Dans les médias

 «JUSQU’AU BOUT DU JOUR», JO(SETTE) PELLET - Revue du tanka francophone N° 53, octobre 2024

par Patrick Simon, directeur de la Revue

Publié aux Éditions des Sables, dans la Collection « Rose des sables » à Genève, en 2024, ce recueil de tanka-proses est une invitation à retrouver un amour ancien et à voir comment il pourrait revivre. Ce parcours démarre avec un échange de lettres improbables, puis se poursuit par un dialogue renoué et posant des questions intemporelles sur les relations humaines.

Préfacé par l’éditrice, Denise Mützenberg qui découvre ainsi la poésie brève, ce récit démontre que poésie et prose se conjuguent très bien, du passé au présent, voire au futur et au conditionnel.

Dans ce récit dialogué, nous devons alors regarder en nous si de telles rencontres passées pourraient resurgir maintenant ; et qu’en adviendrait-il vraiment ? Le protagoniste de l’auteure se pose très vite la question sous cette forme : « Ma vie n’aura pas seulement été trop courte, mais aussi trop étroite, trop limitée… »

Et moi, celui qui recense ce recueil, je me remémore une rencontre impromptue dans la gare de Nîmes avec une Genevoise, revue une seule fois à Genève et dont le souvenir s’est perdu au fil du temps. Que se passerait-il quelques dizaines d’années plus tard si je la revoyais ? Je n’en sais rien car cela ne s’est plus produit. Et le monde a poursuivi sa course et son destin. Il n’y aura pas cette rencontre.

Mais revenons au recueil de Jo(sette) Pellet qui est peut-être aussi une nostalgie de nos vingt ans.

L’amour revenu
en une inflexion de voix
un clic de souris
et avec lui revenue
la fraîcheur de nos seize ans

Elle y répond par ces mots :
« Il serait certainement plus glamour pour moi de ne pas te re voir et de te laisser avec tes fantasmes de la jolie jeune fille de quinze ans… »

Et de se poser la question de la nécessité ou pas d’ouvrir la boîte de pandore d’une relation rêvée… L’élan sera-t-il toujours le même entre deux êtres dont les vies ont suivi leur parcours ? Ou de rester dans une autre dimension :

Nos âmes toujours
sauront se retrouver
disais-tu jadis
dans le tout-autre peut-être
mais improbable ici-bas

Les mots vont alors s’échanger, avec des interrogations, comme ici :

Flotter sur l’étang
toi et moi main dans la main
une utopie ?
ohé mon amie la lune
que vois-tu à l’horizon ?


Je ne dirai pas comment finissent ces échanges épistolaires. Mais ce qui est sûr, c’est que les mots restent infiniment présents :

Ah l’amour des mots
puisse-t-il m’accompagner
jusqu’au bout du jour

Ce recueil pose des questions existentielles et les mots se suivent dans une belle fluidité. Parsemé de haïkus ou de tankas, ils nous amènent à nous questionner, peut-être jusqu’au bout de nos propres questions relatives aux rencontres perdues. Ce qui est rappelé dans la quatrième de couverture :

« On y explore les arcanes de la mémoire, de l’amour, du temps qui passe… mais aussi ceux des mots. »


Voici QWERTZ #211, septembre 2024, «Rama» de Laura Dabo


interview de Laura Dabo à Red Line Radio, 2 septembre 2024

L'interview commence à 08:09 minutes.

Coup de cœur dans le Femina du 18 août 2024 pour le roman de Laura Dabo


«JUSQU’AU BOUT DU JOUR», JO(SETTE) PELLET - GONG No. 84, juillet-sept. 2024

Notre amie Jo se paye le luxe de raviver, par messages, lettres, haïkus et tankas interposés, un amour de jeunesse, rencontré dans le train entre Graz et Lausanne il y a un demi-siècle. Et l’amour de jeunesse répond. Échanges, coups de fil et rencontres se succèdent et Denise Mützenberg, éditrice et poète, écrit en préface : «Ce qui m’a impressionnée dans ce récit, c’est qu’il allie... la poésie et le suspense.»

Ça commence le 10 juillet 2015 et se termine au printemps suivant : 
«Tu vois, je tiens ma promesse : je ne t’ai pas oublié !... nos lettres pendant trois ans...
Sagement rangées / entourées d’un ruban rose / au fond d’une malle»

Les poèmes de l’auteure apportent leurs ponctuations aux messages échangés, quelquefois plus brûlants.

Alpha oméga / plus fort que le temps qui passe / ce besoin de l’autre

Comment un amour peut-il résister au temps et ressurgir beaucoup plus tard ?
C’est tout le prix de ce livre : il mêle un langage amoureux, éternellement jeune, surgissant, et le langage de l’âge mûr où l’espoir s’apaise, sans oublier haïkus et tankas pour l’éternité.
À lire absolument, et d’une traite.

Jean Antonini, GONG No. 84, juillet-sept. 2024, Association francophone de haïku


«JUSQU’AU BOUT DU JOUR», JO(SETTE) PELLET - Le Journal de l’Ours dansant No. 40, Juin 2024

Cet impossible possible, c’est retrouver l’amour de ses 15 ans, rencontré dans un train cinquante ans plus tôt.
Adolescents, taillés dans la même étoffe de révolte et de quête, nous nous étions immédiatement «reconnus» et aimés... D’un amour platonique. Ensuite nos lettres...

Sagement rangées
entourées d’un ruban rose
au fond d’une malle

Un dimanche de canicule, la narratrice recherche sur le net la trace de cet homme. Elle en ignore la raison. Il y en a tant ! Elle envoie une lettre, comme une bouteille à la mer. 
Bingo ! Ils s’écrivent, puis se parlent, puis se rencontrent. Puis chacun rejoint un temps son « univers », avant de correspondre à nouveau. Puis..

Déjà tu me manques
mais hélas l’espoir aussi
jour gris et morose

Pourtant bien réelles
la ferveur de nos étreintes
l’ivresse des nuits

Cette histoire d’amour est-elle encore possible ? Est-elle impossible ? Je vous laisse le découvrir, ne voulant pas vous priver du plaisir de la lecture passionnante d’un roman bien ciselé.

Dominique Chipot, Le Journal de l’Ours dansant No. 40, Juin 2024


«JUSQU’AU BOUT DU JOUR», JO(SETTE) PELLET - Le blog de Francis Richard, 5 juin 2024

10 juillet 2015
Tu vois, je tiens ma promesse: je ne t'ai pas oublié! Pas oublié non plus notre rencontre dans un train entre Graz et Lausanne, il y a un demi-siècle.
Adolescents taillés dans la même étoffe de révolte et de quête, nous nous étions immédiatement "reconnus" et aimés... D'un amour platonique.
Ensuite nos lettres, pendant trois ans. Puis seulement les tiennes.

De nos jours, les adolescents font des rencontres virtuelles avant qu'elles ne deviennent réelles. À l'époque elles étaient réelles, et l''imaginaire s'en nourrissait.

Pour retrouver ses amours de jeunesse, le net peut être un outil performant qui vaut la peine d'être utilisé, même si le résultat n'est pas toujours au rendez-vous.

La narratrice du récit, grâce sans doute à un de ces fameux moteurs de recherche, retrouve la trace de l'homme qui, jadis, lui a fait battre platoniquement le coeur.

Commence alors une correspondance entre eux deux. Mais le lecteur n'a droit qu'aux lettres de l'homme qui a subi de l'âge, entre temps, l'irréparable outrage.

Ses lettres ne sont pas reproduites en caractères d'imprimerie, comme le reste du texte, mais dans une nouvelle graphie, i.e. une belle écriture, bien humaine.

Cette femme et cet homme ont vécu éloignés dans le temps. Ils le sont encore dans l'espace puisqu'elle demeure encore à Lausanne et que lui est soigné en Styrie.

Qu'à cela ne tienne, la femme, qui, c'est connu, est plus courageuse que l'homme, franchit à plusieurs reprises la grande distance qui les séparent pour le rejoindre.

L'homme écrit des lettres manuscrites, la femme, en italiques, de brefs commentaires ou des poèmes courts, comme les affectionne Jo(sette), l'auteure de haïkus.

Le récit révèle bien des différences entre cette femme et cet homme. Elle prend plus de risques que lui, mais elle n'a pas autant d'attaches familiales que lui.

Qu'en sera-t-il de leurs retrouvailles? C'est bien sûr au lecteur de le découvrir. Quel que soit son âge, il n'aura pas de mal à le deviner s'il en a fait l'expérience.

Et puis, s'il aime les mots, il sera servi et comprendra ce que veut dire l'auteure en conclusion de ce fragment amoureux, singulier, i.e. intemporel et universel:

Ah l'amour des mots
puisse-t-il m'accompagner
jusqu'au bout du jour.

Francis Richard

Jusqu'au bout du jour, Jo(sette) Pellet, 80 pages, Éditions des Sables

Livres précédemment chroniqués:

Syrie - Les hirondelles crient, 76 pages, Éditions Unicité (2013)

Mékong mon amour, 96 pages, Samizdat (2014)

Voir la chronique en ligne : www.francisrichard.net/2024/06/jusqu-au-bout-du-jour-de-jo-sette-pellet.html


«Jusqu’au bout du jour», Jo(sette) Pellet - Association Bon pour la tête, 26 avril 2024  

Quelle mouche a donc piqué Jo(sette) Pellet de vouloir reprendre contact, cinquante ans plus tard, avec l’amour de ses quinze ans? Un amour platonique qui a couvé pendant un demi-siècle et qu’une recherche sur la toile suffira à raviver. Mais peut-on vraiment reprendre l’histoire où on l’avait laissée en faisant fi du temps qui nous façonne, chacun à sa manière? Tel est le questionnement qu’explore cette autrice vaudoise dans son haïbun, subtil mélange de prose, de haïkus et de tankas, tout frais paru aux éditions des Sables sous le titre Jusqu’au bout du jour. Un petit livre qui, comme le relève la préfacière, réussit l’exploit de conjuguer suspens et poésie. La rencontre va bien avoir lieu, entre deux seniors qui ont gardé intacte, au fond d’eux, la passion de leur adolescence, mais acquis la lucidité et le recul propres à leur âge. Et la conscience aiguë que leur relation n’est que fantasme et projection. Car en dépit d’une familiarité évidente, ils ne savent rien l’un de l’autre. Et c’est peut-être sur eux-mêmes et sur la condition humaine qu’ils ont tant à apprendre à se revoir.

Sabine Dormond


“Mélanie” de Rafael Gunti, interview sur Canal 9, 21 avril 2024

L’interview de Rafael Gunti.
L’auteur de  “Mélanie”.
Des scènes de la vie de tous les jours.
Un recueil mordant et touchant à la fois.


Prendre la plume pour lutter contre le temps - Entretien avec Vincent Gilloz - Riviera Chablais Hebdo, N° 146 | du 20 au 26 mars 2024

Littérature

Après «L’écorce du réverbère», un premier roman qui éclate la frontière entre roman et poésie, Vincent Gilloz publie «Chronomètres», son premier recueil de poèmes.

Noémie Desarzens
ndesarzens@riviera-chablais.ch

“Une fois que l’on accepte notre impuissance face au temps, nous pouvons en faire un allié”
Vincent Gilloz, poète

«Comme papa de deux enfants en bas âge, la question du temps libre est prépondérante!» Non sans humour, la poésie de Vincent Gilloz scrute la marche inexorable du temps. Une réalité qui peut à la fois être teintée d’angoisse et porteuse d’espoirs. Comme un défi, le poète tente de saisir, grâce au langage, cette dimension de la condition humaine.

«Ce que je tente d’articuler dans ce recueil, c’est un certain paradoxe contemporain. À savoir un tiraillement entre une accélération globale et un désir de ralentissement.» Avec «Chronomètres», le poète veveysan versifie notre rapport au temps, une façon de le «mesurer» poétiquement. Ou de s’y soustraire.

Accéder à une autre temporalité

Dans un monde qui va toujours plus vite, l’espace pour l’oisiveté se fait rare. Précieuse pour son potentiel revitalisant, elle est trop souvent grignotée par le divertissement. «Nous sommes tout le temps sollicités, nous n’avons même plus l’occasion de nous ennuyer. Or le divertissement est aussi une échappatoire, qui évite de nous confronter à la condition humaine et au sens de l’existence», souligne ce poète, professeur de philosophie au gymnase de Chamblandes à Pully.

L’écriture comme générateur de sens, c’est ainsi que la vit Vincent Gilloz. Le Veveysan parvient à lui faire de la place dans un quotidien millimétré entre enseignement et parentalité. L’instant présent, il sait l’importance de le choyer. Une pause entre les cours ou un trajet en train: des moments de grâce pour tenter de saisir le temps qui passe. Recourir à la poésie lui permet de se soustraire au monde pour mieux l’observer.

«L’art de trouver les bons mots, c’est se plonger dans un état d’attention intense. Cela me force à faire une pause», analyse le poète. Si le temps est immaîtrisable, et donc potentiellement source d’inquiétude, il est aussi une possibilité d’accéder à une forme de plénitude. «Une fois que l’on accepte notre impuissance

face au temps, nous pouvons en faire un allié, poursuit Vincent Gilloz. Je crois à la répétition de gestes vertueux, capables d’infléchir certaines trajectoires. C’est une perspective lumineuse.» À l’image de petites attentions qui prennent soin des relations et qui se révèlent déterminantes au fil du temps. «Comme de petits effets papillons, il ne faut pas sous-estimer la puissance des actions a priori banales.»

Lien entre l’intime et l’universel

Séparé en trois parties – «Tenter», «Bégayer» et «Embrasser», «Chronomètres» nous emmène de la hargne à la réconciliation. Un mouvement virevoltant pour nous élargir le regard et accéder à une autre temporalité, celle de l’existence. «Le temps, c’est aussi un éternel recommencement, ce qui est fascinant! C’est une chance de pouvoir apprendre et d’avoir du recul sur soi.»

Conçu comme un long dia- logue, les poèmes de ce recueil se répondent et se contredisent. À l’image d’un puzzle, ce dernier prend tout son sens lorsque les différentes pièces s’assemblent.

«Je l’ai écrit à l’image de mes réflexions, c’est-à-dire ponctuées d’actions et d’images qui a priori semblent décousues. Mais une fois mises bout à bout, elles esquissent l’insaisissable. Cette impossibilité est réconfortante, car elle permet de lâcher prise sur ce qui ne nous appartient pas.»

Dans ce recueil, l’écrivain aime dire qu’il a mis sur papier une introspection en résonance avec son époque. «L’écriture me force à aiguiser mon attention sur moi- même et sur les autres. J’espère donc que mes réflexions trouveront écho. Dans un style oral et décomplexé, Vincent Gilloz invite à la rêverie. Et à sortir de la prison du présent.

Vincent Gilloz est l’un des poètes conviés au gala du Printemps de la poésie (14 au 28 mars). Il sera le jeudi 21 mars au Castillo de Vevey.


Ecrire montre en main, Vincent Gilloz, La Liberté, mars 2024


Chronomètres, de Vincent Gilloz - RTS Culture /qwertz


Le monde moderne par Rafael Gunti - Journal de Sierre, 1 mars 2024


Interview de Rafael Gunti sur son livre Mélanie


Eros et Thanatos s’invitent dans une yourte aux Bains, TDG, 08 jan. 2024

Portrait de l’éditrice Huguette Junod, qui adore les réunions où les amateurs de littérature se rencontrent.

Par  René Magnenat

Connaissant bien Huguette Junod, au lieu de prendre rendez-vous pour l’interviewer de manière classique, je me suis dit que le meilleur moyen d’en apprendre un peu plus à son sujet serait de la suivre dans ses diverses activités et de lui poser mine de rien, quelques questions plus ou moins indiscrètes.

