fil de l'eau ...», 11 décembre 2022
Autrice : Mélanie Richoz, ergothérapeute et auteure de nationalité suisse. Chroniqueuse, elle publie
différents ouvrages aux éditions Slatkine dont Tourterelle (2012) et Mue en 2013, roman pour lequel elle
obtient la Bourse d’Encouragement à la Création Littéraire du Canton de Fribourg 2011-12. En avril 2014,
elle publie un recueil de nouvelles : Le bain et la douche froide, aux éditions Slatkine. Mélanie Richoz a
publié une dizaine de livres. J’avais beaucoup aimé : « Apollo » (2020) – (Illustrations de Kotimi)
Collection Rose des Sables, «Guépard» , éco-haïkus de Mélanie Richoz 10.12.2022 — 74 pages .
Résumé. Afin d’aborder la thématique de l’effondrement avec son fils, Mélanie lui a proposé de
dessiner les animaux en voie d’extinction pour leur offrir un bout d’éternité. Du haut de ses 6 ans, il a
tracé leur contour ; à l’encre de chine, elle a customisé ses croquis. Leur co-création, mise en page par
Baptiste Cochard, habille ainsi Guépard, ce recueil de haïkus contemplatifs, inquiets et provocateurs,
jamais bien-pensants.
Mon avis :
Un grand merci à Mélanie Richoz et aux éd. des Sables pour l’envoi de ce petit livre qualifié d’
»inclassable » par l’autrice.
Les espèces menacées en images ( illustrations à 4 mains par l’autrice et son fils) et en haïkus, une
belle communion parent/enfant. Des textes qui interpellent et qui, sous des apparences peut-être naïves
inquiétant et sont extrêmement parlants. Tant les mots que les images mettent en garde contre la
disparition des animaux, de l’éco-système, pointent un monde qui disparait, la montée des eaux, la
pollution, le mal que les hommes infligent à la nature.. Un petit livre original qui va rester sur la
table du salon, à prendre et reprendre, des paroles qui donnent à réfléchir.. Et un plaidoyer pour
notre terre … Que vivent les guépards, les tortues, les animaux sauvages, marins, et domestiques les
oiseaux, la flore et les espaces que nous avons la chance de connaitre encore…
Un ouvrage qui joint la voix de l’adulte à la vision de l’enfant.
Mon haïku préféré: « Violent mal de pierres je ricoche sur le sommeil sur
les cauchemars »
À LIRE - À DÉCOUVRIR ... DES PLUMES DE SUISSE ET D’
AILLEURS - Espaces (bulletin de l'AVIVO) - novembre 2022
Huguette Junod et ses
auteur·e·s L’Anthologie des Sables - 1987-2022 Prose et poésie 226
pages Éditions des Sables, Genève
L’éditrice : Depuis 35 ans, Huguette Junod se passionne
pour éditer et faire ainsi découvrir de jeunes ou moins jeunes autrices–auteurs. On ouvre avec délicatesse
ce très beau livre, on se laisse happer par un visage, un extrait de récit, un poème doux ou nostalgique.
Impossible de citer tout le monde, laissez-vous guider, et pour vous mettre l’eau à la bouche, deux
extraits :
Gabriella Baggiolini : La nostalgie Une
tendresse Exilée en zone grise quand dans la vie Il fait soleil
Marie-José Astre Démoulin : Rien ne saurait me
rendre plus heureuse que d’être happée par le manteau gris de cette ville secrète et silencieuse à la
fin d’une journée d’automne. Dans des volutes nuageuses, dans les bancs de brume, telle une danseuse
orientale avec ses foulards, Genève mène sa danse. Gris de plomb et de coton mêlés d’un ciel
fatigué.
Un magnifique florilège !
Annette Zimmermann, Bulletin mensuel de l’AVIVO •
Genève N°11 novembre 2022• 38ème année
L'écorce du réverbère, de Vincent Gilloz - La
Liberté, 15 oct. 2022
L'écorce du réverbère, de Vincent Gilloz - Le blog de
Francis Richard, 24 sept. 2022
capturer... c'est ça j'aimerais juste
parvenir à figer ou conserver quelque chose... tu vois la force d'un moment, capturer
l'instant, la sensation... surtout rien d'autre quoi rien de plus élaboré.
Voilà le projet poétique d'Igor tel qu'il le présente à son ami le narrateur, à qui il confie
la mission impossible pour lui de trouver un éditeur pour son recueil de poèmes.
Les poèmes de ce vagabond ébloui, reproduits ici, ont des titres et des contenus conformes à ce
projet de Captures : Prégnance, Infini Regard, Périscope, Déliquescence.
Les titre et sous-titres du livre de Vincent Gilloz évoquent plutôt une hybridation, que symbolise
l'image du couple improbable d'un arbre et d'un réverbère enlacés (1) :
L'écorce du réverbère Roman Prose poétique
Or c'est bien cette gageure que le narrateur doit soutenir après qu'il a rencontré un éditeur
connu, intéressé par ses poèmes, mais qu'il voudrait quelque peu romancés:
vous ne croyez pas que la distinction entre roman et poésie est difficile à faire?
Car le narrateur s'est bien présenté comme leur auteur et, piégé, maintenant doit assumer cette
exigence, sans être sûr qu'elle ait l'heur de plaire du tout à son ami Igor.
Le texte, hybride donc, met en italiques l'accouplement de l'arbre et du réverbère, entre
guillemets le récit secret du narrateur et en prose l'histoire proprement dite.
Comme il n'est guère de ponctuation dans ce roman, il faut lâcher prise, se laisser
emporter par le rythme. Étrange, voire étranger, il devient alors familier et savoureux.
Car, le narrateur a un regard infini sur les mondes de l'édition, de l'écriture, des
enregistrements musicaux et des concerts, sur les relations de couple et la marginalité...
Francis Richard
(1) La photo de couverture le représente...
Un jeune poète « En lisière d’horizon » - Tribune de
Genève, 14 sept. 2022
Bernard-Olivier Posse, Un jeune poète « En lisière d’horizon », par Jean-Noël
Cuénod
C’est toujours émouvant d’assister à l’éclosion d’un poète. D’un vrai. Pas d’un de ces
imposteurs médiacrates pour chansonnettes franglaises qui se donnent «l’air de». Alors que justement,
cet air, ils nous le pompent! Grave! Avec Bernard-Olivier Posse nul risque. Son premier recueil de
poésie, En lisière d’horizon (Éditions des Sables), le démontre par l’irréductible authenticité de sa
démarche.
Jeune docteur veveysan en littérature française, prof de français et de latin au Lycée-Collège de La
Planta à Sion, Bernard-Olivier Posse a déjà publié un roman (Au royaume des indifférents,
Éditions 5sens). Son premier recueil de poésie vient de sortir aux Éditions des Sables (Collection « Rose
des Sables ») que dirige la poétesse genevoise Huguette Junod.
Le titre choisi, En lisière d’horizon, vient éclairer cette quête de l’indicible que tous les
poètes partagent comme autant de chasseurs en marche vers un impossible gibier.
Car il s’échappe toujours, ce gibier. Heureusement d’ailleurs. Que ferait-on de son cadavre?
Dire l’indicible
Rendre visible l’invisible et l’inouï audible, c’est qui distingue le poète du prosateur; dépasser
l’oxymore, lui donner images et couleurs, afin qu’il ne s’embourbe pas dans l’aporie. La mission n’est
impossible qu’à ceux qui ont peur du vide. Si vous êtes sujet au vertige, passez votre chemin.
Ce chemin, Bernard-Olivier Posse s’y engage d’un pied léger, le long de la lisière et vers l’horizon. La
lisière n’est pas le clair-obscur, c’est-à-dire la lumière qui met de l’eau dans son vin, ni la mangrove
qui fait compromis entre les racines et la mer. Elle marque la frontière entre la forêt, à laquelle elle
appartient, et le champ.
La lisière sauvegarde le caractère ténébreux de la forêt. Les ténèbres ont trop bien compris la lumière,
elles la protège des évidences toujours trompeuses. Ta démarche / dit ce que la lumière elle-même /
n’ose exprimer / son allégeance à l’obscur, avertit l’auteur.
Guide insaisissable
L’horizon, lui, n’a pas de frontières. Ou plutôt, il les franchit comme si elles n’avaient aucune
consistance, aucune présence réelle. A chaque pas, il se dérobe, nous laissant nus.
Nus mais « orientés », c’est-à-dire rendus à cet Orient qui a donné corps aux grands mythes. Guide
insaisissable. Guide parce qu’il est insaisissable. La poésie est le moyen que la vie a trouvé pour
s’adresser à chacun sans intermédiaire / Miracle immaculé, elle est le lieu d’où tout revient; l’horizon
vers lequel tout s’arrête, lit-on au fil d’En lisière d’horizon.
Guide insaisissable et forêt protectrice, l’amour est à la fois horizon et lisière, soleil qui fait
s’évaporer tout ce qui n’est pas lui: Tu m’as asséché / comme un soleil le ferait / me faisant vapeur
pour que / je me rapproche un peu plus de / Toi.
L’amour comme la poésie – les deux se confondant comme le font les serpents au printemps – vont à
l’essentiel, à l’essence-ciel où l’esprit prend corps.
Jean-Noël Cuénod
En lisière d’horizon - Bernard-Olivier Posse - Éditions des Sables - Collection « Rose
des Sables » à Genève - 83 pages.
L'écorce du réverbère, de Vincent Gilloz -
Riviera-Chablais, 3 août 2022
"L’écorce du réverbère": le couple antagoniste
de Vincent Gilloz - RTS, 30 juillet 2022
L'écrivain suisse Vincent Gilloz a publié en juin son premier roman, "L'écorce du
réverbère". Écrit à la manière d'un monologue intérieur, le texte aborde la question de
l'amitié dans une langue poétique.
Au premier coup d'œil, le manuscrit de "L'écorce du réverbère" de Vincent Gilloz
déconcerte. Très peu ponctué, il offre quatre formats de langages différents. Des parties écrites en
italique, d'autres entre guillemets, des passages en vers et en prose. Cela donne un ensemble très
singulier, disparate et puis, au fur et à mesure de l'histoire, la langue devient une. C'est une
seule voix qui parle et on entend alors une sorte de monologue intérieur, comme une parole pas encore
déclamée, enfouie: une longue pensée avant d'être articulée.
Adolescent, Vincent Gilloz a écrit du rap et il en a scandé. En grandissant, il se passionne de
littérature, il étudie le français et la philosophie à l'Université de Lausanne. Et puis très vite la
poésie le happe et il approfondit son amour des mots avec un travail de mémoire sur l'œuvre poétique
de Charles Baudelaire. "L'écorce du réverbère", son premier texte, s'inspire
d'une photo prise aux abords du Léman à Nyon: un platane scellé à un réverbère. Un couple que tout
oppose, et c'est là, entre la sève et le métal, entre la nature et la fabrication humaine, que
Vincent Gilloz imagine une histoire poétique de duplicité et d'amitié.
De l'énigme éditoriale aux Éditions des Sables
Dans l'ambiance enfumée et souterraine des bars, la nuit, deux amis, Igor et le narrateur (son nom
n'est jamais donné) se croisent. Igor écrit des poèmes: "Prégnance", "Infini
regard", "Périscope", "Déliquescence" et bien d'autres. Un jour, le jeune
poète les offre à son ami accompagnés d'une demande spéciale: trouver un éditeur. Le narrateur,
intrigué, accepte. Il envoie les poèmes d'Igor à de nombreuses maisons d'édition et un célèbre
éditeur le rappelle.
A partir de là, l'histoire bascule. Le narrateur, pris au piège par son propre mensonge,
n'arrive plus à s'en défaire. Il fait croire à l'éditeur que ces écrits sont de lui. La
réalité se délite et le narrateur lui-même va commencer à croire en la paternité de ces poèmes…
Objet littéraire non identifié
Le texte "L'écorce du réverbère" a vécu un destin éditorial singulier qui trouve un écho
avec la thématique même du roman. L'édition française Grasset repère et reconnaît le ton particulier
du roman, son atmosphère envoûtante et sa langue novatrice qui éclate la frontière entre roman et poésie.
Malgré toutes ses qualités, le côté expérimental ne fait pas l'unanimité, le manuscrit est donc
refusé bien que fortement remarqué. A contrario, la directrice des Editions des Sables, Huguette Junod,
elle, n'a pas froid aux yeux!
Elle édite immédiatement cette pépite qu'elle qualifie d' "OVNI littéraire" (un terme
rebaptisé par l'auteur lui-même en "OLNI"). Une langue singulière, un ton unique,
c'est ce qu'on retient des retours éditoriaux et au fond n'est-ce pas là le rêve de tout
écrivain? A l'instar de Proust qui disait que "les beaux livres sont écrits dans une sorte de
langue étrangère", le jeune auteur suisse confie à la RTS avec passion et lucidité:
"J'essaie de produire quelque chose qui soit authentique, intime et universel. Au fond,
l'ambition pour un écrivain, c'est de trouver une voix à lui, qui soit assez intime pour être
unique et en même temps assez profonde pour être universelle." A l'unanimité,
"L'écorce du réverbère" est singulier… Il est donc possible d'affirmer - sans aucun
doute - que l'ambition de Vincent Gilloz est grandement aboutie!
Layla Schlonsky/cfr
"L'écorce du réverbère", Vincent Gilloz, Éditions des Sables
INTERVIEW PAR L'ÉMISSION RADIOPHONIQUE "VERTIGO" DU LIVRE DE VINCENT GILLOZ,
L'ÉCORCE DU RÉVERBÈRE
Lʹécorce et le réverbère, un couple
impensable
Aujourdʹhui (21 juillet 2022), rencontre avec lʹécrivain suisse romand Vincent Gilloz,
il vient de sortir son premier roman en juin de cette année aux Editions des Sables, cʹest "Lʹécorce
du réverbère". Ecrit à la manière dʹun monologue intérieur, le texte aborde la question de lʹamitié,
de la duplicité humaine et des mystères de lʹédition dans une langue poétique et souterraine. Une occasion
pour le jeune auteur de sʹexprimer sur sa première œuvre littéraire et sur ses aspirations.
Vincent Gilloz au micro de Layla Shlonsky (à partir de
7:25)
L’écorce du réverbère – Le Regard libre – 5 juillet 2022
5
juillet 2022, par Arthur Billerey
A partir de l’image d’un réverbère soudé à un platane, l’écrivain
Vincent Gilloz, mêlant la poésie au roman psychologique, signe un premier livre original où les
personnages, pris dans la toile du monde, sont éperdument en quête d’équilibre.