En juin dernier, Huguette a fêté en grande pompe ses quatre-vingts ans. Trop content d’être invité à sa Soirée grecque, je me suis imaginé à tort que ça allait être la bonne occasion de lui poser quelques questions, afin qu’elle me raconte quelques péripéties pas ou peu connues de ses belles années ! Mais il y avait grand Dieu, tant de petits et d’immenses dieux de la mythologie et de magnifiques déesses apprêtées avec goût, que l’encore jeune Huguette avait bien sûr d’autres belles rencontres à faire parmi la centaine de fans costumés présents.

Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, je me suis résolu à me lever de bon matin pour me rendre aux Aubes musicales des Bains des Pâquis, Là, me suis-je dit, dès la fin de l’aubade, je pourrai lancer mon plan en lui glissant, mine de rien, quelques mots poétiques. Mais je me suis pris un lapin car la belle dame, la bouche pleine de confiture et de confidences adressées à ses admirateurs et admiratrices, n’avait de cesse de tournicoter ses bras et ustensiles pour éloigner les guêpes aguichées par les douceurs du petit déj’. L’aube passée, il se mit à faire trop chaud, il me fallait regagner mes pénates. J’essaierai un autre jour, peut-être sous un petit coin de parapluie ?

Pas peureuse pour un sou, la dame se rend en ville à scooter ; la voiture est trop encombrante, les parkings hors de prix, et les transports publics sont souvent mal famés et mal aérés. Ben voilà la solution : je vais la suivre incognito et lorsqu’elle ôtera son casque, je me ferai tout mignon pour l’inviter à boire un café au Grütli ou à la Cave Valaisanne. Pas possible, elle a rendez-vous au Musée Rath avec sa cousine Yolande. Je vais me consoler en observant les joueurs d’échecs à l’entrée du parc des Bastions. C’est vrai, après tout, la peinture n’est pas ma priorité.

Ne voulant pas renoncer à mon projet, j’ai songé que bientôt les répétitions générales de l’OSR au Victoria Hall allaient reprendre. A l’entracte, nous avons coutume de déguster un expresso, accoudés à une petite table devant le bar. Ben voilà, c’est là que je pourrai lancer la discussion en évoquant quelques souvenirs du temps de ses ateliers d’écriture. J’ai déjà essayé ce procédé pour provoquer des confidences, mais je m’étais fait mettre sur la touche car à ce moment précis arrivait à notre table l’inimitable Henri Mégroz, l’homme qui connaît tout de la musique et qu’Huguette, persuasive comme elle l’est, s’ingénie à lui faire dire tout, tout , tout ce qu’il connaît des auteurs, solistes, chef d’orchestre et morceaux du concert.

Un an sans succès

En mai 2022 déjà, j’avais tenté ma chance lors des journées littéraires de Soleure. Trois jours à se côtoyer, à bavarder, à déguster des Spritz ou des Hugo en compagnie d’écrivains d’ici et d’ailleurs, à avaler des repas gourmands et copieux, à admirer les beautés de cette ville où autrefois les bateliers de l’Aar arrivaient éméchés, à écouter les conférenciers de tout poil justifier par leurs bons mots leur présence en ce lieu saint.

    «Il n’y a qu’à la lire, la laisser parler, parler d’elle surtout,
parler des femmes principalement.»
René Magnenat

Aujourd’hui, je deviens raisonnable. À quoi bon vouloir rédiger moi-même et moins bien qu’elle ne le ferait ce qui a maintes fois été écrit par cette femme de plume? Il n’y a qu’à la lire, la laisser parler, parler d’elle, parler des femmes principalement. Et quelle meilleure source pour obtenir des réponses sincères que l’opuscule qu’elle vient de publier aux Éditions des Sables: «Autoportraits» dans lequel elle se raconte et mentionne ses rencontres et les principales personnes qui ont eu une influence sur ses œuvres et son vécu?

L’été le plus chaud est passé non sans de gros problèmes. Ainsi, en regagnant ses pénates à scooter après un spectacle mémorable, Huguette n’a pu éviter la bordure d’un trottoir et est tombée lourdement. Elle s’est fracassé la tête contre le bitume. Le scooter hors d’usage a été remboursé par l’assurance mais la tête a été cabossée, et nous voilà avec une nouvelle Fée Carabosse dans les environs! La tête remise en place, elle a ensuite enduré des hématomes internes aux hanches et aux chevilles qui ont nécessité des soins hospitaliers douloureux et difficiles à supporter pour une personne aussi active. Manière de résumer son accident, Huguette a fait part à ses amis, amies, admirateurs et admiratrices que « Tout le monde : policier, ambulanciers, médecins, infirmiers s’est exclamé: «Madame, vous faites encore du scooter à 80 ans!!! … Il est grand temps d’arrêter. »

Heureusement, un automne très humide permet à Huguette de bien digérer son abandon forcé du scooter.

Tombée en amour avec la Grèce il y a bien longtemps, Huguette Junod a beaucoup écrit sur et autour des héros de ce pays. Elle y effectue d’ailleurs chaque année un séjour de quelques semaines pour se replonger dans son passé récent et celui plus ancien des héros et héroïnes mythologiques. Enseignante de métier, Huguette est passionnée d’écriture, aussi participe-t-elle, en 1984, à un marathon de plume et rédige-t-elle le récit de cette expérience marquante qui lui a permis d’écrire «des choses» qu’elle n’aurait jamais osé écrire dans d’autres circonstances. «Ceci n’est pas un livre» obtient le Prix des Écrivains Genevois 1986, que les maisons d’édition sollicitées refusent de publier. Huguette décide alors de créer les Éditions des Sables pour sortir son premier ouvrage de prose. En trente-cinq ans une centaine d’auteurs ont été publiés. Deux livres sur trois sont des recueils de poèmes.

Adorant les réunions où les amateurs de littérature se rencontrent, Huguette est de tous les salons et ne rate pas une occasion de faire connaître ses œuvres et celles de ses auteurs. Les lectures bisannuelles au cimetière des Rois sont devenues célèbres et voilà que le samedi 16 décembre dernier, invitées pas les Bains de Pâquis, les Éditions des Sables ont présenté un sympathique récital de poèmes sur les thèmes de l’amour et de la mort lus par sept de ses auteurs et autrices. Une yourte pleine et bien chaude malgré une bise perçante a pu apprécier des poèmes bien construits et lus avec conviction, avec amour? Un excellent moment de culture et un apéro rafraîchissant ont enchanté le public.

Et sachez que lors de cette chouette réunion, Huguette a dit un peu tout ce que je désirais lui demander. Tout, tout, tout, vous saurez tout sur… la poésie!
Vous souhaitez partager des informations sur votre ville, votre quartier?

René Magnenat est reporter de quartier pour Signé Genève. Enseignant retraité. Marié, trois filles adultes, il pratique la randonnée, l'écriture, mais à cause du Covid 19, il se languit du chant et du théâtre.

Voir l'article dans la Tribune de Genève :  www.tdg.ch/figures-genevoises-eros-et-thanatos-dans-une-yourte-aux-bains-696951188868


"À plusieurs voix", de Concetta Maria Gorgone Castiglione -La Notizia di Ginevra, Décembre 2023

Un libro al mese: Anteprima letteraria di scrittori italiani "À plusieurs voix", di Concetta Maria Gorgone Castiglione

Questa recensione parla del libro "À plusieurs voix", scritto in lingua francese da un'autrice nata a Ginevra.

Quest'ultima affronta una serie di domande personali, in particolare su come raccontare la sua infanzia e adolescenza in Sicilia e quali voci risuonino nella sua mente quando si avvicina ai momenti intensi vissuti in questo luogo. L'autrice risponde a queste domande attraverso uno stile epistolare che dà voce alle donne della sua famiglia, mettendo al centro la figura materna "moderna" che si è emancipata dalle regole patriarcali degli anni '50.

La madre, oggetto centrale del racconto, non solo ha lasciato la Sicilia per andare col marito in Svizzera ma ha anche intrapreso un viaggio interiore significativo. Il libro tratta del viaggio nella memoria dell'autrice, che diventa anche un viaggio nella memoria della madre e stabilisce una conversazione tra donne.

Un elemento interessante menzionato è la difficoltà che l'autrice ha affrontato nella scelta della lingua in cui scrivere il libro. Ha considerato sia l'italiano che il francese ma alla fine ha optato per il greco moderno, una lingua che studia da parecchi anni, anche per ottenere una maggiore distanza emotiva. L'autrice ha poi tradotto il testo dal greco al francese, dando vita a queste lettere che rappresentano un modo di viaggiare e raccontare a livello linguistico. L'autrice ha descritto questa esperienza come euforica e intensa.

Il libro è disponibile presso la Librairie du Boulevard e la libreria La Dispersion (Mamco) e può essere ordìnato sul sito internet delle Editions des Sables.


Philippe Bonvin, Lettres d’hivernage numéro 2

Dans ces Lettres d’hivernage, nous avons choisi de réunir les voix qui nous veillent, celles qui s’assemblent pour bâtir des oasis, non pour rendre ce désert simplement habitable et nous y habituer comme le craindrait à juste titre Arendt, mais au contraire, essayer sans relâche d’en circonscrire l’avancée. Ce recueil de poésie s’inscrit dans le sillage de la Charte du Verstohlen avec Cynthia Fleury et Antoine Fenoglio pour penser des lisières, définir « Ce qui ne peut nous être volé. »

Comme le souligne Cécile Oumhani : La terre est notre maison à tous

Trois poèmes de Philippe Bonvin sont publiés dans ce numéro.


Lecture de Tes fleuves sont la mer, recueil de poèmes de Michèle Makki - Maison des arts du Grütli, Genève - 31 mai 2023

Les Éditions des Sables sont heureuses de vous inviter à la découverte de Tes fleuves sont la mer, recueil de poèmes de Michèle Makki

le mercredi 31 mai 2023 à 18h15

à la Maison des arts du Grütli

16, rue Général-Dufour, 1204 Genève

Lecture par l’auteure, accompagnement musical de Claude Prélo.

Entrée libre, vente du recueil sur place.

Nous nous réjouissons de vous y accueillir.

Michèle Makki, Huguette Junod et les Éditions des Sables


PHILIPPE BONVIN : HAÏKUS DU CONFINEMENT, Ou’tam’si Mag 

Philippe Bonvin : «À l’annonce du confinement, sachant que la période qui s’ouvrait serait inédite et particulière, j’ai décidé de tenir un journal intime poétique. Le journal intime permet de retranscrire sur le papier, sans aucune retenue ni censure, ses états d’esprit. Il offre également un espace d’introspection»
Le nouveau recueil de Philippe Bonvin nous plonge au cœur du confinement et nous projette vers l’avenir.

Haïkus du confinement fait référence à la Covid-19, au délitement du lien social, au vide, mais aussi à l’après-confinement. Pourquoi avoir choisi cette thématique ? Pourquoi avoir choisi le haïku pour dire cette expérience ?

À l’annonce du confinement, sachant que la période qui s’ouvrait serait inédite et particulière, j’ai décidé de tenir un journal intime poétique. Le journal intime permet de retranscrire sur le papier, sans aucune retenue ni censure, ses états d’esprit. Il offre également un espace d’introspection.

La forme brève du haïku qui, en quelques mots, va à l’essentiel m’est apparue comme un excellent moyen de transcrire cette période d’enfermement involontaire, de repli du monde, mais aussi mes pensées, mes peurs ou mes attentes.

Quant aux références qui apparaissent (au délitement du lien social, au vide, à l’après-confinement), ces thèmes ont surgi d’eux-mêmes, au fil des jours et du travail d’écriture, mon but étant de montrer mon quotidien et l’impact du confinement sur mes pensées, mon quotidien.

J’imagine que la Covid-19 ou plutôt le confinement a été ta plus grande source d’inspiration dans la rédaction de ce recueil. Alors, quel en a été le processus d’écriture ? Y avait-il des moments de doute ou de peur ?

L’écriture est un acte solitaire qui, dans son processus de création (que je distingue du travail de correction), me permet de m’évader et de poser mon regard ou ma perception du monde sur le papier (mon précédent recueil poétique intitulé Rwanda se concentre sur la période sombre du génocide).

Quotidiennement, dans une sorte de gymnastique intellectuelle, mais aussi de jeu, j’écrivais quelques mots ou phrases, construisant des haïkus. M’installer à mon bureau, au calme, me permettait, malgré l’enfermement du confinement, de rester en lien avec le monde extérieur et les préoccupations liées à la Covid-19. Ces moments d’écriture, entre la page blanche et moi, sont vite devenus des instants particuliers, salvateurs.

J’ai vécu la période du confinement comme une succession de doutes, de peurs, de questionnements face à cette pandémie et à la situation sanitaire mondiale. Les informations provenant des médias résonnaient en moi de manière anxiogène, avec par exemple le décompte quotidien des personnes infectées, hospitalisées ou malheureusement décédées. Toutes ces informations tournant en boucle m’agressaient de plus en plus. L’écriture me permettait de prendre de la distance face aux flots d’informations relayés par les journalistes et les nombreux spécialistes qui dressaient un tableau bien sombre dont je désirais m’échapper.

En tant que poète, comment t’es-tu imaginé l’après-confinement ? Il me semble que ce recueil est venu au bout de quelque chose ; tu as utilisé le haïku pour faire le tour de l’humain en contexte de réclusion forcée,

Plongé dans cette période de confinement, presque à bout de souffle, en apnée, j’ai eu beaucoup de peine à imaginer l’après-confinement. Le plus important était de pouvoir sortir de cette réclusion forcée (je parle de prisonnier dans un haïku) afin de retrouver une vie « normale » et des libertés.

Voyant la nature reprendre ses droits, des dauphins nager dans le port de Venise, la qualité de l’air s’améliorer, pour ne prendre que quelques exemples, j’ai espéré une prise de conscience globale et forte, permettant à chacun de se positionner différemment face à son rapport à la consommation, aux ressources naturelles que nous pillons et à une fuite en avant dont la vitesse ne cesse de s’accroitre. Mais je dois avouer que je me suis trompé.

Proche de chez moi, de nombreuses initiatives de maraîchers ou de cultivateurs ont proposé la confection de paniers, livrés à domicile, afin de créer des circuits courts entre les producteurs et les consommateurs. De nombreuses personnes ont été séduites par ces initiatives, rapidement oubliées à la fin du confinement, reprenant le chemin des grandes surfaces qui n’offrent pas toujours la traçabilité de l’origine des denrées.

Sans développer une vision idyllique de l’après-confinement, j’ai espéré un changement profond de la société qui ne s’est malheureusement pas réalisé. Je crois, par contre, que chacun a eu un plaisir intense à retrouver un lien social, physique et direct et non pas par écrans interposés, à vivre ensemble des émotions particulières, dans des salles de concert ou de théâtre, mais aussi simplement dans les restaurants ou les bars. J’espère que la société occidentale est devenue un peu moins individualiste.

En quoi l’écriture peut-elle être un catalyseur des relations humaines, à la reconstruction de soi et au développement des possibles ?

L’écriture permet à l’écrivain de plonger en lui-même, sans retenue ni tabou, d’autant plus dans le cadre d’un journal intime ou d’un travail poétique, abordant toutes les facettes de sa personnalité, de la lumière ou l’obscurité, et du monde qui l’entoure. J’ai abordé cette plongée comme une chance de retranscrire mes états d’esprit dans cette situation de confinement qui poussait chacun dans ses retranchements.

En réfléchissant au monde qui l’entoure, en acceptant de dévoiler ses états d’âme et en dévoilant une forme d’intimité, l’écrivain propose une réflexion sur lui-même, mais aussi sur les autres, sur chacun d’entre nous, ouvrant ainsi, obligatoirement, des perspectives qui ne seraient peut-être pas apparues sans ce contexte.

Outre ce processus d’écriture, lorsque le livre physique paraît, cette réflexion qui peut sembler nombriliste pour certains éclate au monde. La perception de l’écrivain se confronte aux pensées des lecteurs dans un échange qui permet à chacun d’évoluer, de progresser dans ses recherches personnelles. Le travail solitaire devient partage.

Comment as-tu découvert le haïku ?

Il y a déjà longtemps, je me suis intéressé à la littérature japonaise (Mishima, Taniguchi, Kawabata, Ogawa, Shimazaki, …) découvrant, avec plaisir, une manière différente d’écrire, d’aborder le monde, mais surtout de décrire les sentiments. C’est dans ce prolongement que je me suis plongé dans la lecture de haïkus de Basho, Buson, Issa ou Takuboku que j’apprécie particulièrement et dont les écrits sont au centre d’un de mes manuscrits « Fumées ».

J’ai immédiatement été séduit par cette forme brève, très codifiée tant du point de vue métrique que des thématiques abordées (les saisons par exemple). Mais avant cet ouvrage, je ne m’étais jamais vraiment essayé à cette forme poétique.

Lorsqu’on parle de poésie, on a souvent tendance à penser à la rêverie, à l’émotionnel, au sentiment… Bref, parfois les poètes sont traités de personnes hors du réel. Quel est ton rapport à la poésie ? Pourquoi, selon toi, les gens ont-ils des préjugés sur la poésie ?

Je crois que de nombreux lecteurs se font une idée fausse de la poésie, probablement liée à des souvenirs d’enfance, l’obligation d’apprendre par cœur des strophes et à les réciter. De plus la poésie garde l’image d’un genre littéraire particulier, réservé à quelques initiés, alors que pour moi elle est partout. Pour preuve l’intérêt grandissant pour la scène slam qui attire beaucoup les jeunes. Les programmes scolaires n’incluent encore que très peu de poétesses ou poètes contemporains, même si j’ai découvert, il y a quelques semaines, que l’ouvrage « Mes forêts » d’Hélène Dorion serait enseigné, dès l’année prochaine, aux bacheliers français.

D’un point de vue personnel, même si j’ai toujours autant de plaisir à découvrir de nouveaux romans, je lis de plus en plus de poésie, du monde entier, subjugué par cette forme d’écriture que je compare à une flèche qui, en peu de mots, aborde l’intime et l’invisible, le quotidien et l’universel.

La poésie, c’est un peu cette réalité à la fois temporelle, intemporelle et atemporelle. En quoi le confinement peut-il être considéré comme un marqueur temporel qui a porté le temps et détourné le monde de sa vie habituelle ? Qu’a-t-il (confinement) proposé à l’humanité ?

À l’annonce du confinement, chaque individu savait, sans en connaître la durée exacte, que cette période serait transitoire et se terminerait. Mais cet enfermement involontaire, plus ou moins strict selon les pays, avec la peur d’une contamination qui pouvait devenir synonyme de mort, a obligé les différentes populations à couper les liens sociaux habituels et se retrancher derrière un écran pour télétravailler ou échanger avec ses proches, certains organisant même des apéros zoom!

A Genève, des frontières entre la Suisse et la France, pourtant traversées quotidiennement par des dizaines de milliers de personnes, étaient fermées par des blocs de béton, comme si nous étions en guerre, séparant des amis, des familles. Un tel événement ne peut donc qu’être historique, un marqueur temporel dont chacun se souviendra.

La fermeture de tous les lieux de rassemblement couplé aux frontières et aux couvre-feux ont poussé la population à vivre dans un périmètre qui s’est soudainement contracté permettant à certains de découvrir ou redécouvrir une vie différente, plus simple, sans artifices, proche de la nature et des saisons.

C’est cette sorte de parenthèse, de respiration que j’ai voulu retranscrire en mots pour en garder une trace.

Tu emploies souvent le terme de « silence » dans le recueil. Peut-on le définir en partant de ta posture ?

Il n’y a pas le silence, mais des silences. Musicien de formation, je suis très sensible aux silences entre les notes, les accords ou phrases musicales, car ils sont le fondement de la musique.

Je perçois le silence comme une respiration, un temps de réflexion entre l’énoncé de phrases, mais également entre des personnes propice à des échanges différents, d’une autre densité. Le silence permet un retour à son intériorité, à l’intime, à l’essentiel.

Dans mon travail d’écriture, j’ai remarqué, depuis des années, que j’ai de plus en plus besoin d’un environnement calme, sans musique ni éclats de voix, pour écrire. Et j’ai la chance, à mon bureau, de pouvoir ouvrir les fenêtres et entendre les oiseux, laissant entrer juste ce qu’il faut de vie pour que mon esprit soit en éveil.

Le dernier haïku du recueil est-il un appel à l’espoir ?

Fenêtres ouvertes
Des plantes dansent
Dans le reflet de la vitre

Sans respecter la métrique stricte des haïkus, j’ai voulu garder l’essence thématique de la nature (qui était par ailleurs au centre de mon quotidien et de mes pensées). Ce haïku, qui ferme ce recueil, est évidemment un appel à l’espoir. Mais j’ai remarqué, en parcourant mon livre pour cette interview, que tous les haïkus qui parlent de la nature sont porteurs d’espoir, d’un certain apaisement, parfois même méditatif.

Face à cette période trouble qui exacerbait les peurs et une certaine obscurité, j’ai ressenti le besoin, pour rompre cet enfermement, d’ouvrir grand les fenêtres pour laisser entrer cette nature, printanière, pleine de vie. Alors que les hommes étaient cloîtrés chez eux, dans un environnement confiné, la nature, elle, vivait sa perpétuelle renaissance printanière. Cette thématique s’est donc imposée d’elle-même et je souhaitais qu’elle clôture ce recueil.

Quel idéal peut-on se donner après le confinement ?

Je ne suis pas d’un caractère optimiste et malheureusement les changements sociétaux que j’avais envisagés ne se sont pas produits.

Néanmoins, si chacun d’entre nous parvenait à garder en mémoire les questions et les doutes qui sont apparus durant cette période et y revenir régulièrement, cela permettrait de ne pas oublier à quel point la liberté est importante. Liberté de mouvement, de pensée et d’écriture.

Merci Philippe !

Merci à toi, ma chère Nathasha Pemba.

Article en ligne : outamsimagazine.com/2023/05/08/philippe-bonvin-haikus-du-confinement/

De la postichité des fleurs, de Thibaud Mettraux - Revue Archipel, avril 2023

L’amour et l’amer

Archipel · 10 avril 2023

Le pédantisme excentrique du titre connote bien des choses : une rareté sophistiquée, mais d’une sophistication si guindée qu’elle doit être la trouvaille d’un espiègle dandy, résolu à jouer, dès le seuil, avec son lecteur, c’est-à-dire à en faire sa dupe en même temps que le compagnon de sa musette. Mais, dans cet alliage sémantique hétéroclite qu’est le titre, c’est aussi – je crois – une singularité qui s’annonce, un nom qui surgit dans le champ poétique.

Peut-être faut-il préciser d’emblée que le premier recueil de Thibaud Mettraux s’adresse avant tout aux amis de la forme : il faut, pour entrer dans cette œuvre, aimer les audaces de la rime et les libertés du vers tantôt bien fait, tantôt défait, parfois encore plaisamment malmené ; il faut peut-être aussi avoir fréquenté l’histoire de la poésie – et particulièrement ses inflorescences modernes (Rimbaud, Verlaine, Mallarmé, etc.) – pour appréhender le positionnement poétique qui se dessine au fil des pages ; il faut, enfin, apprécier les cryptages, les suggestions du mi-dire, les amphibologies, ces soustractions de sens ne recouvrant ni ne découvrant au final rien que « le scandale de la trivialité » (7) : la vie, le sexe, l’amour.

Mais si l’on saisit bien des choses, le je lyrique restera, mieux que Protée peut-être, insaisissable. Le sujet lyrique est à la fois enfantin et roublard, cruel et tendre, cauteleux et candide, poissard et précieux. « Comptine » (16-17) exprime bien cet ensemble de dualités ; le poème y devient miroir des ambivalences du sujet qui exhibe ses masques et sa duplicité mélancolique. Mais le caractère équivoque du sujet lyrique est aussi psycho-sexuelle (voir « Lendemains », 37) et renvoie à la bifidité d’une voix qui oscille entre l’énonciation masculine et féminine, mais aussi d’un désir, entre l’homme et la femme, entre le père « qui ne fait pas la sourde oreille » (exergue) et la nausée du mal de mère à la dernière page (61), à la dernière ligne. Insaisissable, l’instance d’énonciation l’est aussi parce que, dès la « Préface » (12-13), elle retire toute justification à l’acte poétique, celui-ci étant réduit au rang de bibelot métaphysique réservé à l’enfance et à ses émerveillements exaspérants. En d’autres termes, la raison du poème n’est jamais qu’un puéril prétexte et se situe, pour cette raison, en-deçà de l’intensité poétique, inégalable. Toute possibilité de transcendance se voit congédiée parce qu’irrévocablement « tiède » (13). 

C’est que les fleurs, n’est-ce pas, sont postiches : elles sont faites et ajoutées après coup, artificielles apparences que la virtuosité seule anime ; elles sont feintes aussi, affectées et parfois mensongères ; mais surtout, elles remplacent, comme une fausse barbe, quelque chose qui fait défaut, qui peut-être fit défection. Le poème est une forgerie tracée par le manque, un clin d’œil ironique à l’équivoque, un dégrisement encore gris, encore ivre. Mais si la recherche des intensités demeure, si le sujet lyrique repousse « la vie sans heurts », il reste pourtant, à la chute de « Entre le cloître le verger » (22) comme une faille de dérision : « Seule une fleur qui ne s’inquiète / Vole au vent », le mouvement insoucieux et ascendant rappelant aussi la gastronomie des cantines d’école : présence infime de la régression et du mauvais goût ?

L’ivresse n’est pas seulement lyrique et les alcools ne sont pas juste des poèmes : récits elliptiques de biture, confessions d’un « golden-boy en chevalière » (35) ; confidence et gueule de bois de celui qui n’a « jamais été du lendemain » (23). La progression brisée du vers (en italique) dans « Des crépuscules » signale, par le retour brutal à la prose (en romain), l’horizon pulsionnel autodestructeur des soirées qui s’achèvent, au matin, quand le je finit par « s’écrouler sur le bitume au-devant du magasin qui borde votre allée » (38). C’est que si la sensualité déliée du sexe est fort présente sous forme d’ « Invite » (18) ou d’« Alternative » (49) peu glorieuse, l’amour et le chagrin qui va avec ne sont jamais bien loin. 

L’amour apparaît comme le noyau du recueil. Il irradie, plein et chaud comme la plage sur « la baie de Bahia » (46), comme le corps de l’aimée, comme « le bracelet du mois d’août » (46), symbole naïf du lien et du deux qu’il noue dans l’extase. Il donne aussi sa structure chiasmatique au recueil, les répliques échangées par « L’Autre » (14 et 55) et « L’Un » (15 et 56) se situant en ouverture, puis en fermeture de l’œuvre. Ce chiasme figure le début et la fin d’une relation ; il enferme ou sertit le souvenir si cher, maudit et médite la rupture dont, le plus souvent, il désespère – par exemple dans « Convert » : « Il n’est depuis toi plus / Que d’équilibre idoine / Et moi que l’on connut / Pitre je vis en moine » (57). À bien y réfléchir, la séparation est figurée d’emblée sur le blanc qui séparent les pages : il n’y a pas de « et » entre l’un et l’autre, entre les deux amants. Bientôt, c’est donc l’« Adieu » (60) qui clôt presque le recueil et cicatrise la plaie en achevant « l’état des lieux » (60). 

Insaisissable, je l’ai dit : on devine, on subodore, on flaire dans les labyrinthes et les recoins de l’œuvre ouverte, on fleure les parfums dans les allées du jardin clair. On assiste au scandale ordinaire du drame amoureux, on s’égare dans les « déserts / Abreuvés et nomades » (61). Singulier, je l’ai dit : par ces raffinements de fausset ; par la virtuose artificialité de cette musique postiche qui n’atteint rien, sans doute, que l’expression du manque ; par le refus ironique, enfin, opposé à toute patrimonialisation symbolique (« Pastorale, 19-21), à toute immobilisation du vers. L’écriture n’est alors peut-être rien que la dérive enivrante de la forme, ce recueil le témoignage fragmentaire des possibilités infinies qu’elle ouvre.

Vivien Poltier


Pier Paolo Corciulo interviewé par le Club du Livre pour ses livres « Entre-peaux » et « Le cri des mouettes »

 

Benjamin Jichlinski, de la poésie au cimetière - Le Journal de Pully, mars 2023

C'est un parcours un peu atypique qui a mené Benjamin Jichlinski à travailler au cimetière de Pully. Après son gymnase, il commence des études universitaires (en Droit, puis Lettres), plutôt par tradition
familiale que par réelle envie. Attiré depuis toujours par la nature, il se sent bien vite déconnecté des profils académiques qui l’entourent et décide de se rediriger vers un apprentissage de paysagiste. Un virage un peu compliqué, surtout pour ses parents, admet-il.

Mais c’est une révélation : le métier de paysagiste lui convient parfaitement. Engagé en 2018 par la Ville de Pully, il rejoint l’entité Parcs et Promenades (Direction de l’urbanisme et de l’environnement). Cette équipe (une dizaine de personnes) entretient les espaces verts de la ville (tonte, arrosage, plantation et entretien des arbres et des massifs, aménagement des ronds-points). Elle veille également à la protection de l’ensemble des arbres (procédures d’autorisation d’abattage ou d’élagage).
Une équipe dédiée au cimetière s’occupe de son entretien et des inhumations.
 
C’est là que Benjamin prend rapidement ses marques. Contrairement à ses collègues qui sillonnent la ville, lui apprécie d’être attaché à un lieu, de voir ces petits détails évoluer au gré des saisons. Aussi et surtout, il aime le lien avec les familles, les proches des défuntes et défunts. Car fossoyeur, ce n’est pas que creuser des tombes (du reste, aujourd’hui, ce travail est plutôt celui des pelles mécaniques) ; c’est aussi passer du temps avec les êtres vivants, celles et ceux qui restent, pour les conseiller, les écouter surtout.

Ce rapport quotidien à la mort fait écho à une réflexion qui a toujours accompagné Benjamin, depuis l’adolescence : un intérêt pour l’humain et sa manière de gérer la peur de la mort, de comprendre comment le deuil peut nous faire avancer et savourer la vie.

Depuis l’adolescence aussi, Benjamin écrit de la poésie et des nouvelles. Au gymnase, il aimait provoquer par ses textes, faire réfléchir profs et camarades. Trilingue (français, anglais, espagnol), il se rend vite compte que la forme de la poésie libre est pour lui un bon moyen de décrire rapidement des ressentis, comme des esquisses. Poser les choses par écrit : une évidence pour celui qui se définit lui- même comme plutôt taiseux.

Il publie son premier livre de poésie en 2012 à compte d’auteur, puis les choses s’embrayent : il rejoint l’Association des écrivains vaudois et publie trois autres recueils, aux éditions Soleil Blanc. Beaucoup sont inspirés de son travail au cimetière. Il le dit lui-même : c’est dans le côtoiement de la mort qu’il écrit la vie. Tout récemment, Benjamin vient de prendre la place du chef d’équipe du cimetière, le bien connu et aimé Gilbert Casoni, qui a passé des dizaines d’années au service de la population de Pully avant sa retraire bien méritée en janvier dernier. Benjamin veut-il révolutionner le métier ? Pas du tout. Mais il a un souhait : que la perception du cimetière évolue. Que cet endroit devienne un lieu de promenade, de rendez-vous. Que les arbres que lui et son équipe plantent aujourd’hui offrent, d’ici 10 ans, un vrai espace accueillant pour les passantes et les passants.