Une intrigue éditoriale
A l’inverse de Marcus Goldman, personnage de Joël Dicker incapable d’écrire son deuxième roman,
touché par le syndrome de la page blanche, le personnage de Vincent Gilloz, Igor, marchant droit sur
un fil suspendu entre le double abyme du lyrisme et de la décadence, noircit les pages comme il
respire. Etudiant en perdition, accoudé au comptoir et la tête enfumée, il préfère la nuit vagabonde à
l’immobilité des amphis.
Le narrateur, étudiant et ami d’Igor, tente de l’aider à trouver un éditeur pour ses poèmes. Jusqu’au
point de rupture, car Igor lui demande de publier ses poèmes à sa place. Cela devient l’obsession
maladive du narrateur et par chance, un éditeur français en vogue les contacte, ayant du flair.
L’auteur analyse et critique vivement l’édition comme processus, aventure humaine. Il dévoile ainsi
plusieurs facettes de ce métier particulier aux usages parfois sombres pour l’écrivain qui souhaite
sauver son texte du scalp de l’éditeur.
«On commence par l’envie d’écrire une idée voulue forte une façon qui paraît digne d’intérêt on
soigne le texte mais tout cela passe très vite au deuxième plan et c’est l’assouplissement le
compromis la pensée omniprésente de l’autre qui arbitre dicte corrige»
Une amitié de comptoir et de vers
A fleur de peau, faisant appel à leur fibre artistique, les deux amis étudiants se rencontrent, se
perdent et se retrouvent le plus souvent par hasard. Diamétralement opposés, unis par leurs
discussions sur l’art et les relations sociales, sur la réalité de chaque jour et la nuit qui les
entoure, ils sont des frères siamois que tout oppose mais que le destin a voulu cimenter malgré eux,
retenus par la membrane insécable de la même intention, celle de publier les poèmes d’Igor, de les
libérer.
«capturer… […] tu vois la force d’un moment, capturer l’instant, la sensation. […] mais mec c’est
ça c’est un Zoo mon recueil. C’est le bordel en cage… c’est un zoo et j’essaie de maintenir des
sensations en captivité, des idées et des images aussi c’est impossible et c’est le foutoir il n’y a
pas de gardien dans ce zoo. Seulement des barreaux et derrière eux le sauvage à l’état brut, une
violence aveugle dans mes poèmes agités ce sont des lions en cage à peine pris encore indomptés le
regard qui menace méfiant le corps tendu prêt à sauter… Il y a une minuterie un compte à rebours
sauf qu’il n’avance pas c’est juste la menace toujours vive l’excitation au fond de soi le sentiment
animal d’urgence l’instinct du danger jamais calmé…»
Ainsi pris dans la toile du monde, les amis affrontent le quotidien, prennent d’assaut les bars comme
seul moyen de se défaire de la viscosité des jours qui passent. Si Igor est comparé plusieurs fois à
Sisyphe, suant avec son énorme rocher qu’il doit porter au sommet d’une montagne, comme beaucoup
d’éléments de l’intrigue fonctionnant en jeux de miroirs, il s’agit finalement d’un trompe-l’œil
soigné, et c’est le narrateur qui porte sur son dos la création de son ami, lourde de sens. C’est lui
qui sue, qui s’écroule à plusieurs reprises, traversé par le mensonge de faire croire aux autres,
surtout à l’éditeur français, qu’il est l’authentique auteur des poèmes et un poète à part entière.
En quête de l’équilibre
Blâmer la société, la dénoncer, la juger pourrait être une façon de se remettre en question et
traduire, au-delà de l’intrigue, une quête d’équilibre vitale chez le narrateur. Celui-ci scrute,
jauge et décrypte ce qui l’entoure avec des excès de clairvoyance la nuit, lorsqu’il n’est pas perdu
ou ivre mort. En Sherlock Holmes du détail, le narrateur part de l’infime pour atteindre l’éminent. Il
analyse autant les objets – au point d’en faire l’archéologie d’un canapé griffé et usé – que l’homme
qui s’est vautré dedans. La société est ainsi passée au crible par ce qui la compose fondamentalement,
c’est-à-dire les passants.
«il y a celui qui peine à masquer ses coups d’œil répétés à la jeune femme un peu plus loin qu’il
espère célibataire à qui il ne s’est jamais adressé il y a le prépubère mal coiffé le casque audio
massif arboré avec une fierté naïve l’homme au costard imposant l’assurance intimidante qui fait
respecter une zone de sécurité autour de lui»
Dans ce livre mêlant la poésie au roman psychologique, cette quête inlassable d’équilibre dépasse
torrentiellement les personnages, défonce les portes de l’intrigue par sa puissance et son dépôt
emplâtre la rondeur des lettres. La quête d’équilibre rejoint la forme voulue par l’auteur. Les mots
se suivent sans ponctuation, les phrases s’enchaînent, les retours à la ligne forment des paragraphes
pressés les uns contre les autres. Et la pression forme les diamants. Le rythme de la lecture en
ressort différent, plus constant, moins arrêté. Il est un train en marche qu’il faut prendre et qui
n’attendra pas les retardataires.
A l’image du réverbère soudé à un platane, le narrateur et Igor, entre la rigidité du métal et le coussin
de l’écorce, nous questionnent sur la tonalité d’Aragon. Est-ce ainsi que nous vivons? Tout est-il affaire
de décor, de changer de lit, de changer de corps? Bien sûr, ce sera à celui qui ouvre L’écorce du
réverbère d’y répondre, mais il n’en sortira pas indemne, certains en sortiront égarés, d’autres
plutôt prophètes, ce livre permettant de se surprendre soi-même dans le miroir des pages.
Poésie des Sables au Cimetière des Rois, samedi 26 mars
2022
Un film de Giselle-Pauline Masson.
Balade littéraire au cimetière des Rois - Tribune de
Genève, 28 mars 2022
Les tombes des gens de plume ont des choses à dire
Sous un gai soleil, Guillaume Chenevière et les poètes des Éditions
des Sables ont fait revivre samedi quelques allongés célèbres.
L’ancien directeur général de la Télévision suisse romande Guillaume
Chenevière au cimetière des Rois.
Quel temps de rêve, samedi matin au cimetière des Rois, pour une
balade entre les tombes de défunts aux goûts littéraires! Goûts partagés avec une assemblée d’amateurs
de poésie convoqués par la directrice des Éditions des Sables, Huguette Junod. Plusieurs auteurs de
cette maison d’édition genevoise fondée en 1987 sont venus lire leurs textes devant la dernière demeure
de tel ou telle auteur ou autrice. Le guide, c’est Guillaume Chenevière, homme de théâtre avant de
diriger la Télévision suisse romande de 1992 à 2001. C’est donc une présence et une voix que cet homme à
la mémoire solide apporte à cette balade organisée dans le cadre du Printemps de la poésie
2022.
Le groupe est bigarré. Personnes d’âge mûr se
mêlent à des éléments plus jeunes venus pour les auteurs qui leur sont contemporains. Première étape
dans l’ombre d’un conifère, autour d’une pierre portant gravé le nom de la fille du grand Dostoïevski,
Sophie, décédée à Genève à presque 3 mois, le 12 mai 1868. Un deuil qui achève de dégoûter l’auteur de
«L’idiot» de Genève, où il a commencé la rédaction de ce roman en 1867. La cérémonie funèbre a lieu rue
Rodolphe-Toepffer dans l’église russe toute neuve. «Toepffer, ce pionnier genevois de la bande dessinée,
repose lui aussi quelque part dans le cimetière des Rois, précise Guillaume Chenevière, mais on ignore à
quel endroit, ce qui n’aurait sans doute pas déplu à cet homme modeste et plein d’humour.»
Érotisme au subjonctif imparfait
L’ancien directeur de la TSR porte les
couleurs ukrainiennes au revers de sa veste, ce qui ne l’empêche pas, sur la tombe de la fille de
Dostoïevski, d’inciter les lecteurs à ne pas réprouver les auteurs russes à cause du maître actuel de
leur grand et vieux pays. La littérature n’est pas la guerre. La première auteure des Éditions des
Sables à lire un texte est Regina Joye, dont la prose poétique et la manière de la dire captivent
immédiatement l’assistance. Elle sera suivie aux étapes suivantes par Vincent Gilloz, Alexandre
Gaillard, Eliane Vernay, Jean-Daniel Robert, Bruno Mercier, Maryelle Budry, Jean-Luc Fornelli et
Marie-José Astre.
Huguette Junod, auteure et éditrice, a aussi la parole. Gênée temporairement
dans sa mobilité, elle est la seule à bénéficier d’un pliant à chaque étape. Le verbe haut et
l’enthousiasme communicatif, elle ne manque pas de hurler: «Plus fort!» à ceux de ses auteurs qui
parlent trop bas. Pour sa propre prestation, elle s’est réservé l’emplacement où les restes de
Grisélidis Réal ont été transportés en 2009. La poétesse s’y lance dans la lecture d’un morceau de
bravoure de son cru, entièrement au subjonctif imparfait, évoquant les fantasmes sexuels d’une femme
prête à ce «que vous me déculotassiez» et «que toute la nuit vous me tringlassiez»…
«Je lègue à mes enfants
un impérieux devoir de ne
pas désespérer.»
Toujours à propos de la péripatéticienne rendue célèbre notamment par
sa «Passe imaginaire» en 1992, Guillaume Chenevière lit une lettre d’elle évoquant son passage dans une
émission de variétés de la Télévision suisse romande avec le chanteur Nicolas Peyrac. Elle recevra pour
cela 500 francs, ce qui ne l’empêchera pas d’aller en gagner 100 de plus le soir même, dès son retour
sur les trottoirs des Pâquis. Elle dit son ravissement que des enfants présents dans le public de
l’émission lui aient demandé de leur donner des autographes sans très bien savoir qui elle
était.
Guillaume Chenevière devant la tombe de l’écrivain Michel
Viala.
Ludwig Hohl, Michel Viala, Simone Rapin, Calvin, Borges, François
Simon, Michel Soutter, Robert Musil, Alice Rivaz, Emile Jaques-Dalcroze, il y a parmi ces allongés de
Plainpalais quelques vieilles connaissances de Guillaume Chenevière. Il se souvient de l’écrivain et
penseur d’origine suisse allemande Ludwig Hohl: «Il vivait comme un rat dans une cave du boulevard
Carl-Vogt. Un soir, il a été surpris tirant en l’air place du Bourg-de-Four. «Je visais Dieu, je l’ai
atteint à l’œil gauche», dit Hohl pour expliquer son geste. Sur la petite pierre qui signale sa tombe,
rien n’est marqué.» Quant à Georges Haldas, ces mots dits sur sa tombe résonneront longtemps: «Je lègue
à mes enfants un impérieux devoir de ne pas désespérer.»
Sur la tombe de Grisélidis Réal. Assise: Huguette Junod, directrice
des Éditions des Sables.
Michel Viala, dont le vrai nom était Michel Tissot, disparu en 2013,
était un vieux camarade de Chenevière. Scénariste, auteur de théâtre engagé, il se considérait pourtant
comme un «contestataire lâche». Plus éloigné de notre guide du jour, puisqu’il est mort en 1942,
l’écrivain, essayiste et dramaturge autrichien Robert Musil inspire à Guillaume Chenevière un petit coup
de gueule contre le bibliophile Martin Bodmer.
«Je visais Dieu, je l’ai
atteint à l’œil gauche.»
Réfugié à Genève, Musil demandait de l’aide au riche Colognote, qui
lui répond qu’il ne lui donnera rien, car il n’aime pas Goethe! «Musil a été ignoré Genève et le
cénotaphe qui se trouve ici ne répare qu’imparfaitement le peu de cas que l’on a fait de lui de son
vivant. Il y avait sept personnes pour disperser ses cendres au pied du Salève.»
Jean-Daniel Robert, auteur des Éditions des Sables, se lit devant la
tombe de Calvin.
Hommage aux écrivaines - Une chaise vide pour
l’Ukrainienne Iryna Tsvila, TDG, 7 mars 2022
LE CENTRE PEN – POÈTES, ESSAYISTES, NOUVELLISTES – SUISSE ROMAND ET LA FONDATION BODMER MARQUENT LA
JOURNÉE DES FEMMES PAR DES LECTURES ET UN SALUT À LA POÉTESSE MORTE AU COMBAT.
Iryna Tsvila, poétesse et
professeure de lettres, est décédée le 24 février.
Pour signifier la mort ou l’emprisonnement, une chaise vide. On en disposera une dans la salle historique
de la Fondation Bodmer le mardi 8 mars, date célébrant la Journée des droits des femmes. Sur l’assise, une
photo soulignera l’absence d’Iryna Tsvila, poétesse ukrainienne morte au combat le 24 février en défendant
Kiev contre les soldats russes.
«Nous tenons à saluer le courage de cette femme, poétesse et professeure de lettres, mère de cinq
enfants, qui s’était déjà illustrée comme volontaire lors de la guerre du Donbass. Dès l’invasion russe,
elle a rejoint la résistance et elle est décédée, comme son compagnon et père de ses enfants, il y a onze
jours», déclare Alix Parodi.
La présidente du centre PEN – Poètes, essayistes, nouvellistes – suisse romand a orchestré pour le 8 mars
un hommage aux écrivaines en collaboration avec la Fondation Bodmer. Après la présentation par Jacques
Berchtold, directeur de l’institution colognote, de textes précieux rédigés par des femmes, Alix Parodi,
elle-même auteure, traductrice littéraire et ancienne professeure de lettres, rendra hommage à Iryna
Tsvila.
«Nous espérons que vous pourrez continuer à vous exprimer, à défendre la liberté d’expression, de
création, la solidarité avec tous les écrivains opprimés, emprisonnés ou contraints de s’exiler.»
Lettre du centre PEN suisse romand aux écrivains ukrainiens
«Ses poèmes n’ont pas été traduits, aussi ne pourrons-nous pas en lire», souligne l’organisatrice, qui
entend bien pourtant marquer ce décès par un texte commémoratif qu’elle rédigera. Une lettre du centre PEN
suisse romand a en outre été adressée aux écrivains ukrainiens, leur manifestant solidarité et soutien
moral. «Nous espérons que le retour à la loi internationale sera pour bientôt, affirme la missive. Nous
espérons que vous pourrez continuer à vous exprimer, à défendre les principes du PEN, la liberté
d’expression, la liberté de création, la solidarité avec tous les écrivains opprimés, emprisonnés, ou
contraints de s’exiler. Nous sommes avec vous.»