Et les projets littéraires ? Une participation en mars au recueil de nouvelles qui va paraître pour le centenaire des Éditions Plaisir de Lire, et, à cette occasion, une participation au Salon du livre de Genève, une ambiance qu’il a déjà vécue quatre fois et qu’il apprécie particulièrement. Et un nouveau livre de poésie, Entre mort, amour et silence, qui sera publié à Genève en 2023 aux Éditions des Sables.

Pour retrouver son actualité et lire ses textes : benjaminjichlinski.com


Espaces, journal de l'AVIVO, 3 mars 2023


INTERVIEW DE HUGUETTE JUNOD, RADIO VOSTOK, ÉMISSION RADIO DU 1 fev. 2023

Que retient-on de 35 ans d’expérience dans l’édition poétique ? Que faisons-nous des doutes promis par l’aventure d’indépendante ?

Pour le savoir, Alexandre s’est entretenu avec Huguette Junod, fondatrice des éditions des Sables. Un entretien durant lequel ils sont revenus sur la profondeur de son catalogue et sur la place qu’occupe la littérature dans son cœur depuis plus de 35 ans.

Le temps d’un entretien saisissez la passion d’une éditrice pour la poésie et découvrez ses deux coups de cœur littéraires en seconde partie d’émission.

Retrouvez le podcast de l’émission

Sur le site de Radiovostok :

Sur l’hébergeur mixcloud (avec possibilité de télécharger le fichier de l’émission en MP3 :


POÉSIE POUR LES ANIMAUX. ENTRETIEN AVEC NICOLAS STEFFEN, SUIVI DE DEUX POÈMES


La Page blanche n° 62 - NICOLAS STEFFEN, AU-DELÀ DE CETTE FRONTIÈRE.

Dans son livre Crépuscule. Notes en Allemagne (1926-1931), Max Horkheimer modélise la société sous la forme d'un gratte-ciel, chaque étage symbolisant la place que l'on occupe dans la structure globale de la domination. Il écrit : "Au-dessous des espaces où les coolies de la terre crèvent par millions, il faudrait encore représenter l'indescriptible, l'inimaginable souffrance des animaux, l'enfer animal dans la société humaine, la sueur, le sang, le désespoir des animaux". Le silence assourdissant de nos sociétés à l'égard du martyr et du meurtre de masse perpétré chaque jour, chaque nuit, contre des milliards d'animaux sentients, s'est brisé depuis quelques années. L'envers de notre prospérité est un innommable charnier. Je n'ai jamais lu ou entendu aucun argument valable éthiquement pour justifier le meurtre d'êtres innocents à la merci de l'arbitraire humain. Face à cette vérité atroce, qui questionne ce que certains appellent notre humanité, le déni et la mauvaise foi se déchaînent sans aucune vergogne. Au-delà des images des lanceurs d'alerte et des arguments des philosophes dignes de ce nom, il est nécessaire de dire ce qui est, sans détourner le regard. Témoigner, en alignant sur les pages les mots les plus justes possibles.

C'est à cette tâche difficile et douloureuse que s'est voué le poète Nicolas Steffen dans son livre Au-delà de cette frontière. Poésie coup-de-poing, aux éditions des Sables (collection "Rose des Sables", 2022). Dire pour témoigner de ce qui est sous les yeux mais n'est pas regardé. "Il y en a plein les autoroutes / Museaux écrasés contre les barreaux / Ils font partie du paysage / (...) On les égorgera demain / Nous allons vers la mer" (la route des vacances, p. 9). D'un enfermement à l'autre, vers la mort – pour les uns. Ouverture vers le grand large, sentiment océanique – pour les autres. Contre cette indifférence fabriquée et entretenue au quotidien, le poète s'adresse à l'animal absent – une "vache de réforme"–, déjà mort (aujourd'hui, p. 13-15). Ou à l'animal blessé mortellement, agonisant sur une route (le sac en plastique, p. 10-12). Le Tu instaure une proximité, un dialogue avec l'autre, qui n'aurait jamais dû être interrompu. Il tente modestement de se mettre à la place, par les mots, de l'être condamné à mort pour des raisons dérisoires : "Il est trois heures du matin / Tu es là / Debout / Présente au monde / – Ils vont devoir en finir avec ça / Je ne sais pas comment c'est possible (...) Et puis ils viendront te chercher. / Tu iras sur tes quatre pattes / Tu iras en boitant / Dans l'étroit couloir / Dans la terreur / L'impossibilité de faire marche arrière / Avec ta tête encore sur ton corps / Tu avanceras sous la contrainte / Tu avanceras seule au monde / Dans le bruit assourdissant des machines / Et ils feront s'écrouler ton corps / Ton corps lourd suspendu à un rail / Ton corps encore vivant qu'ils vont vider de sa vie. / Mais pour l'instant tu respires / Posée sur tes sabots / Pour l'instant tu es grande / Entière / Majestueuse dans la nuit.” (tu respires, p. 21-22). Le poète se met aussi à la place de l'ouvrier d'abattoir, parfois surpris qu'on l'autorise à faire ce qu'il fait : "En ce qui les concerne eux / C'est bon on peut." – anticipant au petit matin, en se levant, ce qu'il va devoir accomplir et endurer au nom de tous : "La terreur des mères et de leurs petits / Le bruit des couteaux des cisailles et des scies." (légal, p. 27-28). Un puissant questionnement éthique parcourt le livre : "Si vraiment on se rend compte de ce qu'on fait. / Est-ce qu'on peut justifier de te tuer (...) Est-ce qu'on peut te découper en morceaux / Te ranger au frigo (...) Si on est présent à soi." (qu'est-ce qu'on a fait de toi, p. 29-30). Ici, on ne peut s'empêcher de penser à Michel Terestchenko, qui, dans son beau et terrible livre Un si fragile vernis d'humanité, nous a rappelé que la présence à soi est la condition de toute vie morale authentique. Les poèmes du recueil interrogent notre spécisme profond, toutes ces valeurs prônées par nos sociétés qui s'effritent dès qu'il s'agit des autres animaux (le socle, p. 31-34, ou les mots, p. 87-88). Il recourt à la fable (notre terre, p. 35-36) pour interroger notre vision anthropocentrée des problèmes écologiques. Il raconte aussi son impuissance. Impuissance devant l'agonie d'un poisson, le rire des pêcheurs, qui se métamorphose en menace dès qu'on leur dit que l'animal se tord de douleur (hulk, p. 40-41). Le courage de la vérité, les grecs anciens le nommaient parrêsia, comme nous l'a rappelé Michel Foucault. Courage face à un humanisme qui n'est que le masque délétère et sordide du suprémacisme humain – voir, par exemple, les poèmes terreur végane (les nouveaux résistants), p. 55-56, ou double peine, p. 57-60, ou encore au-delà de cette frontière (p. 61-62). L'auteur interroge la fausse idée de nature (car issue d'une cosmologie théologisée) comme justification de ce que l'on fait et ne fait pas (prédations, p. 42-46) : "Où il y a la détresse la souffrance et la mort / Il a appris à dire beauté ordre des choses et harmonie". On pense au texte de Nietzsche: Gardons-nous, dans Le gai savoir (livre III, aphorisme 109). Il évoque le "respect" des bouchers pour la viande qu'ils manipulent, qu'il ne faudrait surtout pas abîmer (boucherie, p. 51-51). Il interroge l'inanité du partage entre ceux dont le destin est d'être voués à la tuerie et ceux dont le destin est d'être voués à la compagnie des humains (domestique, p. 52-54). On sent dans les mots du poète vibrer une ironie, presque douce parfois, et désespérée, comme dans le texte dans l'ensemble, p 16-19, où il imagine ce que serait le point de vue animal sur notre monde, tandis que l'horreur serait enfin derrière nous. Ainsi, malgré le désespoir qui innerve le texte, le poète donne une place à des formes possibles de révolte (grève (je fais un rêve), p 75-77, qui prend le point de vue des enfants sur le monde qu'on veut à toute force leur léguer) et d'utopie : "Tuerie industrielle – processus sans fin ; / Nous avons vu ce qui semble ne pas avoir pu appartenir au monde / Ne pas avoir pu vraiment exister / Aujourd'hui / Rien que de prononcer le mot nous semble étrange / Abattoir / Il symbolise à lui seul cette ère / La plus meurtrière qui fut. / Il nous permet / À lui seul / De prendre la mesure de cette espèce d'état de démence / Dans lequel vivaient la quasi-totalité des hommes du passé."(après, p. 84). L'utopie, comme le disait Paul Ricœur, permet de penser sur un mode critique une alternative à ce qui est. Elle est absolument nécessaire. Oui, car sans elle c'est comme si la honte devait nous survivre.

Jean-Michel Maubert

Pour lire le livre de Nicolas Steffen : En Suisse : chez votre libraire préféré ou à commander auprès de la maison d’édition (25 CHF) : https://ed-des-sables.ch/shop.htm

En France, Belgique et Canada (et reste du monde), 15 € : https://www.librairielunetlautre.fr/livre/21884529-au-dela-de-cette-frontiere-nicolas-steffen-editions-des-sables

Voir l'article en ligne : lapageblanche.com/le-depot/index-des-auteur-e-s/6-jean-michel-maubert/note-pour-le-n062-de-lpb-sur-le-livre-de-poemes-de-nicolas-steffen-au-dela-de-cette-frontiere


MÉLANIE RICHOZ, FERNAND LOUIS ALPHONSE - GUÉPARD, Le petit carré jaune, blog littéraire, 2 jan. 2023

 
« Des vagues dans le ventre de l’écume au bord des lèvres ballant mal de mère Violent mal de pierres je ricoche sur le sommeil de mes cauchemars Si la louve déprime qui apprendra au petit la vie en meute »

Dans le creux d'une nuit
Une question de l’enfant
Une maman ne sait pas
Où, trop, tant, quand, comment ?

Mots et néant
Vertige et condition humaine
Colère, tristesse d’un monde qui court à sa perte
Plastique, polyester, pétrole et kérosène

Mais lui
L’enfant
Ce qui l’importe
C’est le guépard

« Maman ! Allez, dis le guépard ne mourra pas à cause du climat ? »

LE GUÉPARD

GRAOU fait l'enfant en montrant quenottes et dents à l encre de chine colorée. GRAOU fait la mère dont les larmes écrites ont le goût salé du Lac Léman. GRAOU, le guépard de l’enfant. GRAOU, les larmes du Léman. L’amour, le cœur du guépard, du hérisson, des jonquilles et des tourterelles des bois. Les tourterelles qui roucoulent, roucoulent au printemps.

Et le Guépard ? GRAOU le guépard.

« Crachons nos pépins pour récolter pommes et poires dans les jardins voisins »
 
Les dessins de Fernand Louis Alphonse. Les mots de Mélanie Richoz en tendre ricochet. Un inclassable d’une poésie haïku, thématique sur l’effondrement de notre planète, l’éco-anxiété, l’extinction des animaux et la beauté terrestre. Entre colère et tristesse, vérité assénée et résistance, une petite tendresse enveloppante comme seule sait le faire Mélanie Richoz. Des mots qui interpellent, bousculent, nous prennent ça blesse, perturbent et nous donnent à réfléchir, prendre acte de notre éco-monstruosité. L’arche coule. Fernand Louis Alphonse tente de son tendre, malicieux, fragile dessin encré, de la restituer. Acrobatie poétique. Acrobatie à la patte de mouche surchauffée. Acrobatie de l’amour dont seuls les enfants savent dessiner.

Le monde peut s’effondrer Fernand Louis Alphonse et Mélanie Richoz ont sauvé les guépard, éléphant, requin, papillon, ver de terre, chauve-souris, écureuil, épouvantail, lion, vache, mouton, loup, asticot, crocodile, pigeon, abeille, tortue, hippocampe cheval des mers, passereau, moineau, paon...

Et
d’un guépard,
d’une louve.

« Et le guépard maman ? »
Guépard - Eco-haïkus
Mélanie Richoz
Fernand Louis Alphonse
Editions des Sables
 

 Source : https://sabeli.wixsite.com/lepetitcarrejaune/post/mélanie-richoz-fernand-louis-alphonse-guépard


Guépard, de Mélanie RICHOZ - Chroniques littéraires de Geneviève MUNIER, 29 déc. 2022

C’était exactement le 16 juillet 2016, mon blog n’était pas encore né, mais déjà j’écrivais mes ressentis après chacune de mes lectures. Je venais de terminer un roman d’une certaine Mélanie Richoz. Je ne la connaissais pas et j’avais reçu "J’ai tué papa" dans le cadre d’une Masse Critique Babelio. J’en disais ceci : "Émue, bouleversée, touchée, secouée… je suis complètement troublée et attendrie par la lecture du roman de Mélanie RICHOZ : "J’ai tué papa".

Puis je l’ai suivie, lu ses autres romans, rencontrée. Et toujours cette même délicatesse dans ses mots, cette profondeur, cette sensation de calme et de sérénité. Et voilà, aujourd’hui "Le Guépard – éco-haïkus". L’auteur a associé son petit garçon à l’élaboration de cet album, un recueil de haïkus. Elle voulait aborder avec lui le problème de l’extinction d’espèces animales. Alors, elle lui a demandé de dessiner ces animaux. Il en a tracé les contours et elle les a habillés. Ainsi ils ne seront jamais tout à fait morts…

"Maman ! Allez, dis
le guépard ne mourra pas
à cause du climat ?
Je ne réponds pas
et te regarde bêtement
j’ai si peur pour toi"

On retrouve la jolie plume de Mélanie Richoz, légère, joliment ciselée, poétique mais aussi incisive. 

"J’irai pisser
dans vos piscines chauffées
 après m’être baignée"
"Achète-toi un SUV
tu surferas sur la vague
des glaciers fondus"

Et malgré l’inquiétude qui sourd des mots, cette impression de sérénité et de sagesse.
Ainsi, Fernand Louis Alphonse et sa maman parlent d’écologie, de respect de la nature, à l’aide d’images et de mots simples.

C’est magnifique. C’est à lire et relire avec ses enfants et ses petits-enfants. Une manière imagée et sensible de regarder le monde et de tenter de préserver ce qui peut encore l’être. Un petit, tout petit livre à l’image du sourire bienfaisant de son auteure. 

Éditeur : Edition des Sables
Date de Parution : Novembre 2022
    
Geneviève MUNIER

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Interview d'Huguette Junod sur Radio Cité Genève, 5 déc. 2022

    Sita était en compagnie d'Huguette Junod pour parler de "Anthologie des Sables 1987-2022". L'éditrice nous fait part de 35 ans d'édition de poésie à Genève et en Suisse romande !

     

    Trois questions à ... Huguette Junod, fondatrice et directrice des éditions des Sables, Quertz (RTS), décembre 2022

    Votre maison d’édition est née en 1987 à Genève, quel est aujourd’hui le défi d’une maison d’édition indépendante comme la vôtre?
     
    Faire face! Avec les années, le travail est devenu de plus en plus important. 23 livres en 2022, c’est fou! Je travaille bénévolement, comme les ami·es auteur·es qui m’aident: metteur en page, lectrice, relecteur et relectrice. Il faut également honorer les commandes, gérer le stock, participer à différents événements culturels: le Salon du livre, celui des Petits éditeurs, le Printemps de la Poésie, Poésie en Ville, la Fureur de lire. J’organise de mon côté des lectures et des balades littéraires en différents lieux, dont celle du cimetière des Rois.
     
    Deux tiers de vos publications sont consacrés à la poésie. Quelles sont ses déclinaisons?
     
    Je publie des œuvres en prose: romans, nouvelles, récits, des anthologies, quelques livres pour enfants. Mais les deux tiers des parutions sont de la poésie. Ce n’est pas un choix a priori, mais le résultat des manuscrits que j’accepte. Même si la poésie est considérée comme difficile, n’intéresse guère les médias et se vend mal, je trouve important de la publier, de la promouvoir, notamment par des lectures et des balades littéraires, de faire connaître des poètes. J’ai constitué une famille dont les membres s’aiment et se respectent, pour mon bonheur.
     