Seize Prix Nobel de littérature
La mise en valeur du talent littéraire des femmes – dont seize ont reçu le Prix Nobel de littérature – se
poursuivra avec des lectures. Huguette Junod, Cathy Cohen, Glorice Weinstein, Doina Bunaciu et
Pauline Desnuelles liront un extrait de leurs
œuvres, puis cinq hommes salueront à voix haute les écrits d’auteures qu’ils admirent. Eric Stener Carlson
devrait donner la parole à Grisélidis Réal; Philippe Constantin à la Neuchâteloise Alice de Chambrier;
Eric Golay, pour sa part, hésite encore entre Germaine de
Staël et son «Corinne ou l’Italie», et Alice Rivaz; Jean-Claude Humbert et Bruno Mercierréservent aux visiteurs de la Fondation
Bodmer la surprise de leurs choix.
Pascale Zimmermann Corpataux Tribune de Genève, 07.03.2022, 17h04
Mon frère Icare - Ma sœur Ophélie, d'Huguette Junod -
Le blog de Francis Richard, 26 février 2022
Il y a trente ans, dans Asters et Zébrures, Huguette Junod
avait déjà parlé des morts de son frère Jean-Jacques et de sa sœur Michèle, survenues
respectivement vingt et dix ans plus tôt.
Ces deux textes en prose poétique introduisent les deux longs chants qu'elle consacre
aujourd'hui à chacun d'entre eux, précédés l'un d'une épigraphe baudelairienne et
l'autre rimbaldienne.
Denise Mützenberg, dans son introduction, dit que, sans doute, pour surmonter ces deux
pertes, qui se sont produites dans des circonstances
brutales, pour leur survivre, l'auteure a choisi d'écrire :
Par nécessité, urgence de retenir, de dire, de crier, de mettre des
mots sur l'indicible.
Jean-Jacques, Icare, est mort accidentellement, à dix-sept ans. Il se rendait à
l'école en vélomoteur. Il a brûlé un feu rouge. Il a fait un vol plané au-dessus de son guidon et
s'est sectionné l'aorte:
La mort l'a fauché Il ne jouera plus Il ne
parlera plus Atroce
négation d'une jeunesse
fauchée Le rideau est tombé
Michèle, Ophélie, s'est jetée du pont Butin dans le Rhône et s'est noyée
comme la sœur de Laërte dans Hamlet et n'a été retrouvée qu'un peu
plus d'un an plus tard lors de la vidange de Verbois:
Je suis partie à ta recherche J'ai poussé les portes de maisons inondées ouvert les fenêtres des refuges remonté les chemins
[...]
Je ne t'ai pas trouvée
La poète souffre toujours qu'ils ne soient plus là:
Ta lancinante absence me pèse Savais-je que tu occupais tant d'espace et de temps?
Mon frère Icare
Tu me manques Présence perdue Le
vide Cette poix qui vous englue
Ma soeur Ophélie
Pourtant les liens n'étaient pas les mêmes :
J'ai pétri la terre pour façonner ton visage à ma ressemblance
Mon frère Icare
Je t'avais souhaitée à ma ressemblance Je me
suis abîmée dans nos différences
Ma soeur Ophélie
La fin de chaque chant est différente:
Je me suis mise à écrire mais quelqu'un derrière moi effaçait mes mots pour
qu'il n'en reste rien
[...]
Alors je me suis enfuie mais quelqu'un derrière effaça ma peur pour
qu'il n'en reste rien
Mon frère Icare
Dis-moi, depuis ce temps, où as-tu disparu? Quels fleuves, quels chemins avons-nous
parcourus? Pourrons-nous aborder sur un autre
rivage?
Les éclairs ont brûlé, les tonnerres vomi, Les pluies ont lessivé toute contrée sauvage. Nous voici dénudées sur le sol endormi.
Ma soeur Ophélie
Le recueil se termine par un texte qui met en scène, dans une mythique église blanche de Grèce, une
dame, à la ressemblance d'Huguette Junod, et qui allume deux
cierges couleur de miel :
L'un pour son frère, l'autre pour sa soeur, afin que la
flamme ravive leur souvenir, brûle dans la solitude, leur redonne vie, le temps d'une mèche,
embrase son coeur qui se souvient d'eux, les porte sur le chemin parcouru jusqu'à cette
église-là, sur la place ombragée...
Mon frère Icare - Ma soeur Ophélie, Huguette Junod, 120 pages,Éditions Encre Fraîche
(illustré par Sylvie Monnier)
Gilles d’Andrès, L’Emprise du banian - Article du
Courrier, 30 décembre 2021
PARASITE DU PACIFIQUE
Suisse romande ♦ Diplômé de la Haute École des arts de Berne, traducteur et journaliste
indépendant, notamment pour Le Courrier, Gilles d’Andrès publie un premier roman qui joue de
l’étrange et de l’inattendu, alternant les points de vue pour mieux brouiller les repères entre réel et
fantasmes.
L’Emprise du banian file la métaphore de cet arbre du Pacifique qui s’enroule autour des troncs
pour s’enraciner et grandir, jusqu’à étouffer l’arbre hôte. C’est ainsi que Bernard paraît à Daniel,
narrateur de la première partie: un parasite, qui s’est incrusté dans ses vacances avec ses potes Yann et
Étienne et transforme en cauchemar leurs dix jours en Nouvelle -Calédonie. «Plus le temps passait et plus
Bernard prenait d’espace. Jusqu’à être partout à la fois. (…) Son air apathique et désœuvré ne nous
quittait plus. Il était là, perlant de sueur la bouche ouverte», inadéquat et agaçant, leur imposant une
torture subtile et préméditée.
Tel est du moins l’avis de Daniel, interrogé par une policière. Car Bernard a disparu, leur voiture de
location a été brûlée. Mais sa version sera remise en cause par celles de ses amis. Saura -t-on la vérité?
La sombre puissance de la forêt, moite, foisonnante, mystérieuse, ajoute au trouble. Et le roman de tisser
lui aussi son réseau tentaculaire, alors que s’éclairent peu à peu les relations entre les trois garçons.
APD
Gilles d’Andrès, L’Emprise du banian, Ed. des Sables, 2021, 129 pp.
Heike Fiedler: Je de mots (2021) - interview de Miruna
Coca-Cozma
Heike Fiedler, une vie dans la poésie au carrefour de
l'intermédialité
La coursière de Noël sillonne la ville avec son sapin -
TDG, 17 décembre 2021
Anouk Dunant Gonzenbach élargit son cercle de
poésie itinérante et entame son périple urbain par l’Université ouvrière de Genève.
Le 9 décembre 2021. Le sapin à poèmes et à roulettes d’Anouk Dunant Gonzenbach, une
installation itinérante sillonnant la ville en six étapes.
Elle a le cheveu abondant d’un personnage de roman
courtois. Notre Lancelot est une femme d’aujourd’hui dévalant sur son deux-roues musculaire (hip hip hip)
le quartier des Grottes un matin de cette semaine. Quel coup de pédale. Et quel sapin, planté
verticalement à l’arrière, sur une charrette joliment décorée. Des petits manchons en laine tricotée
coiffent les rayons des roues. Suite après la publicité
La coursière de Noël soigne le détail.
Son conifère est encore plus beau que celui des années passées. Anouk Dunant Gonzenbach, archiviste d’État
adjointe, sillonne ainsi la ville depuis 2015, à l’approche des Fêtes, avec sa poésie ambulante, ses
pommes d’amour, ses billets doux suspendus aux branches.
Une classe de l’Université populaire de Genève découvre le sapin d’Anouk en sortant du
cours.
Une demi-douzaine de stations en plein air attendent, d’ici au vendredi 24 décembre,
ce sapin à poèmes qui ne craint pas le froid. On se porte à son contact devant les escaliers menant à
l’Université ouvrière de Genève (UOG), légèrement en retrait de la place des Grottes balayée par la
bise.
Le bel arbre se montre toujours aussi accueillant et bavard. Les guillemets ici s’ouvrent
comme un cadeau de Noël. «Pour cette édition, le cercle des mots s’élargit au-delà des poètes du cru,
parce que l’esprit de notre ville est multiculturel et que j’avais envie de refléter cela», raconte Anouk
en descendant de sa selle. Elle a donc décidé de se faire inviter dans les cours de français et
d’alphabétisation donnés dans les murs de l’UOG, cette institution à nulle autre pareille, qui accueille
jusqu’à 3000 étudiants par année.
Trois passages, de vrais échanges, avec des femmes et des hommes
rattrapés par les larmes à la seule évocation de Noël. Pour eux, pour nous aussi, les mots peuvent se
montrer consolateurs. Le sapin, toujours lui, embarque dans sa tournée urbaine de nouveaux prénoms venus
d’ailleurs. Ils se nomment Adeola, Helen, Mila ou encore Botan.
Les textes à lire à voix haute décorent le sapin, sans compter les pommes rouges que l’on
croque du regard.
Leurs vœux exprimés forment un petit répertoire littéraire mis en forme
par leur «éditrice» itinérante. Chacun a reçu le sien en retour. Ce dimanche 19 décembre, Anouk sera à 16
h devant la maison de quartier de Saint-Jean, sur les voies couvertes, pour un moment thé-lecture. Le
mardi 21 à la place du Bourg-de-Four, le jeudi matin à la place de la Fusterie et l’après-midi devant la
librairie Le Rameau d’Or, au boulevard Georges-Favon. Quant au vendredi 24, ce sera devant la Coop de
Saint-Jean. C’est moins poétique, mais il y aura du monde dans la rue. Ces dates et d’autres infos se
trouvent sur le site virusolidaire. Il est animé d’une main de maître archiviste.
Vernissage du roman «L’Emprise du Banian» de Gilles
d’Andrès - La Liberté, 2 décembre 2021
L’aventure du 2 septembre 2003 - Tribune de Genève, 27
octobre 2021
Instituteur à la retraite, René Magnenat en consacre une bonne partie à l’écriture.
Bernard Waeber, La Liberté du 21 novembre 2021
Le lecteur en
Liberté
Poète >> Il aura fallu attendre la retraite pour
que Bernard, 73 ans, retrouve le plaisir et surtout le temps d’écrire après une longue carrière académique
et clinique au CHUV, consacrée notamment au domaine de l’hypertension artérielle. Cet heureux grand-papa a
depuis laissé tomber la blouse blanche pour revêtir, selon ses mots, l’habit fleuri du poète. Un habit
qui, on le constate en se plongeant dans la petite dizaine de recueils déjà publiés, lui sied à
merveille.
Vous avez troqué la blouse blanche contre la plume. Comment passe-t-on de
l’hypertension à la poésie?
La poésie m’a séduit bien avant la médecine, dès
l’adolescence, mais la différence entre les deux n’est pas si grande: dans les deux cas l’humanisme est au
centre, tant le médecin que le poète sont curieux, ils cherchent leur vérité par une approche scientifique
pour le premier, en ouvrant au monde ses portes et fenêtres pour le second.
Votre dernier
recueil s’intitule Points d’ancrage. Encrer le monde, c’est un peu s’ancrer
soi-même?
L’être humain vit dans l’incertitude, le poète en est particulièrement
conscient. Il questionne inlassablement et jette l’ancre partout où il peut s’accrocher. Une démarche
commune pour beaucoup d’entre nous, qui ne requiert pas nécessairement de passer à
l’écriture.
La Liberté est née en 1871. Vous auriez été heureux à cette
époque?
Peu avant, en 1870, c’est la publication du premier poème d’Arthur Rimbaud. Sa
vie et son œuvre sont traversées par la poursuite de la liberté. J’aurais eu un grand plaisir à le
rencontrer et lui aurais demandé d’écrire un poème pour la naissance de La
Liberté.
Bernard, qu’est-ce qui, selon vous, était mieux avant?
Je trouve
qu’il est souvent plus difficile aujourd’hui pour un jeune de se projeter à long terme dans la vie. Les
rapports humains sont devenus plus tendus, on est de plus en plus souvent contraint, sous la pression du
temps, de passer à l’orange, voire même au rouge, lorsque le vert se fait attendre.
Et
qu’est-ce qui, vous le croyez, sera mieux demain?
Enfin une question facile! La juste
place de la femme est maintenant reconnue, ne reste plus qu’à la lui accorder, cette place. Rapidement,
dans toutes les têtes et tous les cœurs, je l’espère.
"Mon frère Icare - Ma sœur Ophélie", extraits du
recueil publiés par le Courrier du 18 octobre 2021
Le nouveau recueil d'Huguette Junod, "Mon frère
Icare - Ma sœur Ophélie", paraîtra aux Éditions Encre Fraîche pour le Salon des petits éditeurs
2021. Le vernissage aura lieu le 13 novembre 2021 à 14h pendant le Salon. En voici des extraits
publiés par Le Courrier du 18 octobre 2021 dans sa rubrique "Inédit" (https://lecourrier.ch/2021/10/17/icare-et-ophelie/)
Yamuna et le mystère de la perle bleue, Swati Rastogi
Mayor - Écho du Gros-de-Vaud, 13 août 2021
Le métier de poète, par Vince Fasciani
Selon moi, le métier de
poète est un métier manuel, dans le meilleur des cas artisanal.
Lanceur de bouteilles à la mer il
attend sur un rocher un retour improbable.
Quand il écrit il dépose ses défenses et laisse entrer
ce qui est le plus vulnérable en lui.
Il cherche ce qui donne à sa vie sa beauté.
Dans son
chemin de vie il n’y a pas de signalisation.
Il extrait du chaos de sa propre vie la lumière pour
l’éclairer au-delà, il est rare qu’il atteigne l’inaccessible étoile.
Il marche mieux quand sa
main serre celle de l’amour et citant André Breton :
« L’amour, c’est quand on
rencontre quelqu’un qui vous donne de vos nouvelles. »
Le poète parle couramment le
silence.
Son Je qui parle ici n’est plus un moi, il se fait le porte-parole de
ce qui est : un plan d’immanence qui relie horizontalement tout un réseau de pensées et de
sentiments « Simplement comme c’est ».
Son amour de l’immanence
est indéfectible : il habite le possible.
Il est aux tous premiers
chapitres d’une longue et fabuleuse épopée.
« C’est doux la nuit, de regarder le
ciel. Toutes les étoiles sont fleuries. » (Antoine de Saint-Exupéry)
« Tout
est en désordre. Les cheveux. Le lit. Les mots. Le cœur. » (Jack Kerouac)
« La poésie, c’est le plus joli surnom que l’on donne à la vie. » (Jacques
Prévert)
« Il est grand temps de rallumer les étoiles. » (Guillaume
Apollinaire)
Vince Fasciani Le 10
août 2021
Pourquoi j’écris de la
poésie - Vince Fasciani
Il me semble qu’écrire ma poésie au fil du temps est une manière de
comprendre aimer et agir dans le monde. Mais aussi, peu à
peu, la conquête de la joie de la liberté comme la joie d’être soi-même. Écrire de la poésie n’a
rien de mystique, ni d’abstrait, ni de virtuel. La poésie donne l’accès à la jouissance d’être, une
sorte de maison où habiter dans sa vie. La poésie est pour moi une expérience de la réalité ,
l’entièreté de ce que nous vivons… j’habite le possible ! C’est aussi une saisie intuitive du lien
qui existe entre les êtres finis que nous sommes et l’infinité de la nature. En écrivant, tout se
passe comme si la conquête progressive d’une autonomie équivalait à une naissance à soi-même, une
création de soi-même par soi-même vers les autres : un recommencement sans cesse renouvelé. Peut-être
que la poésie, qui est la manifestation du désir de persévérer dans son être, est créatrice de puissance
de vie mais aussi une sortie hors du pays de la servitude volontaire et l’entrée dans le domaine intense
de la liberté et de la joie. Je me suis libéré, très lentement, de l’hypothèque du tragique obligé,
des poètes maudits et de tous ceux qui croient que la souffrance est source de création. La
souffrance, dans mon cas, a été véhiculée initialement par une mélancolie, un abandon. Maintenant,
j’écris autour du silence, je chante parfois en sourdine parfois à tue-tête… je
danse…
Des paroles d’espérance
à partager - Le journal des Réformés - 27 mai 2021
Par Anne Buloz
Le blog virusolidaire.ch a été
lancé en mars 2020, lors du premier jour du confinement, avec l’objectif de publier des bulles
d’événements positifs au quotidien. Deux autres projets ont déjà essaimé depuis.
Le premier jour
du confinement, le 15 mars 2020, Anouk Dunant Gonzenbach a décidé d’ouvrir un blog afin de «relayer
quotidiennement de bonnes nouvelles de quartier». Son objectif de publier «des bulles d’événements
positifs» a fait mouche. Grâce à ses nombreux contacts, des auteur·e·s et des poètes ont contribué à
alimenter, avec elle, sa page jour après jour, jusqu’à la date fixée pour la réouverture des
bibliothèques, le 8 juin 2020.
En décembre de l’année dernière, rebelote, Anouk Dunant Gonzenbach
a proposé un calendrier de l’Avent en ligne à poèmes et à roulettes… L’unique contrainte de ce nouvel
appel à textes (ou à poèmes) était qu’il en dégage une lumière positive. Peu importe le thème: le sapin,
la pomme, l’étoile, l’hiver, Noël, etc.
Chaque jour de décembre, un texte a été publié sur son
blog, comme un calendrier de l’Avent virtuel. Puis chaque écrit a été imprimé et suspendu à un sapin
ambulant, où les pommes remplaçaient les traditionnelles boules, tiré dans les rues de la Cité par le
vélo de la Genevoise la semaine précédant Noël.
En vitrine à la
Bibliothèque de la Cité. Genève, mai 2021.
Swati Rastogi Mayor - Article de 24 heures - Lundi 3 mai 2021
Swati Rastogi Mayor, ingénieure, Indienne, née en Suisse, a pris la plume pour rendre hommage
aux femmes. Elle publiera cette année aux Éditions des Sables un conte pour enfants, Yamuna et le
Mystère de la Perle Bleue, illustré par Marthe Monnet.
Marie-José Astre-Démoulin, une sirène au milieu du Léman - France Bleu (03-04-2021)
Etes-vous déjà entré à l’ONU à Genève ? Savez-vous ce qu'il s'y passe ? Avez-vous flâné
dans le merveilleux parc qui abrite le Palais des Nations ? Savez-vous surtout que c'est possible ? Et
bien on va y pénétrer aujourd'hui ensemble avec Marie-José Astre-Démoulin, haut-savoyarde devenue
genevoise.
«JUSQU’AU BOUT DU JOUR», JO(SETTE) PELLET - GONG No. 84,
juillet-sept. 2024
Notre amie Jo se paye le luxe de
raviver, par messages, lettres, haïkus et tankas interposés, un amour de jeunesse, rencontré dans le train
entre Graz et Lausanne il y a un demi-siècle. Et l’amour de jeunesse répond. Échanges, coups de fil et
rencontres se succèdent et Denise Mützenberg, éditrice et poète, écrit en préface : «Ce qui m’a
impressionnée dans ce récit, c’est qu’il allie... la poésie et le suspense.»
Ça commence le 10 juillet
2015 et se termine au printemps suivant : «Tu vois, je tiens ma promesse : je ne t’ai pas
oublié !... nos lettres pendant trois ans... Sagement rangées / entourées d’un ruban rose / au
fond d’une malle»
Les poèmes de l’auteure apportent
leurs ponctuations aux messages échangés, quelquefois plus brûlants.
Alpha oméga / plus fort que
le temps qui passe / ce besoin de l’autre
Comment un amour peut-il résister
au temps et ressurgir beaucoup plus tard ? C’est tout le prix de ce livre : il mêle un langage amoureux,
éternellement jeune, surgissant, et le langage de l’âge mûr où l’espoir s’apaise, sans oublier haïkus et
tankas pour l’éternité. À lire absolument, et d’une traite.
Jean Antonini, GONG No. 84, juillet-sept. 2024, Association francophone de haïku
«JUSQU’AU BOUT DU JOUR», JO(SETTE) PELLET - Le Journal de
l’Ours dansant No. 40, Juin 2024
Cet impossible possible, c’est retrouver l’amour de ses 15 ans, rencontré dans un train cinquante ans plus
tôt. Adolescents, taillés dans la même étoffe de révolte et de quête, nous nous étions immédiatement
«reconnus» et aimés... D’un amour platonique. Ensuite nos lettres...
Sagement rangées entourées d’un ruban rose au fond
d’une malle
Un dimanche de canicule, la narratrice recherche sur le net la trace de cet homme. Elle en ignore la
raison. Il y en a tant ! Elle envoie une lettre, comme une bouteille à la mer. Bingo ! Ils s’écrivent,
puis se parlent, puis se rencontrent. Puis chacun rejoint un temps son « univers », avant de correspondre à
nouveau. Puis..
Déjà tu me manques mais hélas l’espoir aussi jour
gris et morose
Pourtant bien réelles la ferveur de nos
étreintes l’ivresse des nuits
Cette histoire d’amour est-elle encore possible ? Est-elle impossible ? Je vous laisse le découvrir, ne
voulant pas vous priver du plaisir de la lecture passionnante d’un roman bien ciselé.
Dominique Chipot, Le Journal de l’Ours dansant No. 40, Juin 2024
«JUSQU’AU BOUT DU JOUR», JO(SETTE) PELLET - Le blog de
Francis Richard, 5 juin 2024
10 juillet 2015 Tu vois, je tiens ma promesse: je ne t'ai pas oublié! Pas oublié
non plus notre rencontre dans un train entre Graz et Lausanne, il y a un demi-siècle.
Adolescents taillés dans la même étoffe de révolte
et de quête, nous nous étions immédiatement "reconnus" et aimés... D'un amour
platonique. Ensuite nos lettres, pendant trois ans.
Puis seulement les tiennes.
De nos jours, les adolescents font des rencontres virtuelles avant qu'elles ne deviennent réelles. À
l'époque elles étaient réelles, et l''imaginaire s'en nourrissait.
Pour retrouver ses amours de jeunesse, le net peut être un outil performant qui vaut la peine d'être
utilisé, même si le résultat n'est pas toujours au rendez-vous.
La narratrice du récit, grâce sans doute à un de ces fameux moteurs de recherche, retrouve la trace de
l'homme qui, jadis, lui a fait battre platoniquement le coeur.
Commence alors une correspondance entre eux deux. Mais le lecteur n'a droit qu'aux lettres de
l'homme qui a subi de l'âge, entre temps, l'irréparable outrage.
Ses lettres ne sont pas reproduites en caractères d'imprimerie, comme le reste du texte, mais dans
une nouvelle graphie, i.e. une belle écriture, bien humaine.
Cette femme et cet homme ont vécu éloignés dans le temps. Ils le sont encore dans l'espace
puisqu'elle demeure encore à Lausanne et que lui est soigné en Styrie.
Qu'à cela ne tienne, la femme, qui, c'est connu, est plus courageuse que l'homme, franchit
à plusieurs reprises la grande distance qui les séparent pour le rejoindre.
L'homme écrit des lettres manuscrites, la femme, en italiques, de brefs commentaires ou des poèmes
courts, comme les affectionne Jo(sette), l'auteure de haïkus.
Le récit révèle bien des différences entre cette femme et cet homme. Elle prend plus de risques que lui,
mais elle n'a pas autant d'attaches familiales que lui.
Qu'en sera-t-il de leurs retrouvailles? C'est bien sûr au lecteur de le découvrir. Quel que
soit son âge, il n'aura pas de mal à le deviner s'il en a fait l'expérience.
Et puis, s'il aime les mots, il sera servi et comprendra ce que veut dire l'auteure en
conclusion de ce fragment amoureux, singulier, i.e. intemporel et universel:
Ah l'amour des mots puisse-t-il m'accompagner jusqu'au bout du jour.
«Jusqu’au bout du jour», Jo(sette) Pellet - Association Bon
pour la tête, 26 avril 2024
Quelle mouche a donc piqué Jo(sette) Pellet de vouloir reprendre contact, cinquante ans plus tard, avec
l’amour de ses quinze ans? Un amour platonique qui a couvé pendant un demi-siècle et qu’une recherche
sur la toile suffira à raviver. Mais peut-on vraiment reprendre l’histoire où on l’avait laissée en
faisant fi du temps qui nous façonne, chacun à sa manière? Tel est le questionnement qu’explore cette
autrice vaudoise dans son haïbun, subtil mélange de prose, de haïkus et de tankas, tout frais paru aux
éditions des Sables sous le titre Jusqu’au bout du jour. Un petit livre qui, comme le relève la
préfacière, réussit l’exploit de conjuguer suspens et poésie. La rencontre va bien avoir lieu, entre
deux seniors qui ont gardé intacte, au fond d’eux, la passion de leur adolescence, mais acquis la
lucidité et le recul propres à leur âge. Et la conscience aiguë que leur relation n’est que fantasme et
projection. Car en dépit d’une familiarité évidente, ils ne savent rien l’un de l’autre. Et c’est
peut-être sur eux-mêmes et sur la condition humaine qu’ils ont tant à apprendre à se revoir.
Sabine Dormond
“Mélanie” de Rafael Gunti, interview sur Canal 9, 21 avril
2024
L’interview de Rafael Gunti. L’auteur de “Mélanie”. Des scènes de la vie de tous les jours. Un
recueil mordant et touchant à la fois.
Prendre la plume pour lutter contre le temps - Entretien
avec Vincent Gilloz - Riviera Chablais Hebdo, N° 146 | du 20 au 26 mars 2024
Littérature
Après «L’écorce du réverbère», un premier roman qui éclate la frontière entre roman et poésie, Vincent
Gilloz publie «Chronomètres», son premier recueil de poèmes.
Noémie Desarzens ndesarzens@riviera-chablais.ch
“Une fois que l’on accepte notre impuissance face au temps, nous pouvons en faire un
allié” Vincent Gilloz, poète
«Comme papa de deux enfants en bas âge, la question du temps libre est prépondérante!» Non sans humour, la
poésie de Vincent Gilloz scrute la marche inexorable du temps. Une réalité qui peut à la fois être teintée
d’angoisse et porteuse d’espoirs. Comme un défi, le poète tente de saisir, grâce au langage, cette dimension
de la condition humaine.
«Ce que je tente d’articuler dans ce recueil, c’est un certain paradoxe contemporain. À savoir un
tiraillement entre une accélération globale et un désir de ralentissement.» Avec «Chronomètres», le poète
veveysan versifie notre rapport au temps, une façon de le «mesurer» poétiquement. Ou de s’y soustraire.
Accéder à une autre temporalité
Dans un monde qui va toujours plus vite, l’espace pour l’oisiveté se fait rare. Précieuse pour son
potentiel revitalisant, elle est trop souvent grignotée par le divertissement. «Nous sommes tout le temps
sollicités, nous n’avons même plus l’occasion de nous ennuyer. Or le divertissement est aussi une
échappatoire, qui évite de nous confronter à la condition humaine et au sens de l’existence», souligne ce
poète, professeur de philosophie au gymnase de Chamblandes à Pully.
L’écriture comme générateur de sens, c’est ainsi que la vit Vincent Gilloz. Le Veveysan parvient à lui
faire de la place dans un quotidien millimétré entre enseignement et parentalité. L’instant présent, il sait
l’importance de le choyer. Une pause entre les cours ou un trajet en train: des moments de grâce pour tenter
de saisir le temps qui passe. Recourir à la poésie lui permet de se soustraire au monde pour mieux
l’observer.
«L’art de trouver les bons mots, c’est se plonger dans un état d’attention intense. Cela me force à faire
une pause», analyse le poète. Si le temps est immaîtrisable, et donc potentiellement source d’inquiétude, il
est aussi une possibilité d’accéder à une forme de plénitude. «Une fois que l’on accepte notre impuissance
face au temps, nous pouvons en faire un allié, poursuit Vincent Gilloz. Je crois à la répétition de gestes
vertueux, capables d’infléchir certaines trajectoires. C’est une perspective lumineuse.» À l’image de
petites attentions qui prennent soin des relations et qui se révèlent déterminantes au fil du temps. «Comme
de petits effets papillons, il ne faut pas sous-estimer la puissance des actions a priori banales.»
Lien entre l’intime et l’universel
Séparé en trois parties – «Tenter», «Bégayer» et «Embrasser», «Chronomètres» nous emmène de la hargne à la
réconciliation. Un mouvement virevoltant pour nous élargir le regard et accéder à une autre temporalité,
celle de l’existence. «Le temps, c’est aussi un éternel recommencement, ce qui est fascinant! C’est une
chance de pouvoir apprendre et d’avoir du recul sur soi.»
Conçu comme un long dia- logue, les poèmes de ce recueil se répondent et se contredisent. À l’image d’un
puzzle, ce dernier prend tout son sens lorsque les différentes pièces s’assemblent.
«Je l’ai écrit à l’image de mes réflexions, c’est-à-dire ponctuées d’actions et d’images qui a priori
semblent décousues. Mais une fois mises bout à bout, elles esquissent l’insaisissable. Cette impossibilité
est réconfortante, car elle permet de lâcher prise sur ce qui ne nous appartient pas.»