    Cette année, vous célébrez les 35 ans des éditions des Sables et vous décidez d’offrir au lectorat francophone une «Anthologie des Sables 1987-2022». On peut y découvrir les 140 ouvrages déjà édités ainsi que les 77 écrivains que vous représentez. Parlez-nous de ce désir.
     
    J’avais envie de marquer les 35 ans de ma maison d’édition, de montrer l’ensemble des parutions et de mes auteur·es depuis le début, 1987. Chacun·e a sa photo, une bio-bibliographie, deux pages de son ou ses livres et un QR code qui renvoie au site. C’est à la fois une somme et un catalogue, une borne. Pour les 30 ans, j’avais demandé des textes sur le thème du sable, l’anthologie contient 28 auteur·es. Et j’ai publié Grains de sable, avec 37 auteur·es. En 2027, pour les 40 ans, je publierai une anthologie de la suite.

    Propos recueillis par Layla Shlonsky


    POÉSIE
    Mélanie Richoz, Guépard, éco-haïkus, éd. des Sables, 74 p.
    Une maman écrivaine et son fils de 6 ans s’emparent des questions de la biodiversité et des espèces en voie d’extinction. Résultat: un très joli et singulier ouvrage, où les dessins d’animaux de l’enfant font écho aux éco-haïkus de l’autrice qui, habituée avec son style court et percutant à déranger, émouvoir et donner à penser, chérit la beauté du monde en un geste de gratitude, d'hommage et de partage.


    Mélanie Richoz, Guépard, dans le blog « Ballade au fil de l'eau ... », 11 décembre 2022

    Autrice : Mélanie Richoz, ergothérapeute et auteure de nationalité suisse. Chroniqueuse, elle publie différents ouvrages aux éditions Slatkine dont Tourterelle (2012) et Mue en 2013, roman pour lequel elle obtient la Bourse d’Encouragement à la Création Littéraire du Canton de Fribourg 2011-12. En avril 2014, elle publie un recueil de nouvelles : Le bain et la douche froide, aux éditions Slatkine. Mélanie Richoz a publié une dizaine de livres.
    J’avais beaucoup aimé : « Apollo » (2020) – (Illustrations de Kotimi)

    Collection Rose des Sables, «Guépard» , éco-haïkus de Mélanie Richoz  10.12.2022 — 74 pages .

    Résumé.
    Afin d’aborder la thématique de l’effondrement avec son fils, Mélanie lui a proposé de dessiner les animaux en voie d’extinction pour leur offrir un bout d’éternité. Du haut de ses 6 ans, il a tracé leur contour ; à l’encre de chine, elle a customisé ses croquis. Leur co-création, mise en page par Baptiste Cochard, habille ainsi Guépard, ce recueil de haïkus contemplatifs, inquiets et provocateurs, jamais bien-pensants.

    Mon avis :

    Un grand merci à Mélanie Richoz et aux éd. des Sables pour l’envoi de ce petit livre qualifié d’ »inclassable » par l’autrice.

    Les espèces menacées en images ( illustrations à 4 mains par l’autrice et son fils) et en haïkus, une belle communion parent/enfant. Des textes qui interpellent et qui, sous des apparences peut-être naïves inquiétant et sont extrêmement parlants.
    Tant les mots que les images mettent en garde contre la disparition des animaux, de l’éco-système, pointent un monde qui disparait, la montée des eaux, la pollution, le mal que les hommes infligent à la nature..
    Un petit livre original qui va rester sur la table du salon, à prendre et reprendre, des paroles qui donnent à réfléchir..
    Et un plaidoyer pour notre terre … Que vivent les guépards, les tortues, les animaux sauvages, marins, et domestiques les oiseaux, la flore et les espaces que nous avons la chance de connaitre encore…

    Un ouvrage qui joint la voix de l’adulte à la vision de l’enfant.

    Mon haïku préféré:
    « Violent mal de pierres
    je ricoche sur le sommeil
    sur les cauchemars »

    Au fil des pages : mes lectures
    11 décembre 2022


    L'écorce du réverbère - Le Courrier, 11 nov. 2022


    À LIRE - À DÉCOUVRIR ... DES PLUMES DE SUISSE ET D’ AILLEURS - Espaces (bulletin de l'AVIVO) - novembre 2022

    Huguette Junod et ses auteur·e·s
    L’Anthologie des Sables - 1987-2022
    Prose et poésie
    226 pages
    Éditions des Sables, Genève

    L’éditrice :
    Depuis 35 ans, Huguette Junod se passionne pour éditer et faire ainsi découvrir de jeunes ou moins jeunes autrices–auteurs. On ouvre avec délicatesse ce très beau livre, on se laisse happer par un visage, un extrait de récit, un poème doux ou nostalgique. Impossible de citer tout le monde, laissez-vous guider, et pour vous mettre l’eau à la bouche, deux extraits :


    Gabriella Baggiolini :
    La nostalgie Une tendresse
    Exilée en zone grise quand dans la vie
    Il fait soleil

    Marie-José Astre Démoulin :
    Rien ne saurait me rendre plus heureuse que d’être happée par le manteau gris de cette ville secrète et silencieuse à la fin d’une journée d’automne. Dans des volutes nuageuses, dans les bancs de brume, telle une danseuse orientale avec ses foulards, Genève mène sa danse. Gris de plomb et de coton mêlés d’un ciel fatigué.

    Un magnifique florilège !

    Annette Zimmermann,
    Bulletin mensuel de l’AVIVO • Genève
    N°11 novembre 2022• 38ème année


    L'écorce du réverbère, de Vincent Gilloz - La Liberté, 15 oct. 2022


    L'écorce du réverbère, de Vincent Gilloz - Le blog de Francis Richard, 24 sept. 2022

    capturer... c'est ça j'aimerais juste parvenir à figer ou conserver quelque chose... tu vois la force d'un moment, capturer l'instant, la sensation... surtout rien d'autre quoi rien de plus élaboré.

    Voilà le projet poétique d'Igor tel qu'il le présente à son ami le narrateur, à qui il confie la mission impossible pour lui de trouver un éditeur pour son recueil de poèmes.

    Les poèmes de ce vagabond ébloui, reproduits ici, ont des titres et des contenus conformes à ce projet de Captures : Prégnance, Infini Regard, Périscope, Déliquescence.

    Les titre et sous-titres du livre de Vincent Gilloz évoquent plutôt une hybridation, que symbolise l'image du couple improbable d'un arbre et d'un réverbère enlacés (1) :

    L'écorce du réverbère
    Roman
    Prose poétique

    Or c'est bien cette gageure que le narrateur doit soutenir après qu'il a rencontré un éditeur connu, intéressé par ses poèmes, mais qu'il voudrait quelque peu romancés:

    vous ne croyez pas que la distinction entre roman et poésie est difficile à faire?

    Car le narrateur s'est bien présenté comme leur auteur et, piégé, maintenant doit assumer cette exigence, sans être sûr qu'elle ait l'heur de plaire du tout à son ami Igor.

    Le texte, hybride donc, met en italiques l'accouplement de l'arbre et du réverbère, entre guillemets le récit secret du narrateur et en prose l'histoire proprement dite.

    Comme il n'est guère de ponctuation dans ce roman, il faut lâcher prise, se laisser emporter par le rythme. Étrange, voire étranger, il devient alors familier et savoureux. 

    Car, le narrateur a un regard infini sur les mondes de l'édition, de l'écriture, des enregistrements musicaux et des concerts, sur les relations de couple et la marginalité...

    Francis Richard

    (1) La photo de couverture le représente...

    Un jeune poète « En lisière d’horizon » - Tribune de Genève, 14 sept. 2022

    Bernard-Olivier Posse, Un jeune poète « En lisière d’horizon », par Jean-Noël Cuénod

    Bernard-Olivier Posse ©JNC_Beaurecueil-Forge de la Poésie.

    C’est toujours émouvant d’assister à l’éclosion d’un poète. D’un vrai. Pas d’un de ces imposteurs médiacrates pour chansonnettes franglaises qui se donnent «l’air de». Alors que justement, cet air, ils nous le pompent! Grave! Avec Bernard-Olivier Posse nul risque. Son premier recueil de poésie, En lisière d’horizon (Éditions des Sables), le démontre par l’irréductible authenticité de sa démarche.

    Jeune docteur veveysan en littérature française, prof de français et de latin au Lycée-Collège de La Planta à Sion, Bernard-Olivier Posse a déjà publié un roman (Au royaume des indifférents, Éditions 5sens). Son premier recueil de poésie vient de sortir aux Éditions des Sables (Collection « Rose des Sables ») que dirige la poétesse genevoise Huguette Junod. 

    Le titre choisi, En lisière d’horizon, vient éclairer cette quête de l’indicible que tous les poètes partagent comme autant de chasseurs en marche vers un impossible gibier.

    Car il s’échappe toujours, ce gibier. Heureusement d’ailleurs. Que ferait-on de son cadavre? 

    Dire l’indicible

    Rendre visible l’invisible et l’inouï audible, c’est qui distingue le poète du prosateur; dépasser l’oxymore, lui donner images et couleurs, afin qu’il ne s’embourbe pas dans l’aporie. La mission n’est impossible qu’à ceux qui ont peur du vide. Si vous êtes sujet au vertige, passez votre chemin.

    Ce chemin, Bernard-Olivier Posse s’y engage d’un pied léger, le long de la lisière et vers l’horizon. La lisière n’est pas le clair-obscur, c’est-à-dire la lumière qui met de l’eau dans son vin, ni la mangrove qui fait compromis entre les racines et la mer. Elle marque la frontière entre la forêt, à laquelle elle appartient, et le champ.

     La lisière sauvegarde le caractère ténébreux de la forêt. Les ténèbres ont trop bien compris la lumière, elles la protège des évidences toujours trompeuses. Ta démarche / dit ce que la lumière elle-même / n’ose exprimer / son allégeance à l’obscur, avertit l’auteur.

    Guide insaisissable

    L’horizon, lui, n’a pas de frontières. Ou plutôt, il les franchit comme si elles n’avaient aucune consistance, aucune présence réelle. A chaque pas, il se dérobe, nous laissant nus.

     Nus mais « orientés », c’est-à-dire rendus à cet Orient qui a donné corps aux grands mythes. Guide insaisissable. Guide parce qu’il est insaisissable. La poésie est le moyen que la vie a trouvé pour s’adresser à chacun sans intermédiaire / Miracle immaculé, elle est le lieu d’où tout revient; l’horizon vers lequel tout s’arrête, lit-on au fil d’En lisière d’horizon.

    Guide insaisissable et forêt protectrice, l’amour est à la fois horizon et lisière, soleil qui fait s’évaporer tout ce qui n’est pas lui: Tu m’as asséché / comme un soleil le ferait / me faisant vapeur pour que / je me rapproche un peu plus de / Toi.  

    L’amour comme la poésie – les deux se confondant comme le font les serpents au printemps – vont à l’essentiel, à l’essence-ciel où l’esprit prend corps.

    Jean-Noël Cuénod

    En lisière d’horizon - Bernard-Olivier Posse - Éditions des Sables - Collection « Rose des Sables » à Genève - 83 pages.

    Article en ligne sur le blog de Jean-Noël Cuénod : https://blogs.mediapart.fr/cuenod/blog/140922/livre-un-jeune-poete-en-lisiere-d-horizon  


    L'écorce du réverbère, de Vincent Gilloz - Riviera-Chablais, 3 août 2022


     "L’écorce du réverbère": le couple antagoniste de Vincent Gilloz - RTS,  30 juillet 2022 

    L'écrivain suisse Vincent Gilloz a publié en juin son premier roman, "L'écorce du réverbère". Écrit à la manière d'un monologue intérieur, le texte aborde la question de l'amitié dans une langue poétique.

    Au premier coup d'œil, le manuscrit de "L'écorce du réverbère" de Vincent Gilloz déconcerte. Très peu ponctué, il offre quatre formats de langages différents. Des parties écrites en italique, d'autres entre guillemets, des passages en vers et en prose. Cela donne un ensemble très singulier, disparate et puis, au fur et à mesure de l'histoire, la langue devient une. C'est une seule voix qui parle et on entend alors une sorte de monologue intérieur, comme une parole pas encore déclamée, enfouie: une longue pensée avant d'être articulée.

    Adolescent, Vincent Gilloz a écrit du rap et il en a scandé. En grandissant, il se passionne de littérature, il étudie le français et la philosophie à l'Université de Lausanne. Et puis très vite la poésie le happe et il approfondit son amour des mots avec un travail de mémoire sur l'œuvre poétique de Charles Baudelaire. "L'écorce du réverbère", son premier texte, s'inspire d'une photo prise aux abords du Léman à Nyon: un platane scellé à un réverbère. Un couple que tout oppose, et c'est là, entre la sève et le métal, entre la nature et la fabrication humaine, que Vincent Gilloz imagine une histoire poétique de duplicité et d'amitié.

    De l'énigme éditoriale aux Éditions des Sables

    Dans l'ambiance enfumée et souterraine des bars, la nuit, deux amis, Igor et le narrateur (son nom n'est jamais donné) se croisent. Igor écrit des poèmes: "Prégnance", "Infini regard", "Périscope", "Déliquescence" et bien d'autres. Un jour, le jeune poète les offre à son ami accompagnés d'une demande spéciale: trouver un éditeur. Le narrateur, intrigué, accepte. Il envoie les poèmes d'Igor à de nombreuses maisons d'édition et un célèbre éditeur le rappelle.

    A partir de là, l'histoire bascule. Le narrateur, pris au piège par son propre mensonge, n'arrive plus à s'en défaire. Il fait croire à l'éditeur que ces écrits sont de lui. La réalité se délite et le narrateur lui-même va commencer à croire en la paternité de ces poèmes…

    Objet littéraire non identifié

    Le texte "L'écorce du réverbère" a vécu un destin éditorial singulier qui trouve un écho avec la thématique même du roman. L'édition française Grasset repère et reconnaît le ton particulier du roman, son atmosphère envoûtante et sa langue novatrice qui éclate la frontière entre roman et poésie. Malgré toutes ses qualités, le côté expérimental ne fait pas l'unanimité, le manuscrit est donc refusé bien que fortement remarqué. A contrario, la directrice des Editions des Sables, Huguette Junod, elle, n'a pas froid aux yeux!

    Elle édite immédiatement cette pépite qu'elle qualifie d' "OVNI littéraire" (un terme rebaptisé par l'auteur lui-même en "OLNI"). Une langue singulière, un ton unique, c'est ce qu'on retient des retours éditoriaux et au fond n'est-ce pas là le rêve de tout écrivain? A l'instar de Proust qui disait que "les beaux livres sont écrits dans une sorte de langue étrangère", le jeune auteur suisse confie à la RTS avec passion et lucidité: "J'essaie de produire quelque chose qui soit authentique, intime et universel. Au fond, l'ambition pour un écrivain, c'est de trouver une voix à lui, qui soit assez intime pour être unique et en même temps assez profonde pour être universelle." A l'unanimité, "L'écorce du réverbère" est singulier… Il est donc possible d'affirmer - sans aucun doute - que l'ambition de Vincent Gilloz est grandement aboutie!

    Layla Schlonsky/cfr

    "L'écorce du réverbère", Vincent Gilloz, Éditions des Sables

    Lire l’article en ligne


    INTERVIEW PAR L'ÉMISSION RADIOPHONIQUE "VERTIGO" DU LIVRE DE VINCENT GILLOZ, L'ÉCORCE DU RÉVERBÈRE

    Lʹécorce et le réverbère, un couple impensable

    Aujourdʹhui (21 juillet 2022), rencontre avec lʹécrivain suisse romand Vincent Gilloz, il vient de sortir son premier roman en juin de cette année aux Editions des Sables, cʹest "Lʹécorce du réverbère". Ecrit à la manière dʹun monologue intérieur, le texte aborde la question de lʹamitié, de la duplicité humaine et des mystères de lʹédition dans une langue poétique et souterraine. Une occasion pour le jeune auteur de sʹexprimer sur sa première œuvre littéraire et sur ses aspirations.

    Vincent Gilloz au micro de Layla Shlonsky (à partir de 7:25)

    L’écorce du réverbère – Le Regard libre – 5 juillet 2022 

     

    A partir de l’image d’un réverbère soudé à un platane, l’écrivain Vincent Gilloz, mêlant la poésie au roman psychologique, signe un premier livre original où les personnages, pris dans la toile du monde, sont éperdument en quête d’équilibre.

    Une intrigue éditoriale

    A l’inverse de Marcus Goldman, personnage de Joël Dicker incapable d’écrire son deuxième roman, touché par le syndrome de la page blanche, le personnage de Vincent Gilloz, Igor, marchant droit sur un fil suspendu entre le double abyme du lyrisme et de la décadence, noircit les pages comme il respire. Etudiant en perdition, accoudé au comptoir et la tête enfumée, il préfère la nuit vagabonde à l’immobilité des amphis.

    Le narrateur, étudiant et ami d’Igor, tente de l’aider à trouver un éditeur pour ses poèmes. Jusqu’au point de rupture, car Igor lui demande de publier ses poèmes à sa place. Cela devient l’obsession maladive du narrateur et par chance, un éditeur français en vogue les contacte, ayant du flair. L’auteur analyse et critique vivement l’édition comme processus, aventure humaine. Il dévoile ainsi plusieurs facettes de ce métier particulier aux usages parfois sombres pour l’écrivain qui souhaite sauver son texte du scalp de l’éditeur.

    «On commence par l’envie d’écrire une idée voulue forte une façon qui paraît digne d’intérêt on soigne le texte mais tout cela passe très vite au deuxième plan et c’est l’assouplissement le compromis la pensée omniprésente de l’autre qui arbitre dicte corrige»

    Une amitié de comptoir et de vers

    A fleur de peau, faisant appel à leur fibre artistique, les deux amis étudiants se rencontrent, se perdent et se retrouvent le plus souvent par hasard. Diamétralement opposés, unis par leurs discussions sur l’art et les relations sociales, sur la réalité de chaque jour et la nuit qui les entoure, ils sont des frères siamois que tout oppose mais que le destin a voulu cimenter malgré eux, retenus par la membrane insécable de la même intention, celle de publier les poèmes d’Igor, de les libérer.

    «capturer… […] tu vois la force d’un moment, capturer l’instant, la sensation. […] mais mec c’est ça c’est un Zoo mon recueil. C’est le bordel en cage… c’est un zoo et j’essaie de maintenir des sensations en captivité, des idées et des images aussi c’est impossible et c’est le foutoir il n’y a pas de gardien dans ce zoo. Seulement des barreaux et derrière eux le sauvage à l’état brut, une violence aveugle dans mes poèmes agités ce sont des lions en cage à peine pris encore indomptés le regard qui menace méfiant le corps tendu prêt à sauter… Il y a une minuterie un compte à rebours sauf qu’il n’avance pas c’est juste la menace toujours vive l’excitation au fond de soi le sentiment animal d’urgence l’instinct du danger jamais calmé…»

    Ainsi pris dans la toile du monde, les amis affrontent le quotidien, prennent d’assaut les bars comme seul moyen de se défaire de la viscosité des jours qui passent. Si Igor est comparé plusieurs fois à Sisyphe, suant avec son énorme rocher qu’il doit porter au sommet d’une montagne, comme beaucoup d’éléments de l’intrigue fonctionnant en jeux de miroirs, il s’agit finalement d’un trompe-l’œil soigné, et c’est le narrateur qui porte sur son dos la création de son ami, lourde de sens. C’est lui qui sue, qui s’écroule à plusieurs reprises, traversé par le mensonge de faire croire aux autres, surtout à l’éditeur français, qu’il est l’authentique auteur des poèmes et un poète à part entière.

    En quête de l’équilibre

    Blâmer la société, la dénoncer, la juger pourrait être une façon de se remettre en question et traduire, au-delà de l’intrigue, une quête d’équilibre vitale chez le narrateur. Celui-ci scrute, jauge et décrypte ce qui l’entoure avec des excès de clairvoyance la nuit, lorsqu’il n’est pas perdu ou ivre mort. En Sherlock Holmes du détail, le narrateur part de l’infime pour atteindre l’éminent. Il analyse autant les objets – au point d’en faire l’archéologie d’un canapé griffé et usé – que l’homme qui s’est vautré dedans. La société est ainsi passée au crible par ce qui la compose fondamentalement, c’est-à-dire les passants.

    «il y a celui qui peine à masquer ses coups d’œil répétés à la jeune femme un peu plus loin qu’il espère célibataire à qui il ne s’est jamais adressé il y a le prépubère mal coiffé le casque audio massif arboré avec une fierté naïve l’homme au costard imposant l’assurance intimidante qui fait respecter une zone de sécurité autour de lui»

    Dans ce livre mêlant la poésie au roman psychologique, cette quête inlassable d’équilibre dépasse torrentiellement les personnages, défonce les portes de l’intrigue par sa puissance et son dépôt emplâtre la rondeur des lettres. La quête d’équilibre rejoint la forme voulue par l’auteur. Les mots se suivent sans ponctuation, les phrases s’enchaînent, les retours à la ligne forment des paragraphes pressés les uns contre les autres. Et la pression forme les diamants. Le rythme de la lecture en ressort différent, plus constant, moins arrêté. Il est un train en marche qu’il faut prendre et qui n’attendra pas les retardataires.

    Comme dans les grands livres, beaucoup de choses sont là, dès le départ. Dans Han D’Islande de Victor Hugo, les réponses se trouvent dans une cassette trimballée par ce monstre et son contenu permettrait d’innocenter le Comte de Griffenfeld, l’ancien grand chancelier, déchu de ses fonctions. Ici, il n’y a pas d’objet mystérieux qu’un personnage porte tout au long de l’histoire. Il n’y a que les personnages qui se portent eux-mêmes et qui portent en eux, bouleversés par leur cadence, leur propre équation et la solution à leurs problèmes.

    A l’image du réverbère soudé à un platane, le narrateur et Igor, entre la rigidité du métal et le coussin de l’écorce, nous questionnent sur la tonalité d’Aragon. Est-ce ainsi que nous vivons? Tout est-il affaire de décor, de changer de lit, de changer de corps? Bien sûr, ce sera à celui qui ouvre L’écorce du réverbère d’y répondre, mais il n’en sortira pas indemne, certains en sortiront égarés, d’autres plutôt prophètes, ce livre permettant de se surprendre soi-même dans le miroir des pages.

    Écrire à l’auteur: arthur.billerey@leregardlibre.com

    Crédit photo: © Image par Jacqueline Macou de Pixabay

    Lien vers l'article : https://leregardlibre.com/litterature/lecorce-du-reverbere-la-pression-forme-les-diamants/


    Rendez-nous Palexpo ! TDG, 20 mai 2022


    Poésie des Sables au Cimetière des Rois, samedi 26 mars 2022

    Un film de  Giselle-Pauline Masson.


    Balade littéraire au cimetière des Rois - Tribune de Genève, 28 mars 2022 

    Les tombes des gens de plume ont des choses à dire

    Sous un gai soleil, Guillaume Chenevière et les poètes des Éditions des Sables ont fait revivre samedi quelques allongés célèbres.


    L’ancien directeur général de la Télévision suisse romande Guillaume Chenevière au cimetière des Rois.

    Quel temps de rêve, samedi matin au cimetière des Rois, pour une balade entre les tombes de défunts aux goûts littéraires! Goûts partagés avec une assemblée d’amateurs de poésie convoqués par la directrice des Éditions des Sables, Huguette Junod. Plusieurs auteurs de cette maison d’édition genevoise fondée en 1987 sont venus lire leurs textes devant la dernière demeure de tel ou telle auteur ou autrice. Le guide, c’est Guillaume Chenevière, homme de théâtre avant de diriger la Télévision suisse romande de 1992 à 2001. C’est donc une présence et une voix que cet homme à la mémoire solide apporte à cette balade organisée dans le cadre du Printemps de la poésie 2022.

    Le groupe est bigarré. Personnes d’âge mûr se mêlent à des éléments plus jeunes venus pour les auteurs qui leur sont contemporains. Première étape dans l’ombre d’un conifère, autour d’une pierre portant gravé le nom de la fille du grand Dostoïevski, Sophie, décédée à Genève à presque 3 mois, le 12 mai 1868. Un deuil qui achève de dégoûter l’auteur de «L’idiot» de Genève, où il a commencé la rédaction de ce roman en 1867. La cérémonie funèbre a lieu rue Rodolphe-Toepffer dans l’église russe toute neuve. «Toepffer, ce pionnier genevois de la bande dessinée, repose lui aussi quelque part dans le cimetière des Rois, précise Guillaume Chenevière, mais on ignore à quel endroit, ce qui n’aurait sans doute pas déplu à cet homme modeste et plein d’humour.»

    Érotisme au subjonctif imparfait

    L’ancien directeur de la TSR porte les couleurs ukrainiennes au revers de sa veste, ce qui ne l’empêche pas, sur la tombe de la fille de Dostoïevski, d’inciter les lecteurs à ne pas réprouver les auteurs russes à cause du maître actuel de leur grand et vieux pays. La littérature n’est pas la guerre. La première auteure des Éditions des Sables à lire un texte est Regina Joye, dont la prose poétique et la manière de la dire captivent immédiatement l’assistance. Elle sera suivie aux étapes suivantes par Vincent Gilloz, Alexandre Gaillard, Eliane Vernay, Jean-Daniel Robert, Bruno Mercier, Maryelle Budry, Jean-Luc Fornelli et Marie-José Astre.

    Huguette Junod, auteure et éditrice, a aussi la parole. Gênée temporairement dans sa mobilité, elle est la seule à bénéficier d’un pliant à chaque étape. Le verbe haut et l’enthousiasme communicatif, elle ne manque pas de hurler: «Plus fort!» à ceux de ses auteurs qui parlent trop bas. Pour sa propre prestation, elle s’est réservé l’emplacement où les restes de Grisélidis Réal ont été transportés en 2009. La poétesse s’y lance dans la lecture d’un morceau de bravoure de son cru, entièrement au subjonctif imparfait, évoquant les fantasmes sexuels d’une femme prête à ce «que vous me déculotassiez» et «que toute la nuit vous me tringlassiez»…


    «Je lègue à mes enfants un
    impérieux devoir de ne pas
    désespérer.»

    Toujours à propos de la péripatéticienne rendue célèbre notamment par sa «Passe imaginaire» en 1992, Guillaume Chenevière lit une lettre d’elle évoquant son passage dans une émission de variétés de la Télévision suisse romande avec le chanteur Nicolas Peyrac. Elle recevra pour cela 500 francs, ce qui ne l’empêchera pas d’aller en gagner 100 de plus le soir même, dès son retour sur les trottoirs des Pâquis. Elle dit son ravissement que des enfants présents dans le public de l’émission lui aient demandé de leur donner des autographes sans très bien savoir qui elle était.


    Guillaume Chenevière devant la tombe de l’écrivain Michel Viala.

    Ludwig Hohl, Michel Viala, Simone Rapin, Calvin, Borges, François Simon, Michel Soutter, Robert Musil, Alice Rivaz, Emile Jaques-Dalcroze, il y a parmi ces allongés de Plainpalais quelques vieilles connaissances de Guillaume Chenevière. Il se souvient de l’écrivain et penseur d’origine suisse allemande Ludwig Hohl: «Il vivait comme un rat dans une cave du boulevard Carl-Vogt. Un soir, il a été surpris tirant en l’air place du Bourg-de-Four. «Je visais Dieu, je l’ai atteint à l’œil gauche», dit Hohl pour expliquer son geste. Sur la petite pierre qui signale sa tombe, rien n’est marqué.» Quant à Georges Haldas, ces mots dits sur sa tombe résonneront longtemps: «Je lègue à mes enfants un impérieux devoir de ne pas désespérer.»


    Sur la tombe de Grisélidis Réal. Assise: Huguette Junod, directrice des Éditions des Sables.

    Michel Viala, dont le vrai nom était Michel Tissot, disparu en 2013, était un vieux camarade de Chenevière. Scénariste, auteur de théâtre engagé, il se considérait pourtant comme un «contestataire lâche». Plus éloigné de notre guide du jour, puisqu’il est mort en 1942, l’écrivain, essayiste et dramaturge autrichien Robert Musil inspire à Guillaume Chenevière un petit coup de gueule contre le bibliophile Martin Bodmer.


    «Je visais Dieu, je l’ai atteint à
    l’œil gauche.»

    Réfugié à Genève, Musil demandait de l’aide au riche Colognote, qui lui répond qu’il ne lui donnera rien, car il n’aime pas Goethe! «Musil a été ignoré Genève et le cénotaphe qui se trouve ici ne répare qu’imparfaitement le peu de cas que l’on a fait de lui de son vivant. Il y avait sept personnes pour disperser ses cendres au pied du Salève.»


    Jean-Daniel Robert, auteur des Éditions des Sables, se lit devant la tombe de Calvin.

    Benjamin Chaix
    TdG 27.03.2022, 19h24

    Lien vers l'article


    Hommage aux écrivaines - Une chaise vide pour l’Ukrainienne Iryna Tsvila, TDG, 7 mars 2022  

    LE CENTRE PEN – POÈTES, ESSAYISTES, NOUVELLISTES – SUISSE ROMAND ET LA FONDATION BODMER MARQUENT LA JOURNÉE DES FEMMES PAR DES LECTURES ET UN SALUT À LA POÉTESSE MORTE AU COMBAT.


    Iryna Tsvila, poétesse et professeure de lettres, est décédée le 24 février.

    Pour signifier la mort ou l’emprisonnement, une chaise vide. On en disposera une dans la salle historique de la Fondation Bodmer le mardi 8 mars, date célébrant la Journée des droits des femmes. Sur l’assise, une photo soulignera l’absence d’Iryna Tsvila, poétesse ukrainienne morte au combat le 24 février en défendant Kiev contre les soldats russes.  

    «Nous tenons à saluer le courage de cette femme, poétesse et professeure de lettres, mère de cinq enfants, qui s’était déjà illustrée comme volontaire lors de la guerre du Donbass. Dès l’invasion russe, elle a rejoint la résistance et elle est décédée, comme son compagnon et père de ses enfants, il y a onze jours», déclare Alix Parodi.  

    La présidente du centre PEN – Poètes, essayistes, nouvellistes – suisse romand a orchestré pour le 8 mars un hommage aux écrivaines en collaboration avec la Fondation Bodmer. Après la présentation par Jacques Berchtold, directeur de l’institution colognote, de textes précieux rédigés par des femmes, Alix Parodi, elle-même auteure, traductrice littéraire et ancienne professeure de lettres, rendra hommage à Iryna Tsvila.  

    «Nous espérons que vous pourrez continuer à vous exprimer, à défendre la liberté d’expression, de création, la solidarité avec tous les écrivains opprimés, emprisonnés ou contraints de s’exiler.» 

    Lettre du centre PEN suisse romand aux écrivains ukrainiens 

    «Ses poèmes n’ont pas été traduits, aussi ne pourrons-nous pas en lire», souligne l’organisatrice, qui entend bien pourtant marquer ce décès par un texte commémoratif qu’elle rédigera. Une lettre du centre PEN suisse romand a en outre été adressée aux écrivains ukrainiens, leur manifestant solidarité et soutien moral. «Nous espérons que le retour à la loi internationale sera pour bientôt, affirme la missive. Nous espérons que vous pourrez continuer à vous exprimer, à défendre les principes du PEN, la liberté d’expression, la liberté de création, la solidarité avec tous les écrivains opprimés, emprisonnés, ou contraints de s’exiler. Nous sommes avec vous.» 