Dans ce recueil, l’écrivain aime dire qu’il a mis sur papier une introspection en résonance avec son
époque. «L’écriture me force à aiguiser mon attention sur moi- même et sur les autres. J’espère donc que mes
réflexions trouveront écho. Dans un style oral et décomplexé, Vincent Gilloz invite à la rêverie. Et à
sortir de la prison du présent.
Vincent Gilloz est l’un des poètes conviés au gala du Printemps de la poésie (14 au 28 mars). Il sera
le jeudi 21 mars au Castillo de Vevey.
Ecrire montre en main, Vincent Gilloz, La Liberté, mars 2024
Chronomètres, de Vincent Gilloz - RTS Culture /qwertz
Pépites cachées
Sarah
Clément
Poésie
Vincent Gilloz, Chronomètres, éd.
Des Sables, coll. « Roses des Sables », 80 p.
Après un premier roman en prose poétique
intitulé L’Écorce du réverbère, l’écrivain romand Vincent Gilloz offre une nouvelle
parution composée exclusivement de poèmes. En parlant du temps que prend une cigarette à se
consumer, du rythme de la fonte des glaciers, ou encore de la durée d’un trajet en train,
l’auteur nous pousse à nous demander : est-il possible de mesurer le temps ? Conçu comme un long
dialogue, l’ouvrage propose des éclats de narration profonds, légèrement acides, qui nous
illuminent par leur dextérité et leur spontanéité. LS
Le monde moderne par Rafael Gunti - Journal de Sierre, 1
mars 2024
Interview de Rafael Gunti sur son livre Mélanie
Eros et Thanatos s’invitent dans une yourte aux Bains, TDG,
08 jan. 2024
Portrait de l’éditrice Huguette Junod, qui adore les réunions où les amateurs de littérature se
rencontrent.
Par René Magnenat
Connaissant bien Huguette Junod, au lieu de prendre rendez-vous pour l’interviewer de manière classique, je
me suis dit que le meilleur moyen d’en apprendre un peu plus à son sujet serait de la suivre dans ses
diverses activités et de lui poser mine de rien, quelques questions plus ou moins indiscrètes.
En juin dernier, Huguette a fêté en grande pompe ses quatre-vingts ans. Trop content d’être invité à sa
Soirée grecque, je me suis imaginé à tort que ça allait être la bonne occasion de lui poser quelques
questions, afin qu’elle me raconte quelques péripéties pas ou peu connues de ses belles années ! Mais il y
avait grand Dieu, tant de petits et d’immenses dieux de la mythologie et de magnifiques déesses apprêtées
avec goût, que l’encore jeune Huguette avait bien sûr d’autres belles rencontres à faire parmi la centaine
de fans costumés présents.
Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, je me suis résolu à me lever de bon matin pour me rendre aux
Aubes musicales des Bains des Pâquis, Là, me suis-je dit, dès la fin de l’aubade, je pourrai lancer mon plan
en lui glissant, mine de rien, quelques mots poétiques. Mais je me suis pris un lapin car la belle dame, la
bouche pleine de confiture et de confidences adressées à ses admirateurs et admiratrices, n’avait de cesse
de tournicoter ses bras et ustensiles pour éloigner les guêpes aguichées par les douceurs du petit déj’.
L’aube passée, il se mit à faire trop chaud, il me fallait regagner mes pénates. J’essaierai un autre jour,
peut-être sous un petit coin de parapluie ?
Pas peureuse pour un sou, la dame se rend en ville à scooter ; la voiture est trop encombrante, les
parkings hors de prix, et les transports publics sont souvent mal famés et mal aérés. Ben voilà la solution
: je vais la suivre incognito et lorsqu’elle ôtera son casque, je me ferai tout mignon pour l’inviter à
boire un café au Grütli ou à la Cave Valaisanne. Pas possible, elle a rendez-vous au Musée Rath avec sa
cousine Yolande. Je vais me consoler en observant les joueurs d’échecs à l’entrée du parc des Bastions.
C’est vrai, après tout, la peinture n’est pas ma priorité.
Ne voulant pas renoncer à mon projet, j’ai songé que bientôt les répétitions générales de l’OSR au Victoria
Hall allaient reprendre. A l’entracte, nous avons coutume de déguster un expresso, accoudés à une petite
table devant le bar. Ben voilà, c’est là que je pourrai lancer la discussion en évoquant quelques souvenirs
du temps de ses ateliers d’écriture. J’ai déjà essayé ce procédé pour provoquer des confidences, mais je
m’étais fait mettre sur la touche car à ce moment précis arrivait à notre table l’inimitable Henri Mégroz,
l’homme qui connaît tout de la musique et qu’Huguette, persuasive comme elle l’est, s’ingénie à lui faire
dire tout, tout , tout ce qu’il connaît des auteurs, solistes, chef d’orchestre et morceaux du concert.
Un an sans succès
En mai 2022 déjà, j’avais tenté ma chance lors des journées littéraires de Soleure. Trois jours à se
côtoyer, à bavarder, à déguster des Spritz ou des Hugo en compagnie d’écrivains d’ici et d’ailleurs, à
avaler des repas gourmands et copieux, à admirer les beautés de cette ville où autrefois les bateliers de
l’Aar arrivaient éméchés, à écouter les conférenciers de tout poil justifier par leurs bons mots leur
présence en ce lieu saint.
«Il n’y a qu’à la lire, la laisser parler, parler d’elle surtout,
parler des femmes principalement.» René Magnenat
Aujourd’hui, je deviens raisonnable. À quoi bon vouloir rédiger moi-même et moins bien qu’elle ne le ferait
ce qui a maintes fois été écrit par cette femme de plume? Il n’y a qu’à la lire, la laisser parler, parler
d’elle, parler des femmes principalement. Et quelle meilleure source pour obtenir des réponses sincères que
l’opuscule qu’elle vient de publier aux Éditions des Sables: «Autoportraits» dans lequel elle se
raconte et mentionne ses rencontres et les principales personnes qui ont eu une influence sur ses œuvres et
son vécu?
L’été le plus chaud est passé non sans de gros problèmes. Ainsi, en regagnant ses pénates à scooter après
un spectacle mémorable, Huguette n’a pu éviter la bordure d’un trottoir et est tombée lourdement. Elle s’est
fracassé la tête contre le bitume. Le scooter hors d’usage a été remboursé par l’assurance mais la tête a
été cabossée, et nous voilà avec une nouvelle Fée Carabosse dans les environs! La tête remise en place, elle
a ensuite enduré des hématomes internes aux hanches et aux chevilles qui ont nécessité des soins
hospitaliers douloureux et difficiles à supporter pour une personne aussi active. Manière de résumer son
accident, Huguette a fait part à ses amis, amies, admirateurs et admiratrices que « Tout le monde :
policier, ambulanciers, médecins, infirmiers s’est exclamé: «Madame, vous faites encore du scooter à 80
ans!!! … Il est grand temps d’arrêter. »
Heureusement, un automne très humide permet à Huguette de bien digérer son abandon forcé du scooter.
Tombée en amour avec la Grèce il y a bien longtemps, Huguette Junod a beaucoup écrit sur et autour des
héros de ce pays. Elle y effectue d’ailleurs chaque année un séjour de quelques semaines pour se replonger
dans son passé récent et celui plus ancien des héros et héroïnes mythologiques. Enseignante de métier,
Huguette est passionnée d’écriture, aussi participe-t-elle, en 1984, à un marathon de plume et rédige-t-elle
le récit de cette expérience marquante qui lui a permis d’écrire «des choses» qu’elle n’aurait jamais osé
écrire dans d’autres circonstances. «Ceci n’est pas un livre» obtient le Prix des Écrivains
Genevois 1986, que les maisons d’édition sollicitées refusent de publier. Huguette décide alors de créer les
Éditions des Sables pour sortir son premier ouvrage de prose. En trente-cinq ans une centaine d’auteurs ont
été publiés. Deux livres sur trois sont des recueils de poèmes.
Adorant les réunions où les amateurs de littérature se rencontrent, Huguette est de tous les salons et ne
rate pas une occasion de faire connaître ses œuvres et celles de ses auteurs. Les lectures bisannuelles au
cimetière des Rois sont devenues célèbres et voilà que le samedi 16 décembre dernier, invitées pas les Bains
de Pâquis, les Éditions des Sables ont présenté un sympathique récital de poèmes sur les thèmes de l’amour
et de la mort lus par sept de ses auteurs et autrices. Une yourte pleine et bien chaude malgré une bise
perçante a pu apprécier des poèmes bien construits et lus avec conviction, avec amour? Un excellent moment
de culture et un apéro rafraîchissant ont enchanté le public.
Et sachez que lors de cette chouette réunion, Huguette a dit un peu tout ce que je désirais lui demander.
Tout, tout, tout, vous saurez tout sur… la poésie! Vous souhaitez partager des informations sur votre
ville, votre quartier?
René Magnenat est reporter de quartier pour Signé Genève. Enseignant retraité. Marié, trois filles
adultes, il pratique la randonnée, l'écriture, mais à cause du Covid 19, il se languit du chant et du
théâtre.
"À plusieurs voix", de Concetta Maria Gorgone
Castiglione -La Notizia di Ginevra, Décembre 2023
Un libro al mese: Anteprima letteraria di scrittori italiani "À plusieurs voix", di
Concetta Maria Gorgone Castiglione
Questa recensione parla del libro "À plusieurs voix", scritto in lingua francese
da un'autrice nata a Ginevra.
Quest'ultima affronta una serie di domande personali, in particolare su come raccontare la sua
infanzia e adolescenza in Sicilia e quali voci risuonino nella sua mente quando si avvicina ai momenti
intensi vissuti in questo luogo. L'autrice risponde a queste domande attraverso uno stile epistolare
che dà voce alle donne della sua famiglia, mettendo al centro la figura materna "moderna" che si è
emancipata dalle regole patriarcali degli anni '50.
La madre, oggetto centrale del racconto, non solo ha lasciato la Sicilia per andare col marito in Svizzera
ma ha anche intrapreso un viaggio interiore significativo. Il libro tratta del viaggio nella memoria
dell'autrice, che diventa anche un viaggio nella memoria della madre e stabilisce una conversazione tra
donne.
Un elemento interessante menzionato è la difficoltà che l'autrice ha affrontato nella scelta della
lingua in cui scrivere il libro. Ha considerato sia l'italiano che il francese ma alla fine ha optato
per il greco moderno, una lingua che studia da parecchi anni, anche per ottenere una maggiore distanza
emotiva. L'autrice ha poi tradotto il testo dal greco al francese, dando vita a queste lettere che
rappresentano un modo di viaggiare e raccontare a livello linguistico. L'autrice ha descritto questa
esperienza come euforica e intensa.
Il libro è disponibile presso la Librairie du Boulevard e la libreria La Dispersion (Mamco) e può essere
ordìnato sul sito internet delle Editions des Sables.
Philippe Bonvin, Lettres d’hivernage numéro 2
Dans ces Lettres d’hivernage, nous avons choisi de réunir les
voix qui nous veillent, celles qui s’assemblent pour bâtir des oasis, non pour rendre ce désert simplement
habitable et nous y habituer comme le craindrait à juste titre Arendt, mais au contraire, essayer sans
relâche d’en circonscrire l’avancée. Ce recueil de poésie s’inscrit dans le sillage de la Charte du
Verstohlen avec Cynthia Fleury et Antoine Fenoglio pour penser des lisières, définir « Ce qui ne peut nous
être volé. »
Comme le souligne Cécile Oumhani : La terre est notre
maison à tous
Trois poèmes de Philippe Bonvin
sont publiés dans ce numéro.
Lecture de Tes fleuves sont la mer, recueil de
poèmes de Michèle Makki - Maison des arts du Grütli, Genève - 31 mai 2023
Les Éditions des Sables sont heureuses de vous inviter à la découverte de Tes
fleuves sont la mer, recueil de poèmes de Michèle Makki
le mercredi 31 mai 2023 à 18h15
à la Maison des arts du Grütli
16, rue Général-Dufour, 1204 Genève
Lecture par l’auteure, accompagnement musical de Claude Prélo.
Entrée libre, vente du recueil sur place.
Nous nous réjouissons de vous y accueillir.
Michèle Makki, Huguette Junod et les Éditions des Sables
PHILIPPE BONVIN : HAÏKUS DU CONFINEMENT, Ou’tam’si Mag
Philippe Bonvin : «À l’annonce du confinement, sachant que la période qui s’ouvrait serait inédite
et particulière, j’ai décidé de tenir un journal intime poétique. Le journal intime permet de
retranscrire sur le papier, sans aucune retenue ni censure, ses états d’esprit. Il offre également
un espace d’introspection» Le nouveau recueil de Philippe Bonvin nous plonge au cœur du
confinement et nous projette vers l’avenir.
Haïkus du confinement fait référence à la Covid-19, au délitement du lien
social, au vide, mais aussi à l’après-confinement. Pourquoi avoir choisi cette thématique ? Pourquoi
avoir choisi le haïku pour dire cette expérience ?
À l’annonce du confinement, sachant que la période qui s’ouvrait serait inédite et particulière, j’ai
décidé de tenir un journal intime poétique. Le journal intime permet de retranscrire sur le papier, sans
aucune retenue ni censure, ses états d’esprit. Il offre également un espace d’introspection.
La forme brève du haïku qui, en quelques mots, va à l’essentiel m’est apparue comme un excellent moyen de
transcrire cette période d’enfermement involontaire, de repli du monde, mais aussi mes pensées, mes peurs
ou mes attentes.
Quant aux références qui apparaissent (au délitement du lien social, au vide, à l’après-confinement), ces
thèmes ont surgi d’eux-mêmes, au fil des jours et du travail d’écriture, mon but étant de montrer mon
quotidien et l’impact du confinement sur mes pensées, mon quotidien.
J’imagine que la Covid-19 ou plutôt le confinement a été ta plus grande source d’inspiration dans
la rédaction de ce recueil. Alors, quel en a été le processus d’écriture ? Y avait-il des moments de
doute ou de peur ?
L’écriture est un acte solitaire qui, dans son processus de création (que je distingue du travail de
correction), me permet de m’évader et de poser mon regard ou ma perception du monde sur le papier (mon
précédent recueil poétique intitulé Rwanda se concentre sur la période sombre du génocide).
Quotidiennement, dans une sorte de gymnastique intellectuelle, mais aussi de jeu, j’écrivais quelques
mots ou phrases, construisant des haïkus. M’installer à mon bureau, au calme, me permettait, malgré
l’enfermement du confinement, de rester en lien avec le monde extérieur et les préoccupations liées à la
Covid-19. Ces moments d’écriture, entre la page blanche et moi, sont vite devenus des instants
particuliers, salvateurs.
J’ai vécu la période du confinement comme une succession de doutes, de peurs, de questionnements face à
cette pandémie et à la situation sanitaire mondiale. Les informations provenant des médias résonnaient en
moi de manière anxiogène, avec par exemple le décompte quotidien des personnes infectées, hospitalisées ou
malheureusement décédées. Toutes ces informations tournant en boucle m’agressaient de plus en plus.
L’écriture me permettait de prendre de la distance face aux flots d’informations relayés par les
journalistes et les nombreux spécialistes qui dressaient un tableau bien sombre dont je désirais
m’échapper.
En tant que poète, comment t’es-tu imaginé l’après-confinement ? Il me semble que ce recueil est
venu au bout de quelque chose ; tu as utilisé le haïku pour faire le tour de l’humain en contexte de
réclusion forcée,
Plongé dans cette période de confinement, presque à bout de souffle, en apnée, j’ai eu beaucoup de peine
à imaginer l’après-confinement. Le plus important était de pouvoir sortir de cette réclusion forcée (je
parle de prisonnier dans un haïku) afin de retrouver une vie « normale » et des libertés.
Voyant la nature reprendre ses droits, des dauphins nager dans le port de Venise, la qualité de l’air
s’améliorer, pour ne prendre que quelques exemples, j’ai espéré une prise de conscience globale et forte,
permettant à chacun de se positionner différemment face à son rapport à la consommation, aux ressources
naturelles que nous pillons et à une fuite en avant dont la vitesse ne cesse de s’accroitre. Mais je dois
avouer que je me suis trompé.
Proche de chez moi, de nombreuses initiatives de maraîchers ou de cultivateurs ont proposé la confection
de paniers, livrés à domicile, afin de créer des circuits courts entre les producteurs et les
consommateurs. De nombreuses personnes ont été séduites par ces initiatives, rapidement oubliées à la fin
du confinement, reprenant le chemin des grandes surfaces qui n’offrent pas toujours la traçabilité de
l’origine des denrées.
Sans développer une vision idyllique de l’après-confinement, j’ai espéré un changement profond de la
société qui ne s’est malheureusement pas réalisé. Je crois, par contre, que chacun a eu un plaisir intense
à retrouver un lien social, physique et direct et non pas par écrans interposés, à vivre ensemble des
émotions particulières, dans des salles de concert ou de théâtre, mais aussi simplement dans les
restaurants ou les bars. J’espère que la société occidentale est devenue un peu moins individualiste.
En quoi l’écriture peut-elle être un catalyseur des relations humaines, à la reconstruction de
soi et au développement des possibles ?
L’écriture permet à l’écrivain de plonger en lui-même, sans retenue ni tabou, d’autant plus dans le cadre
d’un journal intime ou d’un travail poétique, abordant toutes les facettes de sa personnalité, de la
lumière ou l’obscurité, et du monde qui l’entoure. J’ai abordé cette plongée comme une chance de
retranscrire mes états d’esprit dans cette situation de confinement qui poussait chacun dans ses
retranchements.
En réfléchissant au monde qui l’entoure, en acceptant de dévoiler ses états d’âme et en dévoilant une
forme d’intimité, l’écrivain propose une réflexion sur lui-même, mais aussi sur les autres, sur chacun
d’entre nous, ouvrant ainsi, obligatoirement, des perspectives qui ne seraient peut-être pas apparues sans
ce contexte.
Outre ce processus d’écriture, lorsque le livre physique paraît, cette réflexion qui peut sembler
nombriliste pour certains éclate au monde. La perception de l’écrivain se confronte aux pensées des
lecteurs dans un échange qui permet à chacun d’évoluer, de progresser dans ses recherches personnelles. Le
travail solitaire devient partage.
Il y a déjà longtemps, je me suis intéressé à la littérature japonaise (Mishima, Taniguchi, Kawabata,
Ogawa, Shimazaki, …) découvrant, avec plaisir, une manière différente d’écrire, d’aborder le monde, mais
surtout de décrire les sentiments. C’est dans ce prolongement que je me suis plongé dans la lecture de
haïkus de Basho, Buson, Issa ou Takuboku que j’apprécie particulièrement et dont les écrits sont au centre
d’un de mes manuscrits « Fumées ».
J’ai immédiatement été séduit par cette forme brève, très codifiée tant du point de vue métrique que des
thématiques abordées (les saisons par exemple). Mais avant cet ouvrage, je ne m’étais jamais vraiment
essayé à cette forme poétique.
Lorsqu’on parle de poésie, on a souvent tendance à penser à la rêverie, à l’émotionnel, au
sentiment… Bref, parfois les poètes sont traités de personnes hors du réel. Quel est ton rapport à la
poésie ? Pourquoi, selon toi, les gens ont-ils des préjugés sur la poésie ?
Je crois que de nombreux lecteurs se font une idée fausse de la poésie, probablement liée à des souvenirs
d’enfance, l’obligation d’apprendre par cœur des strophes et à les réciter. De plus la poésie garde
l’image d’un genre littéraire particulier, réservé à quelques initiés, alors que pour moi elle est
partout. Pour preuve l’intérêt grandissant pour la scène slam qui attire beaucoup les jeunes. Les
programmes scolaires n’incluent encore que très peu de poétesses ou poètes contemporains, même si j’ai
découvert, il y a quelques semaines, que l’ouvrage « Mes forêts » d’Hélène Dorion serait enseigné, dès
l’année prochaine, aux bacheliers français.
D’un point de vue personnel, même si j’ai toujours autant de plaisir à découvrir de nouveaux romans, je
lis de plus en plus de poésie, du monde entier, subjugué par cette forme d’écriture que je compare à une
flèche qui, en peu de mots, aborde l’intime et l’invisible, le quotidien et l’universel.
La poésie, c’est un peu cette réalité à la fois temporelle, intemporelle et atemporelle. En quoi
le confinement peut-il être considéré comme un marqueur temporel qui a porté le temps et détourné le
monde de sa vie habituelle ? Qu’a-t-il (confinement) proposé à l’humanité ?
À l’annonce du confinement, chaque individu savait, sans en connaître la durée exacte, que cette période
serait transitoire et se terminerait. Mais cet enfermement involontaire, plus ou moins strict selon les
pays, avec la peur d’une contamination qui pouvait devenir synonyme de mort, a obligé les différentes
populations à couper les liens sociaux habituels et se retrancher derrière un écran pour télétravailler ou
échanger avec ses proches, certains organisant même des apéros zoom!
A Genève, des frontières entre la Suisse et la France, pourtant traversées quotidiennement par des
dizaines de milliers de personnes, étaient fermées par des blocs de béton, comme si nous étions en guerre,
séparant des amis, des familles. Un tel événement ne peut donc qu’être historique, un marqueur temporel
dont chacun se souviendra.
La fermeture de tous les lieux de rassemblement couplé aux frontières et aux couvre-feux ont poussé la
population à vivre dans un périmètre qui s’est soudainement contracté permettant à certains de découvrir
ou redécouvrir une vie différente, plus simple, sans artifices, proche de la nature et des saisons.
C’est cette sorte de parenthèse, de respiration que j’ai voulu retranscrire en mots pour en garder une
trace.
Tu emploies souvent le terme de « silence » dans le recueil. Peut-on le définir en partant de ta
posture ?
Il n’y a pas le silence, mais des silences. Musicien de formation, je suis très sensible aux silences
entre les notes, les accords ou phrases musicales, car ils sont le fondement de la musique.
Je perçois le silence comme une respiration, un temps de réflexion entre l’énoncé de phrases, mais
également entre des personnes propice à des échanges différents, d’une autre densité. Le silence permet un
retour à son intériorité, à l’intime, à l’essentiel.
Dans mon travail d’écriture, j’ai remarqué, depuis des années, que j’ai de plus en plus besoin d’un
environnement calme, sans musique ni éclats de voix, pour écrire. Et j’ai la chance, à mon bureau, de
pouvoir ouvrir les fenêtres et entendre les oiseux, laissant entrer juste ce qu’il faut de vie pour que
mon esprit soit en éveil.
Le dernier haïku du recueil est-il un appel à l’espoir ?
Fenêtres ouvertes Des plantes dansent Dans le reflet de la vitre
Sans respecter la métrique stricte des haïkus, j’ai voulu garder l’essence thématique de la nature (qui
était par ailleurs au centre de mon quotidien et de mes pensées). Ce haïku, qui ferme ce recueil, est
évidemment un appel à l’espoir. Mais j’ai remarqué, en parcourant mon livre pour cette interview, que tous
les haïkus qui parlent de la nature sont porteurs d’espoir, d’un certain apaisement, parfois même
méditatif.
Face à cette période trouble qui exacerbait les peurs et une certaine obscurité, j’ai ressenti le besoin,
pour rompre cet enfermement, d’ouvrir grand les fenêtres pour laisser entrer cette nature, printanière,
pleine de vie. Alors que les hommes étaient cloîtrés chez eux, dans un environnement confiné, la nature,
elle, vivait sa perpétuelle renaissance printanière. Cette thématique s’est donc imposée d’elle-même et je
souhaitais qu’elle clôture ce recueil.
Quel idéal peut-on se donner après le confinement ?
Je ne suis pas d’un caractère optimiste et malheureusement les changements sociétaux que j’avais
envisagés ne se sont pas produits.
Néanmoins, si chacun d’entre nous parvenait à garder en mémoire les questions et les doutes qui sont
apparus durant cette période et y revenir régulièrement, cela permettrait de ne pas oublier à quel point
la liberté est importante. Liberté de mouvement, de pensée et d’écriture.
De la postichité des fleurs, de Thibaud Mettraux - Revue
Archipel, avril 2023
L’amour et l’amer
Archipel · 10 avril 2023
Le pédantisme excentrique du titre
connote bien des choses : une rareté sophistiquée, mais d’une sophistication si guindée qu’elle doit être la
trouvaille d’un espiègle dandy, résolu à jouer, dès le seuil, avec son lecteur, c’est-à-dire à en faire sa
dupe en même temps que le compagnon de sa musette. Mais, dans cet alliage sémantique hétéroclite qu’est le
titre, c’est aussi – je crois – une singularité qui s’annonce, un nom qui surgit dans le champ poétique.
Peut-être faut-il préciser d’emblée que le premier recueil de Thibaud Mettraux s’adresse avant tout aux
amis de la forme : il faut, pour entrer dans cette œuvre, aimer les audaces de la rime et les libertés du
vers tantôt bien fait, tantôt défait, parfois encore plaisamment malmené ; il faut peut-être aussi avoir
fréquenté l’histoire de la poésie – et particulièrement ses inflorescences modernes (Rimbaud, Verlaine,
Mallarmé, etc.) – pour appréhender le positionnement poétique qui se dessine au fil des pages ; il faut,
enfin, apprécier les cryptages, les suggestions du mi-dire, les amphibologies, ces soustractions de sens ne
recouvrant ni ne découvrant au final rien que « le scandale de la trivialité » (7) : la vie, le sexe,
l’amour.
Mais si l’on saisit bien des choses, le je lyrique restera, mieux que Protée peut-être, insaisissable. Le
sujet lyrique est à la fois enfantin et roublard, cruel et tendre, cauteleux et candide, poissard et
précieux. « Comptine » (16-17) exprime bien cet ensemble de dualités ; le poème y devient miroir des
ambivalences du sujet qui exhibe ses masques et sa duplicité mélancolique. Mais le caractère équivoque du
sujet lyrique est aussi psycho-sexuelle (voir « Lendemains », 37) et renvoie à la bifidité d’une voix qui
oscille entre l’énonciation masculine et féminine, mais aussi d’un désir, entre l’homme et la femme, entre
le père « qui ne fait pas la sourde oreille » (exergue) et la nausée du mal de mère à la dernière page (61),
à la dernière ligne. Insaisissable, l’instance d’énonciation l’est aussi parce que, dès la « Préface »
(12-13), elle retire toute justification à l’acte poétique, celui-ci étant réduit au rang de bibelot
métaphysique réservé à l’enfance et à ses émerveillements exaspérants. En d’autres termes, la raison du
poème n’est jamais qu’un puéril prétexte et se situe, pour cette raison, en-deçà de l’intensité poétique,
inégalable. Toute possibilité de transcendance se voit congédiée parce qu’irrévocablement « tiède » (13).
C’est que les fleurs, n’est-ce pas, sont postiches : elles sont faites et ajoutées après coup,
artificielles apparences que la virtuosité seule anime ; elles sont feintes aussi, affectées et parfois
mensongères ; mais surtout, elles remplacent, comme une fausse barbe, quelque chose qui fait défaut, qui
peut-être fit défection. Le poème est une forgerie tracée par le manque, un clin d’œil ironique à
l’équivoque, un dégrisement encore gris, encore ivre. Mais si la recherche des intensités demeure, si le
sujet lyrique repousse « la vie sans heurts », il reste pourtant, à la chute de « Entre le cloître le verger
» (22) comme une faille de dérision : « Seule une fleur qui ne s’inquiète / Vole au vent », le mouvement
insoucieux et ascendant rappelant aussi la gastronomie des cantines d’école : présence infime de la
régression et du mauvais goût ?
L’ivresse n’est pas seulement lyrique et les alcools ne sont pas juste des poèmes : récits elliptiques de
biture, confessions d’un « golden-boy en chevalière » (35) ; confidence et gueule de bois de celui qui n’a «
jamais été du lendemain » (23). La progression brisée du vers (en italique) dans « Des crépuscules »
signale, par le retour brutal à la prose (en romain), l’horizon pulsionnel autodestructeur des soirées qui
s’achèvent, au matin, quand le je finit par « s’écrouler sur le bitume au-devant du magasin qui borde votre
allée » (38). C’est que si la sensualité déliée du sexe est fort présente sous forme d’ « Invite » (18) ou
d’« Alternative » (49) peu glorieuse, l’amour et le chagrin qui va avec ne sont jamais bien loin.