    Seize Prix Nobel de littérature 

    La mise en valeur du talent littéraire des femmes – dont seize ont reçu le Prix Nobel de littérature – se poursuivra avec des lectures. Huguette Junod, Cathy Cohen, Glorice Weinstein, Doina Bunaciu et Pauline Desnuelles liront un extrait de leurs œuvres, puis cinq hommes salueront à voix haute les écrits d’auteures qu’ils admirent. Eric Stener Carlson devrait donner la parole à Grisélidis Réal; Philippe Constantin à la Neuchâteloise Alice de Chambrier; Eric Golay, pour sa part, hésite encore entre Germaine de Staël et son «Corinne ou l’Italie», et Alice Rivaz; Jean-Claude Humbert et Bruno Mercier réservent aux visiteurs de la Fondation Bodmer la surprise de leurs choix.  

    Pascale Zimmermann Corpataux 
    Tribune de Genève, 07.03.2022, 17h04 


    Mon frère Icare - Ma sœur Ophélie, d'Huguette Junod - Le blog de Francis Richard, 26 février 2022

    Il y a trente ans, dans Asters et Zébrures, Huguette Junod avait déjà parlé des morts de son frère Jean-Jacques et de sa sœur Michèle, survenues respectivement vingt et dix ans plus tôt.

    Ces deux textes en prose poétique introduisent les deux longs chants qu'elle consacre aujourd'hui à chacun d'entre eux, précédés l'un d'une épigraphe baudelairienne et l'autre rimbaldienne.

    Denise Mützenberg, dans son introduction, dit que, sans doute, pour surmonter ces deux pertes, qui se sont produites dans des circonstances brutales, pour leur survivre, l'auteure a choisi d'écrire :

    Par nécessité, urgence de retenir, de dire, de crier, de mettre des mots sur l'indicible.

    Jean-Jacques, Icare, est mort accidentellement, à dix-sept ans. Il se rendait à l'école en vélomoteur. Il a brûlé un feu rouge. Il a fait un vol plané au-dessus de son guidon et s'est sectionné l'aorte:

    La mort l'a fauché
    Il ne jouera plus
    Il ne parlera plus
    Atroce négation
    d'une jeunesse fauchée
    Le rideau est tombé

    Michèle, Ophélie, s'est jetée du pont Butin dans le Rhône et s'est noyée comme la sœur de Laërte dans Hamlet et n'a été retrouvée qu'un peu plus d'un an plus tard lors de la vidange de Verbois:

    Je suis partie à ta recherche
    J'ai poussé les portes
    de maisons inondées
    ouvert les fenêtres des refuges
    remonté les chemins

    [...]

    Je ne t'ai pas trouvée

    La poète souffre toujours qu'ils ne soient plus là:

    Ta lancinante absence me pèse
    Savais-je que tu occupais tant d'espace
    et de temps?

    Mon frère Icare

    Tu me manques
    Présence perdue
    Le vide
    Cette poix qui vous englue

    Ma soeur Ophélie

    Pourtant les liens n'étaient pas les mêmes :

    J'ai pétri la terre
    pour façonner ton visage
    à ma ressemblance

    Mon frère Icare

    Je t'avais souhaitée
    à ma ressemblance
    Je me suis abîmée dans nos différences

    Ma soeur Ophélie

    La fin de chaque chant est différente:

    Je me suis mise à écrire
    mais quelqu'un derrière moi
    effaçait mes mots
    pour qu'il n'en reste rien

    [...]

    Alors je me suis enfuie
    mais quelqu'un derrière
    effaça ma peur
    pour qu'il n'en reste rien

    Mon frère Icare

    Dis-moi, depuis ce temps, où as-tu disparu?
    Quels fleuves, quels chemins avons-nous parcourus?
    Pourrons-nous aborder sur un autre rivage?

    Les éclairs ont brûlé, les tonnerres vomi,
    Les pluies ont lessivé toute contrée sauvage.
    Nous voici dénudées sur le sol endormi.

    Ma soeur Ophélie

    Le recueil se termine par un texte qui met en scène, dans une mythique église blanche de Grèce, une dame, à la ressemblance d'Huguette Junod, et qui allume deux cierges couleur de miel :

    L'un pour son frère, l'autre pour sa soeur, afin que la flamme ravive leur souvenir, brûle dans la solitude, leur redonne vie, le temps d'une mèche, embrase son coeur qui se souvient d'eux, les porte sur le chemin parcouru jusqu'à cette église-là, sur la place ombragée...

    Francis Richard
    Article paru dans Le blog de Francis Richard le 26 février 2022

    Mon frère Icare - Ma soeur Ophélie, Huguette Junod, 120 pages, Éditions Encre Fraîche (illustré par Sylvie Monnier)


    Gilles d’Andrès, L’Emprise du banian - Article du Courrier, 30 décembre 2021

    PARASITE DU PACIFIQUE

    Suisse romande ♦ Diplômé de la Haute École des arts de Berne, traducteur et journaliste indépendant, notamment pour Le Courrier, Gilles d’Andrès publie un premier roman qui joue de l’étrange et de l’inattendu, alternant les points de vue pour mieux brouiller les repères entre réel et fantasmes.

    L’Emprise du banian file la métaphore de cet arbre du Pacifique qui s’enroule autour des troncs pour s’enraciner et grandir, jusqu’à étouffer l’arbre hôte. C’est ainsi que Bernard paraît à Daniel, narrateur de la première partie: un parasite, qui s’est incrusté dans ses vacances avec ses potes Yann et Étienne et transforme en cauchemar leurs dix jours en Nouvelle -Calédonie. «Plus le temps passait et plus Bernard prenait d’espace. Jusqu’à être partout à la fois. (…) Son air apathique et désœuvré ne nous quittait plus. Il était là, perlant de sueur la bouche ouverte», inadéquat et agaçant, leur imposant une torture subtile et préméditée.

    Tel est du moins l’avis de Daniel, interrogé par une policière. Car Bernard a disparu, leur voiture de location a été brûlée. Mais sa version sera remise en cause par celles de ses amis. Saura -t-on la vérité? La sombre puissance de la forêt, moite, foisonnante, mystérieuse, ajoute au trouble. Et le roman de tisser lui aussi son réseau tentaculaire, alors que s’éclairent peu à peu les relations entre les trois garçons. APD

    Gilles d’Andrès, L’Emprise du banian, Ed. des Sables, 2021, 129 pp.


    Heike Fiedler: Je de mots (2021) - interview de Miruna Coca-Cozma


    Heike Fiedler, une vie dans la poésie au carrefour de l'intermédialité


    La coursière de Noël sillonne la ville avec son sapin - TDG, 17 décembre 2021

    Anouk Dunant Gonzenbach élargit son cercle de poésie itinérante et entame son périple urbain par l’Université ouvrière de Genève.

    Le 9 décembre 2021. Le sapin à poèmes et à roulettes d’Anouk Dunant Gonzenbach, une installation itinérante sillonnant la ville en six étapes.

    Elle a le cheveu abondant d’un personnage de roman courtois. Notre Lancelot est une femme d’aujourd’hui dévalant sur son deux-roues musculaire (hip hip hip) le quartier des Grottes un matin de cette semaine. Quel coup de pédale. Et quel sapin, planté verticalement à l’arrière, sur une charrette joliment décorée. Des petits manchons en laine tricotée coiffent les rayons des roues.
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    La coursière de Noël soigne le détail. Son conifère est encore plus beau que celui des années passées. Anouk Dunant Gonzenbach, archiviste d’État adjointe, sillonne ainsi la ville depuis 2015, à l’approche des Fêtes, avec sa poésie ambulante, ses pommes d’amour, ses billets doux suspendus aux branches.

    Une classe de l’Université populaire de Genève découvre le sapin d’Anouk en sortant du cours.

    Une demi-douzaine de stations en plein air attendent, d’ici au vendredi 24 décembre, ce sapin à poèmes qui ne craint pas le froid. On se porte à son contact devant les escaliers menant à l’Université ouvrière de Genève (UOG), légèrement en retrait de la place des Grottes balayée par la bise.

    Le bel arbre se montre toujours aussi accueillant et bavard. Les guillemets ici s’ouvrent comme un cadeau de Noël. «Pour cette édition, le cercle des mots s’élargit au-delà des poètes du cru, parce que l’esprit de notre ville est multiculturel et que j’avais envie de refléter cela», raconte Anouk en descendant de sa selle. Elle a donc décidé de se faire inviter dans les cours de français et d’alphabétisation donnés dans les murs de l’UOG, cette institution à nulle autre pareille, qui accueille jusqu’à 3000 étudiants par année.

    Trois passages, de vrais échanges, avec des femmes et des hommes rattrapés par les larmes à la seule évocation de Noël. Pour eux, pour nous aussi, les mots peuvent se montrer consolateurs. Le sapin, toujours lui, embarque dans sa tournée urbaine de nouveaux prénoms venus d’ailleurs. Ils se nomment Adeola, Helen, Mila ou encore Botan.

    Les textes à lire à voix haute décorent le sapin, sans compter les pommes rouges que l’on croque du regard.

    Leurs vœux exprimés forment un petit répertoire littéraire mis en forme par leur «éditrice» itinérante. Chacun a reçu le sien en retour. Ce dimanche 19 décembre, Anouk sera à 16 h devant la maison de quartier de Saint-Jean, sur les voies couvertes, pour un moment thé-lecture. Le mardi 21 à la place du Bourg-de-Four, le jeudi matin à la place de la Fusterie et l’après-midi devant la librairie Le Rameau d’Or, au boulevard Georges-Favon. Quant au vendredi 24, ce sera devant la Coop de Saint-Jean. C’est moins poétique, mais il y aura du monde dans la rue. Ces dates et d’autres infos se trouvent sur le site virusolidaire. Il est animé d’une main de maître archiviste.

    Article de Thierry Mertenat, photos de Laurent Guiraud. La Tribune de Genève, 17.12.2021
    Lien vers l'article :  https://www.tdg.ch/la-coursiere-de-noel-sillonne-la-ville-avec-son-sapin-736462586521


    Vernissage du roman «L’Emprise du Banian» de Gilles d’Andrès - La Liberté, 2 décembre 2021

    L’aventure du 2 septembre 2003 - Tribune de Genève, 27 octobre 2021

    Instituteur à la retraite, René Magnenat en consacre une bonne partie à l’écriture.


    Bernard Waeber, La Liberté du 21 novembre 2021

    Le lecteur en Liberté

    Poète >> Il aura fallu attendre la retraite pour que Bernard, 73 ans, retrouve le plaisir et surtout le temps d’écrire après une longue carrière académique et clinique au CHUV, consacrée notamment au domaine de l’hypertension artérielle. Cet heureux grand-papa a depuis laissé tomber la blouse blanche pour revêtir, selon ses mots, l’habit fleuri du poète. Un habit qui, on le constate en se plongeant dans la petite dizaine de recueils déjà publiés, lui sied à merveille.

    Vous avez troqué la blouse blanche contre la plume. Comment passe-t-on de l’hypertension à la poésie?

    La poésie m’a séduit bien avant la médecine, dès l’adolescence, mais la différence entre les deux n’est pas si grande: dans les deux cas l’humanisme est au centre, tant le médecin que le poète sont curieux, ils cherchent leur vérité par une approche scientifique pour le premier, en ouvrant au monde ses portes et fenêtres pour le second.

    Votre dernier recueil s’intitule Points d’ancrage. Encrer le monde, c’est un peu s’ancrer soi-même?

    L’être humain vit dans l’incertitude, le poète en est particulièrement conscient. Il questionne inlassablement et jette l’ancre partout où il peut s’accrocher. Une démarche commune pour beaucoup d’entre nous, qui ne requiert pas nécessairement de passer à l’écriture.

    La Liberté est née en 1871. Vous auriez été heureux à cette époque?

    Peu avant, en 1870, c’est la publication du premier poème d’Arthur Rimbaud. Sa vie et son œuvre sont traversées par la poursuite de la liberté. J’aurais eu un grand plaisir à le rencontrer et lui aurais demandé d’écrire un poème pour la naissance de La Liberté.

    Bernard, qu’est-ce qui, selon vous, était mieux avant?

    Je trouve qu’il est souvent plus difficile aujourd’hui pour un jeune de se projeter à long terme dans la vie. Les rapports humains sont devenus plus tendus, on est de plus en plus souvent contraint, sous la pression du temps, de passer à l’orange, voire même au rouge, lorsque le vert se fait attendre.

    Et qu’est-ce qui, vous le croyez, sera mieux demain?

    Enfin une question facile! La juste place de la femme est maintenant reconnue, ne reste plus qu’à la lui accorder, cette place. Rapidement, dans toutes les têtes et tous les cœurs, je l’espère.

    Qu’est-ce qui ne cessera jamais de vous émouvoir?

    Le chant du merle.

    Votre mot de la fin?

    L’éternité.

    Lire l'article : https://e-paper.laliberte.ch/infinity/article_popover_share.aspx?guid=db0bcf61-1203-4639-bd3d-76d6e1fc8f0b

    "Mon frère Icare - Ma sœur Ophélie", extraits du recueil publiés par le Courrier du 18 octobre 2021

    Le nouveau recueil d'Huguette Junod, "Mon frère Icare - Ma sœur Ophélie", paraîtra aux Éditions Encre Fraîche pour le Salon des petits éditeurs 2021.
    Le vernissage aura lieu le 13 novembre 2021 à 14h pendant le Salon.
    En voici des extraits publiés par Le Courrier du 18 octobre 2021 dans sa rubrique "Inédit" (https://lecourrier.ch/2021/10/17/icare-et-ophelie/)

    Yamuna et le mystère de la perle bleue, Swati Rastogi Mayor - Écho du Gros-de-Vaud, 13 août 2021

    Le métier de poète, par Vince Fasciani

    Selon moi, le métier de poète est un métier manuel, dans le meilleur des cas artisanal.

    Lanceur de bouteilles à la mer il attend sur un rocher un retour improbable.

    Quand il écrit il dépose ses défenses et laisse entrer ce qui est le plus vulnérable en lui.

    Il cherche ce qui donne à sa vie sa beauté.

    Dans son chemin de vie il n’y a pas de signalisation.

    Il extrait du chaos de sa propre vie la lumière pour l’éclairer au-delà, il est rare qu’il atteigne l’inaccessible étoile.

    Il marche mieux quand sa main serre celle de l’amour et citant André Breton :

                « L’amour, c’est quand on rencontre quelqu’un qui vous donne de vos nouvelles. »

    Le poète parle couramment le silence.

    Son Je qui parle ici n’est plus un moi, il se fait le porte-parole de ce qui est : un plan d’immanence qui relie horizontalement tout un réseau de pensées et de sentiments « Simplement comme c’est ».

    Son amour de l’immanence est indéfectible : il habite le possible.

    Il est aux tous premiers chapitres d’une longue et fabuleuse épopée.