L’amour apparaît comme le noyau du recueil. Il irradie, plein et chaud comme la plage sur « la baie de
Bahia » (46), comme le corps de l’aimée, comme « le bracelet du mois d’août » (46), symbole naïf du lien et
du deux qu’il noue dans l’extase. Il donne aussi sa structure chiasmatique au recueil, les répliques
échangées par « L’Autre » (14 et 55) et « L’Un » (15 et 56) se situant en ouverture, puis en fermeture de
l’œuvre. Ce chiasme figure le début et la fin d’une relation ; il enferme ou sertit le souvenir si cher,
maudit et médite la rupture dont, le plus souvent, il désespère – par exemple dans « Convert » : « Il n’est
depuis toi plus / Que d’équilibre idoine / Et moi que l’on connut / Pitre je vis en moine » (57). À bien y
réfléchir, la séparation est figurée d’emblée sur le blanc qui séparent les pages : il n’y a pas de « et »
entre l’un et l’autre, entre les deux amants. Bientôt, c’est donc l’« Adieu » (60) qui clôt presque le
recueil et cicatrise la plaie en achevant « l’état des lieux » (60).
Insaisissable, je l’ai dit : on devine, on subodore, on flaire dans les labyrinthes et les recoins de
l’œuvre ouverte, on fleure les parfums dans les allées du jardin clair. On assiste au scandale ordinaire du
drame amoureux, on s’égare dans les « déserts / Abreuvés et nomades » (61). Singulier, je l’ai dit : par ces
raffinements de fausset ; par la virtuose artificialité de cette musique postiche qui n’atteint rien, sans
doute, que l’expression du manque ; par le refus ironique, enfin, opposé à toute patrimonialisation
symbolique (« Pastorale, 19-21), à toute immobilisation du vers. L’écriture n’est alors peut-être rien que
la dérive enivrante de la forme, ce recueil le témoignage fragmentaire des possibilités infinies qu’elle
ouvre.
Vivien Poltier
Pier Paolo Corciulo interviewé par le Club du Livre pour ses livres « Entre-peaux » et « Le
cri des mouettes »
Des avenues et des fleurs | Le blog de Dunia Miralles - Le
Temps, Juin 2021
Menstrues : le cycle menstruel pour inspiration
Six ans après le mouvement #MeToo et les
dénonciations des sévices endurés par le corps des femmes, il est intéressant de lire – ou de relire –
Menstrues de Linda Speer. Paru en mars 2016, soit 18 mois avant les manifestations du mouvement qui
dénoncent les violences – notamment gynécologiques – faites au genre féminin, Menstrues a, en
arrière-fond, une musicalité qui présage les événements à venir. Entre autres, le combat pour que les
serviettes hygiéniques et les tampons ne soient plus taxés comme des produits de luxe, mais comme des biens
de première nécessité.
Un livre 5 questions : « Il s’agit de ne
pas se rendre » d’Anouk Dunant Gonzenbach - Vivre après un deuil prénatal
En été 2006, l’auteure subit un deuil périnatal à cinq mois de grossesse. Au fil des mois et des années, elle se questionne
sur la manière de réagir face à un drame aussi hermétique duquel il est si difficile de se relever.
Autrefois les familles étaient davantage préparées à endurer la perte d’un être tant désiré. De nos jours en
revanche, où la confiance en la médecine est presque entière, personne ne songe qu’une grossesse pourrait
mal tourner. Que les vies de la mère et de l’enfant peuvent soudainement basculer vers la tragédie. Or,
comment se mettre d’accord avec l’existence et soi-même suite à un événement indicible, quel qu’il soit ?
Rédiger le livre Il s’agit de ne pas se rendre, réflexions sur l’espérance a permis à Anouk Dunant
Gonzenbach de retrouver une certaine sérénité.
"Au fil des jours", un livre de Aline Reymond - RCF (01-03-2021)
Aline Reymond, poète, au micro de Montagnes en poésie, sur RCF. Un choix proposé par Françoise Rossier. Un
livre à savourer par petites touches, à oublier sur une table, au fond d’un sac, à laisser ouvert sur une
saison, une image, une émotion.
La Liberté (15-02-2021) - Miriam Gfeller, témoignage d'une femme blessée qui guérit
Tribune de Genève (30.01.2021) - Huguette Junod et les 50 ans du droit de vote féminin
Simplement comme c’est, de Vince Fasciani - Messages de deux lectrices
Cher Vince, J’ai lu ta Poésie ininterrompue, quelle beauté. Mais je n’ai pas de paroles pour le dire
mieux. Comment dire ce dialogue sans fin avec soi-même, ce flux de la vie. Je peux dire que le mystère
de l’homme Vince, et de tout être humain, reste insondable, et ta poésie transmet ce mystère comme seulement
la poésie, ta poésie, peut le faire. Un merci total, Vince. Teneramente, Donatella
Je viens de lire ta poésie ininterrompue, presque d'une seule traite, en lisant à voix haute et parfois
dans ma tête. Un texte qui est la vie, dans lequel on se sent uni aux autres mais parfois seul au milieu de la
foule. Un contraste et un lien entre la vie quotidienne et une vie intérieure riche. On sent le mouvement, le
voyage, la sensualité et le fantasme. Puis à nouveau la réalité. On se sent ballotté, un peu bousculé mais
avec toute ta douceur. Ta poésie, c'est la vie, et un petit supplément d'âme, comme on
dit.
Et ces phrases marquantes :
je tremble de poésie comme un drap au vent je suis toujours au
moins la moitié d'un autre être humain
Merci Vince. Merci pour ta générosité ! Christine
Article de Gland Cité (Septembre 20120) – Renaud en poésie et en image image
Chroniques littéraires de Laura Maxwell (16 .08.2020) – Semaisons de silences de Sophie Parlatano
Il faudrait un « v » à la place du « t » de Parlatano ce qui signifierait : elles parlaient. Est-ce cette
racine dans son nom qui pousse l’auteure a écrire des poèmes en opposant de façon régulière le thème de la
parole à celui du silence ? Peut-être…
Article de La Côte (21.06.2019) – Le p’tit poète de Gland cultive l’arrêt sur image
Renaud Rindlisbacher célèbre
la nature et s’en inspire, en mots en en images.
Renaud Rindlisbacher invite à méditer sur le temps et la nature. Rencontre avec un rêveur du
cru. Par Marion Police
«Le pire c’est qu’à l’école, j’étais hypermauvais en
français! Jusqu’en 9e année, d’ailleurs j’ai encore…», il se lève d’un bond, s’engouffre dans la maison
familiale et ressurgit sur la terrasse avec un exemplaire de l’«Anthologie de la poésie française: de Villon à
Verlaine». C’est avec ce petit volume que Renaud Rindlisbacher prend goût à la poésie alors qu’il est
adolescent.
Loin des dictées, poésie rime avec liberté. «J’ai analysé «Le Dormeur du val» de Rimbaud,
je l’ai trouvé très beau. J’écoutais pas mal de rap, je faisais du basket… tout ça m’a poussé à écrire»,
résume le jeune père de famille. Un atelier de poésie au sein du groupe de jeunes de l’Église protestante
achève de l’enthousiasmer. Aujourd’hui, il partage son temps entre un poste de diacre, ses deux filles,
l’écriture et les sorties pour capturer – dans sa carte SD – les hôtes de nos bois. [...]
Article de Gauche Hebdo (22.05.2020) - Un regard étranger sur Genève
Spécial Confinement
Pendant toute la période de confinement du à la pandémie de coronavirus, les Éditions des Sables ont mis
gratuitement à la disposition du public la version numérique de ses derniers titres parus. Nos auteurs ont
beaucoup écrit pendant cette période et une compilation de ces textes sera bientôt publiée.
Article du Courrier (24 octobre 2019) -Zoom sur les petits éditeurs
Les Sables, Cousu Mouche, Héros-Limite… Les petits éditeurs tiendront salon le
2 novembre à Chêne-Bougeries.
Le Courrier, jeudi 24 octobre 2019, Marc-Olivier Parlatano (lien vers l'article)
Qu’il soit tenté de boire un thé ou un café avec un-e auteur-e, d’écouter des poèmes sur le thème de
l’eau ou de découvrir maintes petites maisons d’édition, le public trouvera à coup sûr son bonheur au
Salon des Petits Editeurs. Celui-ci se tiendra samedi 2 novembre à Chêne-Bougeries.
Au fil de cette journée, Guillaume Pidancet fera découvrir divers-e-s auteur-e-s des maisons d’éditions
présentes: les Editions des Sables, des Syrtes, Notari, Héros-Limite, Plaisir de Lire,
Samizdat, Cousu Mouche, Encre Fraîche, Pearlbooksedition, entre autres. Une trentaine d’éditeurs seront de
la partie, et avec eux divers auteur-e-s, dont Anne-Sophie Subilia (Les Hôtes), Olivia Gerig et
Olivier May (L’Etrange Noël de Sir Thomas) Mathias Deshusses (Mission au Darfour)
Véronique Timmermans (Tel un étang profond), etc. Des séances de dédicaces sont prévues. Claude
Tabarini à la percussion et Marc Sierro au violoncelle improviseront au long de la journée.
D’un débat à l’autre – voyage, frontière entre fiction et réel, passage «de la douleur à l’écriture»
seront abordés –, le Salon durera de 9h30 à 18h à la salle Gauthier, route du Vallon. A 17h30, le suspense
prendra fin avec l’annonce de la lauréate ou du lauréat du Prix littéraire chênois. Une balade littéraire
est prévue (13h15) avec René-Marc Jolidon (Oxalate), Mathilde Vischer (Comme une étoile tombe
dans la nuit) et quelques autres écrivain-e-s. Une table ronde (15h) aura pour sujet «Au cœur des
mots, les femmes» et sera suivie d’une autre dédiée au thriller, «Les recettes du frisson» (16h15) où
interviendra parmi d’autres Jean-Michel Morel (Retour à Kobané) qui a publié un thriller
politique proche-oriental. A noter que les enfants ne sont pas oubliés: les éditions de La Chaussette
proposent des jeux, tandis que l’Atelier des Sources organise un atelier de fabrication de livres
d’artistes (dès 7 ans). En perspective se profile une journée qui donnera une visibilité à toute une
mosaïque de petits éditeurs, à un peu plus d’un mois et demi de Noël.
Samedi 2 novembre, de 9h30 à 18h, salle J.-J. Gauthier, 1 route du Vallon, Chêne-Bougeries GE), petitsediteurs.ch
Article de Gauche Hebdo sur Mission au Darfour de Mathias Deshusses (13 septembre 2019)
article de Jean-Paul Gavard-Perret sur Cécile Xambeu dans le journal 24 heures (09/04/2019)
Créatrice polymorphe et performeuse au sein de sa compagnie genevoise « C’est quand qu’on va où » qui séduit
actellement le canton suisse et ses environs [...] Cécile Xambeu est aussi la poétesse enjouée et grave des
sentiments universels. [Lire la suite ...]
Article de Tatiana Tissot dans le magazine Coopération sur Maman, je veux retourner dans tes
entrailles de Méliké Oymak (10 février 2019)
Meliké Oymak a publié son premier roman à 18 ans. Son style comme les thématiques dures abordées ne laissent
pas indifférent ... [Lire la suite] [PDF]
Article de Gauche Hebdo sur Maman, je veux retourner dans tes entrailles de Méliké Oymak (14
décembre 2018)
Article de "La Côte" sur Confession d'une dyslexique d'Amanda Oriol (14 mai
2018)
Les lettres deviennent sa force
Amanda Oriol apprivoise depuis toujours sa dyslexie. Elle se confie
dans un livre pour aider à comprendre ce
handicap
« Attends, attends... Tu es en train de me dire que tu es
dyslexique et que t'as pris Lettres ? T'es un peu suicidaire, non ? - Ben non, Parce que
malgré ça, ce que j'aime le plus, ce sont les mots, la littérature, je rêverais d'être
écrivain. » Un comble, diraient certains en découvrant ces lignes. Amanda Oriol ne compte même plus le
nombre de fois qu'elle a entendu ces remarques. De l'école au gymnase, puis à l'Université, les
commentaires ne lui ont jamais laissé de répit. Car on l'a diagnostiquée dyslexique sur les bancs
primaires. Et que ce handicap, qui lui fait avoir une relation différente de la normale avec les mots (lire
ci-dessous), ne se guérit pas.
Pourtant, elle n'a jamais cessé de se battre. Depuis toujours, elle avait
un rêve. « Sa revanche », comme elle aime le dire, se trouve aujourd'hui entre ses mains. 135 pages
fraîchement sorties des Éditions des Sables, où les lettres qui lui ont toujours joué des tours sont
finalement devenues sa force.
Écrire pour se libérer
La Préverengeoise de 24 ans dédicaçait son premier ouvrage « Confession
d'une dyslexique » la semaine dernière au Salon du livre de Genève. Anecdotes, périodes de doute ou de
confiance, elle couche sur papier son intimité, avec toujours l'ambition d'en rire, plutôt que
d'en pleurer : « Ma mère me conseillait d'écrire quand ça n'allait pas. Un jour,
en rentrant de l'uni, j'ai vu que rien ne changeait, que c'était encore bien
compliqué de justifier les réaménagements dont j'avais besoin. Je me suis assise à une table et
j'ai commencé à écrire toutes ces choses. »
Et puis elle devient auteure
C'était il y a trois ans. Vingt-sept premières pages, envoyées à des
maisons d'édition, et pas de réponse. « On me donnait des conseils, mais jamais de retour
positif … je me serais arrêtée là, mais on m'a emmenée air Sa1on du livre un an plus
tard pour y distribuer l'écrit à d'autres maisons. ]'étais un peu déprimée car une personne
m'a dit qu'elle ne publiait que des récits d'experts. Mais qui est plus expert en dyslexie
qu'une dyslexique ? »
Finalement, une lettre arrive à Noël, l'an dernier. La machine se met en
marche. Une ancienne enseignante, à la tête d'une maison d'édition et rencontrée au salon justement
deux ans avant, est touchée par son histoire.
« Quand tout s'est accéléré, je stressais ! Je voulais faire lire ça
aux profs, aux parents, aux logopédistes qui suivent les dyslexiques, et les faire rire. »
Car la dyslexie est un réel handicap, mais invisible. À cela, Amanda répond de
manière poignante dans son récit : « Comment se défendre lorsque la personne en face de vous n'a
aucune preuve que vous souffrez d'un handicap ? Dans ces moments-là, tu te sens seule, tu t'en
veux à toi-même. T'as envie de leur dire : « Mais un aveugle a droit à une canne, un sourd à
une personne qui lui communique les informations. » Un dyslexique a besoin d'un peu plus de temps.
Juste plus de temps. » C'est tout le fond du problème. Ce temps en plus, ces consignes de tests
dans une police de caractère plus simple et agrandie. Amanda n'a cessé de devoir se justifier. Au
quotidien. Mais cela en a valu la peine : elle est titulaire d'un bachelor en histoire de l'art et
espagnol, et suit actuellement une année propédeutique en école de santé. « J'essaie, dans le livre,
de donner des pistes d'explication, mais tous les dyslexiques sont différents. Par exemple, pour
moi, la lettre «a» n'est autre qu'un «e» faisant la pièce droite! J'ai donc
choisi de publier l'ouvrage avec une police qui m'aide, avec des «a» arrondis.» Le livre est
donc paru en Gothic Century, plutôt que la police de caractère communément utilisée dite Times New Roman.
Son livre rassure et renvoie à la fois cette image effrayante d'une société
qui ne veut parfois pas comprendre. Mais Amanda n'a pas pour but de donner une leçon de vie, elle
souhaite simplement «faire comprendre, ne serait-ce qu'une petite part du quotidien
d'une dyslexique.»
DYSLEXIE, KÉSAKO?
Comme le relève l'éditrice de « Confession d'une dyslexique », au
début du livre, ce handicap est « un trouble persistant de l'acquisition du langage, caractérisé par
de grandes difficultés dans l'acquisition et dans l'automatisation des mécanismes nécessaires
à la maîtrise de l'écrit (lecture, écriture, orthographe).»
«Confession d'une dyslexique», par Amanda Oriol, aux Éditions des Sables.
Avril 2018, 138 p. Disponible en librairie.
Cimetière des Rois, mai 2017
Le pont Neuf de Carouge rénové ayant été inauguré ce samedi 13 mai avec fanfare, fleurs et discours des deux
maires des villes riveraines, j’ai donc enfin osé le franchir, sans crainte qu’il ne s’écroule, pour aller
dans le quartier de Plainpalais… l’audace en valait la peine.
Dans le cimetière de Plainpalais, renommé à bon escient le cimetière des Rois, ne reposent que des célébrités
: des politiques, des mécènes et surtout des artistes, et beaucoup d’écrivain-e-s et de poètes.
Pour fêter les 30 ans de ses Editions des Sables, Huguette Junod a eu l’idée d’organiser des lectures dans ce
lieu original, à la fois pour honorer les sommités de la littérature et pour faire connaître les auteur-e-s
qu’elle a édités. Ces tours de cimetière ont lieu les samedis 13, 20 et 27 mai de 16 h à 17 h 30. C’est
Guillaume Chenevière à la belle voix sonore et à l’immense culture qui a choisi les extraits d’oeuvres et qui
guide le public de tombe en tombe. Sous les grands arbres, les pieds dans l’herbe fleurie, j’ai suivi ce
premier tour, ainsi qu’une quarantaine de personnes conquises. Moments de découvertes, d’émotion, de rêves
avec les jeunes poètes (dont Stéphanie de Roguin), fugaces partages de sagesse devant les tombes de Jean
Calvin ou de Denis de Rougemont, sourires en entendant l’ironie d’Alice Rivaz ou d’Emile Jacque-Dalcroze et
francs éclats de rire devant le monument controversé de Grisélidis Réal, notoire prostituée et fine écrivaine.
Patrice Mugny, ancien maire et également poète édité aux Sables, raconte comment il a pu imposer
officiellement la tombe de la prostituée au cimetière des Rois, Guillaume Chenevière lit une lettre de
Grisélidis à son ami Jean-Luc où elle se plaint d’aller « vendre son âme plutôt que son cul » à la TV, mais
admet que de participer à une émission de variété est finalement plus lucratif et moins pénible qu’une dizaine
de passes, Huguette Junod enchaîne avec un de ses poèmes, désopilant, entièrement au subjonctif passé «
J’aurais souhaité que vous me distinguassiez, me désirassiez, m’enlassiez… que nous nous enivrassions et que
nous nous transcendassions…» Un grand moment d’humour sur le mode du libertinage !
Et le tour se termine par une verrée dans la boutique « Au grand magasin », 59 boulevard Saint-Georges, dont
la minuscule terrasse donne directement sur les arbres du cimetière.
A découvrir !
Samedi 20 mai : de nouveaux poètes : Philippe Constantin, Anne Martin, Valérie Morand, Liam, Pauline
Desnuelles, et des hommages à Töpffer, Dostoïewski, Jean Marteau, Alice Rivaz, Jeanne Hersch, et à nouveau
Calvin, Réal, Rivaz et d’autres célébrités.
Samedi 27 mai : la poétesse et éditrice Eliane Vernay, Benoist Magnat, le jeune Liam et parmi les écrivains
décédés, Ernest Ansermet, Henri de Ziegler, Jorge Borges… Et à chaque tour, Grisélidis Réal !
Pas le temps de courir, de Stéphanie de Roguin
Stéphanie de Roguin, dont le recueil de poésie «Pas le temps de courir» vient d’être publié, a gagné le prix
poésie décerné par la société genevoise des écrivains.
Fabien Kuhn. Stéphanie de Roguin est reporter de quartier à «Signé Genève» depuis quatre ans. On doit à sa
plume alerte des articles aussi variés qu’une redécouverte du musée de Plainpalais ou une série de papiers sur
l’économie sociale et solidaire dans le quartier. Depuis peu, elle a migré à La Plaine où elle poursuit son
travail d’écriture. Au civil, elle a été enseignante de géographie au cycle d’orientation pour des enfants
entre 12 et 15 ans. Une activité qu’elle ne pratique plus, trop occupée avec sa première passion: l’écriture.
A sa grande surprise, en décembre 2016, Stéphanie a gagné le prestigieux prix littéraire de la Société
genevoise des écrivains (SGE) décerné à un ouvrage de poésie. Rien que ça! «Un jour, j’ai reçu un coup de
téléphone de Bernard Lescaze, président de la SGE, qui m’informe de la date et du lieu de la remise des prix.
Je jette un coup d’oeil à mon agenda et lui réponds que malheureusement je suis occupée ce soir-là. D’un ton
enjoué, il me répond que j’aurai tout de même intérêt à venir puisque… j’avais gagné le premier prix du
concours de poésie!» Une heureuse surprise pour cette jeune femme de 33 ans. Mais comment en est-elle arrivée
là? Il faut d’abord dire que l’écriture relève pour Stéphanie de Roguin d’une véritable passion, une fièvre,
un emportement. «Petite, déjà, je fabriquais des livres en papier et carton et j’écrivais des histoires
dedans, pour les anniversaires. C’était un de mes passetemps favoris, un intérêt qui a toujours été vif chez
moi, dit-elle.» Cet enthousiasme littéraire a donc débuté avec des petits carnets d’enfant. Il s’est poursuivi
à l’âge adulte avec des ateliers d’écriture. «J’aime bien confronter mes écrits avec l’avis des autres»,
poursuit-elle. Stéphanie en a notamment suivi un, organisé par les activités culturelles de l’Université de
Genève et animé par Isabelle Sbrissa. «On a fait des choses qui s’apparentent à de la poésie, mais j’y ai
surtout compris que l’on pouvait écrire d’une manière non linéaire, pas forcément avec des phrases bien
construites, du type: sujetverbe- complément et j’ai eu envie de creuser cela. Elle creuse, donc. Et petit à
petit, avec le temps, la pratique et surtout une bonne dose d’imagination, les écrits sporadiques, jetés sur
le papier, comme ci ou comme ça, commencent à s’accumuler. «J’ai chez moi un gros carton plein de feuilles
volantes et de bouts de textes épars. Un beau jour, je me suis dit qu’il fallait quand même en faire quelque
chose. Quelque chose de construit. Pourquoi pas un recueil de poèmes?» se dit-elle. Et donc, en été 2016, elle
se met à l’ouvrage et récolte dans sa boîte des textes qu’elle met en bon ordre «pour avoir un fini qui me
satisfasse, avec une cohérence, une évolution », dit-elle. Elle envoie le résultat à deux maisons d’édition:
aucune réponse. Puis, il y a cette petite annonce parue dans Le Courrier: le Prix littéraire de la Société
genevoise des écrivains décerné à un ouvrage de poésie. Elle envoie son recueil intitulé «Pas le temps de
courir», sans trop y croire. Mais, ajoute-t-elle, «en 2014, j’avais déjà gagné la deuxième place d’un concours
de webstory, une plate-forme Internet d’écriture interactive, et cela m’avait donné une certaine confiance,
mais surtout l’assurance que je voulais continuer à écrire et surtout à montrer ce que j’écrivais». Avec le
résultat que l’on connaît. Restait au final l’épineux problème de la publication: «Je ne suis pas sûre que ce
soit plus facile d’être édité après avoir gagné un concours, dit-elle, mais finalement tout s’est bien passé.»
Huguette Junod, une écrivaine suisse et directrice des Editions des Sables la contacte et lui propose de
publier son recueil. «Après, tout est allé assez vite et le livre est paru à la mi-mars. J’ai pu participer à
deux événements du printemps de la poésie. Et il y a le Salon du livre, un lieu que j’adore. J’y ai été, cette
année, toute fébrile d’être de l’autre côté du miroir, pas comme spectatrice, mais comme actrice.» L’éditrice,
qui a elle-même obtenu par deux fois le prix de la SGE, en 1986 puis en 2008, souligne sa grande sensibilité à
la difficulté d’être publié: «En 1986, alors que j’avais gagné le prix pour «Ceci n’est pas un livre» j’ai
éprouvé une grande difficulté à trouver un éditeur. Du coup, j’ai lancé ma propre maison d’édition. Désormais,
lorsqu’il y a un prix, je vais à la remise et quand le texte me plaît, je contacte l’auteur. C’est ce que j’ai
fait avec Stéphanie de Roguin. J’ai beaucoup aimé la modernité de ses textes et sa façon d’écrire. Il s’agit
d’une poésie haletante, émanant d’une autre génération que la mienne: illusions, peurs, amours, désirs
oubliés. Cette poésie me touche particulièrement.» Dorénavant, Stéphanie de Roguin aimerait bien se concentrer
sur la poésie, «car, je me rends compte que c’est le genre littéraire qui me convient le mieux. J’aime bien ne
pas me mettre des règles dans mon travail. Pas de contraintes. Je cherche des sonorités et des rythmes qui me
plaisent, plein de fragments, tout en évitant une suite forcément logique », conclut-elle.
Stéphanie de Roguin, «Pas le temps de courir, Poèmes», 2017, Editions des Sables, 69 pages.
L’ouvrage est disponible dans les librairies MLC, Le Parnasse et Le Rameau d’or.
LECTURE PUBLIQUES AU CIMETIÈRE DES ROIS (Tribune de Genève)
Anniversaire Les Editions des Sables fêtent leurs 30 ans. Pour l’occasion, des lectures ont
lieu au cimetière. Une démarche originale.
Guillaume CHENEVIERE
C’est fou le nombre d’écrivains, de métier ou non, qui reposent au cimetière des Rois. Jorge Luis Borges et
Alice Rivaz, Georges Haldas et Grisélidis Réal, ou encore les philosophes Denis de Rougemont et Jeanne Hersch,
les musiciens Ernest Ansermet et Emile Jaques-Dalcroze… Une bonne vingtaine ont leur tombe au
panthéon genevois. Après une première mouture ce week-end, ils seront encore mis en lumière les deux prochains
samedis à l’occasion de lectures publiques organisées par les Editions des Sables, qui fêtent leurs 30 ans.
Guillaume Chenevière, directeur de la Télévision suisse romande de 1992 à 2001, auteur lui aussi, participe
à l’événement. Eclairage.
Guillaume Chenevière, comment est née cette idée de lectures publiques au
cimetière des Rois?
Elle ne vient pas de moi mais de la fondatrice des Editions des Sables, Huguette Junod. Elle souhaitait
rendre un hommage aux écrivains – et notamment aux poètes – du cimetière, sur le thème «les morts parlent, les
écrivains répondent».
Quel rôle jouez-vous?
Pour chacun des vingt et un écrivains enterrés ici, je fais une brève présentation, suivie de la lecture
d’un passage de l’une de leurs oeuvres. Ensuite, des auteurs ayant publié aux Editions des Sables lisent à
leur tour un extrait de leurs propres oeuvres ou un texte en rapport avec ces écrivains.
Vous avez dû vous plonger dans la lecture pour préparer cet événement…
En fait, j’avais lu des livres de chacun des écrivains enterrés aux Rois. Qui n’ont pas tous le même
calibre, il faut le dire… Ça n’a donc pas été trop difficile de faire un choix. Par ailleurs, j’ai déjà fait
des lectures publiques, notamment à la Comédie. Mais jamais dans un cimetière, là, c’est une première.
Vous lisez du Dostoïevski (dont la fille est enterrée aux Rois), du Musil, mais
pas du Rousseau…
Eh non. Alors que Dostoïevski a détesté Genève et que Musil n’y a vécu que deux ans à peine avant sa mort,
des écrivains genevois majeurs, énormes, ne sont pas enterrés là! Je pense à Rousseau bien sûr, mais aussi à
Henri-Frédéric Amiel et Charles-Albert Cingria. En revanche, je lis un passage de l’oeuvre de
Rodolphe Töpffer, dont la tombe a disparu.
Vous-même, vous avez écrit plusieurs ouvrages…
Oh, mais ce n’est pas de la littérature. Je ne me considère pas comme un écrivain, et encore moins comme un
poète.
Xavier Lafargue, La Tribune de Genève
Poésie de gare, de Jean-Luc Fornelli (Gauche Hebdo, 1 décembre 2017)
Le revenant du Louvre, de Claire Druc-Vaucher (Le Mag, 31 juillet 2015)
Les enfants de la douleur noire, de Marthe Marie Monnet (Tribune de Genève, 3 mars 2015)
Les enfants de la douleur noire, de Marthe Marie Monnet (Tribune de Genève, 2 mars 2015)
Les enfants de la douleur noire, de Marthe Marie Monnet (Gauche Hebdo, 6 février 2015)
Les enfants de la douleur noire, de Marthe Marie Monnet (Solidarités, 29 janvier 2015)
Les enfants de la douleur noire, de Marthe Marie Monnet (ContreAtom no. 116, septembre 2014)
Vahé Godel et Eliane Vernay (Le Quotidien Jurassien, 23 octobre 2014)
Les enfants de la douleur noire, de Marthe Marie Monnet (Le Peuple Valaisan, 24 octobre 2014)
Les enfants de la douleur noire, de Marthe Marie Monnet (Le Mag, 11 octobre 2014)
De mort vive, de Sylvain Thévoz (Tribune de Genève, 1 juin 2014)
La Dague, de Claire Druc-Vaucher (Le Mag, 27 juillet 2013)
Eric Golay propose ses mystères de Genève (Le Mag, 10 mai 2013)
Les Éditions des Sables publient trois recueils de poésie (Le Mag, 6 juillet 2013)
Les Éditions des Sables ont sorti quatre livres (Tribune de Genève, 27 décembre 2012