                « C’est doux la nuit, de regarder le ciel. Toutes les étoiles sont fleuries. » (Antoine de Saint-Exupéry)

                « Tout est en désordre. Les cheveux. Le lit. Les mots. Le cœur. » (Jack Kerouac)

                « La poésie, c’est le plus joli surnom que l’on donne à la vie. » (Jacques Prévert)

                « Il est grand temps de rallumer les étoiles. » (Guillaume Apollinaire)

    Vince Fasciani
    Le 10 août 2021

    Pourquoi j’écris de la poésie - Vince Fasciani

    Il me semble qu’écrire ma poésie au fil du temps est une manière de comprendre aimer et agir dans le monde.
    Mais aussi, peu à peu, la conquête de la joie de la liberté comme la joie d’être soi-même.
    Écrire de la poésie n’a rien de mystique, ni d’abstrait, ni de virtuel. La poésie donne l’accès à la jouissance d’être, une sorte de maison où habiter dans sa vie.
    La poésie est pour moi une expérience de la réalité , l’entièreté de ce que nous vivons… j’habite le possible !
    C’est aussi une saisie intuitive du lien qui existe entre les êtres finis que nous sommes et l’infinité de la nature.
    En écrivant, tout se passe comme si la conquête progressive d’une autonomie équivalait  à une naissance à soi-même, une création de soi-même par soi-même vers les autres : un recommencement sans cesse renouvelé.
    Peut-être que la poésie, qui est la manifestation du désir de persévérer dans son être, est créatrice de puissance de vie mais aussi une sortie hors du pays de la servitude volontaire et l’entrée dans le domaine intense de la liberté et de la joie.
    Je me suis libéré, très lentement, de l’hypothèque du tragique obligé, des poètes maudits et de tous ceux qui croient que la souffrance est source de création.
    La souffrance, dans mon cas, a été véhiculée initialement par une mélancolie, un abandon.
    Maintenant, j’écris autour du silence, je chante parfois en sourdine parfois à tue-tête… je danse…

    Vince

    Livres de Vince Fasciani publiés aux Éditions des sables

    Des paroles d’espérance à partager - Le journal des Réformés - 27 mai 2021

    Par Anne Buloz

    Le blog virusolidaire.ch a été lancé en mars 2020, lors du premier jour du confinement, avec l’objectif de publier des bulles d’événements positifs au quotidien. Deux autres projets ont déjà essaimé depuis.

    Le premier jour du confinement, le 15 mars 2020, Anouk Dunant Gonzenbach a décidé d’ouvrir un blog afin de «relayer quotidiennement de bonnes nouvelles de quartier». Son objectif de publier «des bulles d’événements positifs» a fait mouche. Grâce à ses nombreux contacts, des auteur·e·s et des poètes ont contribué à alimenter, avec elle, sa page jour après jour, jusqu’à la date fixée pour la réouverture des bibliothèques, le 8 juin 2020.

    En décembre de l’année dernière, rebelote, Anouk Dunant Gonzenbach a proposé un calendrier de l’Avent en ligne à poèmes et à roulettes… L’unique contrainte de ce nouvel appel à textes (ou à poèmes) était qu’il en dégage une lumière positive. Peu importe le thème: le sapin, la pomme, l’étoile, l’hiver, Noël, etc.

    Chaque jour de décembre, un texte a été publié sur son blog, comme un calendrier de l’Avent virtuel. Puis chaque écrit a été imprimé et suspendu à un sapin ambulant, où les pommes remplaçaient les traditionnelles boules, tiré dans les rues de la Cité par le vélo de la Genevoise la semaine précédant Noël.

    Suite de l'article : https://www.reformes.ch/solidarites/2021/05/des-paroles-desperance-partager-reformes-juin-2021-geneve-confinement-esperance

    L'archipel de Vince Fasciani

    Mai 68 ...et après ?

    En vitrine à la Bibliothèque de la Cité. Genève, mai 2021.

    Swati Rastogi Mayor - Article de 24 heures - Lundi 3 mai 2021

    Swati Rastogi Mayor, ingénieure, Indienne, née en Suisse, a pris la plume pour rendre hommage aux femmes. Elle publiera cette année aux Éditions des Sables un conte pour enfants, Yamuna et le Mystère de la Perle Bleue, illustré par Marthe Monnet.

    Lire l'article en PDF

    Marie-José Astre-Démoulin, une sirène au milieu du Léman - France Bleu (03-04-2021)

    Etes-vous déjà entré à l’ONU à Genève ? Savez-vous ce qu'il s'y passe ? Avez-vous flâné dans le merveilleux parc qui abrite le Palais des Nations ? Savez-vous surtout que c'est possible ? Et bien on va y pénétrer aujourd'hui ensemble avec Marie-José Astre-Démoulin, haut-savoyarde devenue genevoise.

    Écouter le podcast de l'interview


    Marie-José Astre-Démoulin, une amoureuse de la Cité de Calvin - Tribune de Genève (31-03-2021)

    Article de René Magnenat sur l'auteure de Genève émois, publié aux Éditions des Sables en juillet 2019.

    Lire l'article (PDF) : Tribune de Genève, page 8, 31 mars 2021

    «JUSQU’AU BOUT DU JOUR», JO(SETTE) PELLET - GONG No. 84, juillet-sept. 2024

    Notre amie Jo se paye le luxe de raviver, par messages, lettres, haïkus et tankas interposés, un amour de jeunesse, rencontré dans le train entre Graz et Lausanne il y a un demi-siècle. Et l’amour de jeunesse répond. Échanges, coups de fil et rencontres se succèdent et Denise Mützenberg, éditrice et poète, écrit en préface : «Ce qui m’a impressionnée dans ce récit, c’est qu’il allie... la poésie et le suspense.»

    Ça commence le 10 juillet 2015 et se termine au printemps suivant : 
    «Tu vois, je tiens ma promesse : je ne t’ai pas oublié !... nos lettres pendant trois ans...
    Sagement rangées / entourées d’un ruban rose / au fond d’une malle»

    Les poèmes de l’auteure apportent leurs ponctuations aux messages échangés, quelquefois plus brûlants.

    Alpha oméga / plus fort que le temps qui passe / ce besoin de l’autre

    Comment un amour peut-il résister au temps et ressurgir beaucoup plus tard ?
    C’est tout le prix de ce livre : il mêle un langage amoureux, éternellement jeune, surgissant, et le langage de l’âge mûr où l’espoir s’apaise, sans oublier haïkus et tankas pour l’éternité.
    À lire absolument, et d’une traite.

    Jean Antonini, GONG No. 84, juillet-sept. 2024, Association francophone de haïku


    «JUSQU’AU BOUT DU JOUR», JO(SETTE) PELLET - Le Journal de l’Ours dansant No. 40, Juin 2024

    Cet impossible possible, c’est retrouver l’amour de ses 15 ans, rencontré dans un train cinquante ans plus tôt.
    Adolescents, taillés dans la même étoffe de révolte et de quête, nous nous étions immédiatement «reconnus» et aimés... D’un amour platonique. Ensuite nos lettres...

    Sagement rangées
    entourées d’un ruban rose
    au fond d’une malle

    Un dimanche de canicule, la narratrice recherche sur le net la trace de cet homme. Elle en ignore la raison. Il y en a tant ! Elle envoie une lettre, comme une bouteille à la mer. 
    Bingo ! Ils s’écrivent, puis se parlent, puis se rencontrent. Puis chacun rejoint un temps son « univers », avant de correspondre à nouveau. Puis..

    Déjà tu me manques
    mais hélas l’espoir aussi
    jour gris et morose

    Pourtant bien réelles
    la ferveur de nos étreintes
    l’ivresse des nuits

    Cette histoire d’amour est-elle encore possible ? Est-elle impossible ? Je vous laisse le découvrir, ne voulant pas vous priver du plaisir de la lecture passionnante d’un roman bien ciselé.

    Dominique Chipot, Le Journal de l’Ours dansant No. 40, Juin 2024


    «JUSQU’AU BOUT DU JOUR», JO(SETTE) PELLET - Le blog de Francis Richard, 5 juin 2024

    10 juillet 2015
    Tu vois, je tiens ma promesse: je ne t'ai pas oublié! Pas oublié non plus notre rencontre dans un train entre Graz et Lausanne, il y a un demi-siècle.
    Adolescents taillés dans la même étoffe de révolte et de quête, nous nous étions immédiatement "reconnus" et aimés... D'un amour platonique.
    Ensuite nos lettres, pendant trois ans. Puis seulement les tiennes.

    De nos jours, les adolescents font des rencontres virtuelles avant qu'elles ne deviennent réelles. À l'époque elles étaient réelles, et l''imaginaire s'en nourrissait.

    Pour retrouver ses amours de jeunesse, le net peut être un outil performant qui vaut la peine d'être utilisé, même si le résultat n'est pas toujours au rendez-vous.

    La narratrice du récit, grâce sans doute à un de ces fameux moteurs de recherche, retrouve la trace de l'homme qui, jadis, lui a fait battre platoniquement le coeur.

    Commence alors une correspondance entre eux deux. Mais le lecteur n'a droit qu'aux lettres de l'homme qui a subi de l'âge, entre temps, l'irréparable outrage.

    Ses lettres ne sont pas reproduites en caractères d'imprimerie, comme le reste du texte, mais dans une nouvelle graphie, i.e. une belle écriture, bien humaine.

    Cette femme et cet homme ont vécu éloignés dans le temps. Ils le sont encore dans l'espace puisqu'elle demeure encore à Lausanne et que lui est soigné en Styrie.

    Qu'à cela ne tienne, la femme, qui, c'est connu, est plus courageuse que l'homme, franchit à plusieurs reprises la grande distance qui les séparent pour le rejoindre.

    L'homme écrit des lettres manuscrites, la femme, en italiques, de brefs commentaires ou des poèmes courts, comme les affectionne Jo(sette), l'auteure de haïkus.

    Le récit révèle bien des différences entre cette femme et cet homme. Elle prend plus de risques que lui, mais elle n'a pas autant d'attaches familiales que lui.

    Qu'en sera-t-il de leurs retrouvailles? C'est bien sûr au lecteur de le découvrir. Quel que soit son âge, il n'aura pas de mal à le deviner s'il en a fait l'expérience.

    Et puis, s'il aime les mots, il sera servi et comprendra ce que veut dire l'auteure en conclusion de ce fragment amoureux, singulier, i.e. intemporel et universel:

    Ah l'amour des mots
    puisse-t-il m'accompagner
    jusqu'au bout du jour.

    Francis Richard

    Jusqu'au bout du jour, Jo(sette) Pellet, 80 pages, Éditions des Sables

    Livres précédemment chroniqués:

    Syrie - Les hirondelles crient, 76 pages, Éditions Unicité (2013)

    Mékong mon amour, 96 pages, Samizdat (2014)

    Voir la chronique en ligne : www.francisrichard.net/2024/06/jusqu-au-bout-du-jour-de-jo-sette-pellet.html


    «Jusqu’au bout du jour», Jo(sette) Pellet - Association Bon pour la tête, 26 avril 2024  

    Quelle mouche a donc piqué Jo(sette) Pellet de vouloir reprendre contact, cinquante ans plus tard, avec l’amour de ses quinze ans? Un amour platonique qui a couvé pendant un demi-siècle et qu’une recherche sur la toile suffira à raviver. Mais peut-on vraiment reprendre l’histoire où on l’avait laissée en faisant fi du temps qui nous façonne, chacun à sa manière? Tel est le questionnement qu’explore cette autrice vaudoise dans son haïbun, subtil mélange de prose, de haïkus et de tankas, tout frais paru aux éditions des Sables sous le titre Jusqu’au bout du jour. Un petit livre qui, comme le relève la préfacière, réussit l’exploit de conjuguer suspens et poésie. La rencontre va bien avoir lieu, entre deux seniors qui ont gardé intacte, au fond d’eux, la passion de leur adolescence, mais acquis la lucidité et le recul propres à leur âge. Et la conscience aiguë que leur relation n’est que fantasme et projection. Car en dépit d’une familiarité évidente, ils ne savent rien l’un de l’autre. Et c’est peut-être sur eux-mêmes et sur la condition humaine qu’ils ont tant à apprendre à se revoir.

    Sabine Dormond


    “Mélanie” de Rafael Gunti, interview sur Canal 9, 21 avril 2024

    L’interview de Rafael Gunti.
    L’auteur de  “Mélanie”.
    Des scènes de la vie de tous les jours.
    Un recueil mordant et touchant à la fois.


    Prendre la plume pour lutter contre le temps - Entretien avec Vincent Gilloz - Riviera Chablais Hebdo, N° 146 | du 20 au 26 mars 2024

    Littérature

    Après «L’écorce du réverbère», un premier roman qui éclate la frontière entre roman et poésie, Vincent Gilloz publie «Chronomètres», son premier recueil de poèmes.

    Noémie Desarzens
    ndesarzens@riviera-chablais.ch

    “Une fois que l’on accepte notre impuissance face au temps, nous pouvons en faire un allié”
    Vincent Gilloz, poète

    «Comme papa de deux enfants en bas âge, la question du temps libre est prépondérante!» Non sans humour, la poésie de Vincent Gilloz scrute la marche inexorable du temps. Une réalité qui peut à la fois être teintée d’angoisse et porteuse d’espoirs. Comme un défi, le poète tente de saisir, grâce au langage, cette dimension de la condition humaine.

    «Ce que je tente d’articuler dans ce recueil, c’est un certain paradoxe contemporain. À savoir un tiraillement entre une accélération globale et un désir de ralentissement.» Avec «Chronomètres», le poète veveysan versifie notre rapport au temps, une façon de le «mesurer» poétiquement. Ou de s’y soustraire.

    Accéder à une autre temporalité

    Dans un monde qui va toujours plus vite, l’espace pour l’oisiveté se fait rare. Précieuse pour son potentiel revitalisant, elle est trop souvent grignotée par le divertissement. «Nous sommes tout le temps sollicités, nous n’avons même plus l’occasion de nous ennuyer. Or le divertissement est aussi une échappatoire, qui évite de nous confronter à la condition humaine et au sens de l’existence», souligne ce poète, professeur de philosophie au gymnase de Chamblandes à Pully.

    L’écriture comme générateur de sens, c’est ainsi que la vit Vincent Gilloz. Le Veveysan parvient à lui faire de la place dans un quotidien millimétré entre enseignement et parentalité. L’instant présent, il sait l’importance de le choyer. Une pause entre les cours ou un trajet en train: des moments de grâce pour tenter de saisir le temps qui passe. Recourir à la poésie lui permet de se soustraire au monde pour mieux l’observer.

    «L’art de trouver les bons mots, c’est se plonger dans un état d’attention intense. Cela me force à faire une pause», analyse le poète. Si le temps est immaîtrisable, et donc potentiellement source d’inquiétude, il est aussi une possibilité d’accéder à une forme de plénitude. «Une fois que l’on accepte notre impuissance

    face au temps, nous pouvons en faire un allié, poursuit Vincent Gilloz. Je crois à la répétition de gestes vertueux, capables d’infléchir certaines trajectoires. C’est une perspective lumineuse.» À l’image de petites attentions qui prennent soin des relations et qui se révèlent déterminantes au fil du temps. «Comme de petits effets papillons, il ne faut pas sous-estimer la puissance des actions a priori banales.»

    Lien entre l’intime et l’universel

    Séparé en trois parties – «Tenter», «Bégayer» et «Embrasser», «Chronomètres» nous emmène de la hargne à la réconciliation. Un mouvement virevoltant pour nous élargir le regard et accéder à une autre temporalité, celle de l’existence. «Le temps, c’est aussi un éternel recommencement, ce qui est fascinant! C’est une chance de pouvoir apprendre et d’avoir du recul sur soi.»

    Conçu comme un long dia- logue, les poèmes de ce recueil se répondent et se contredisent. À l’image d’un puzzle, ce dernier prend tout son sens lorsque les différentes pièces s’assemblent.

    «Je l’ai écrit à l’image de mes réflexions, c’est-à-dire ponctuées d’actions et d’images qui a priori semblent décousues. Mais une fois mises bout à bout, elles esquissent l’insaisissable. Cette impossibilité est réconfortante, car elle permet de lâcher prise sur ce qui ne nous appartient pas.»

    Dans ce recueil, l’écrivain aime dire qu’il a mis sur papier une introspection en résonance avec son époque. «L’écriture me force à aiguiser mon attention sur moi- même et sur les autres. J’espère donc que mes réflexions trouveront écho. Dans un style oral et décomplexé, Vincent Gilloz invite à la rêverie. Et à sortir de la prison du présent.

    Vincent Gilloz est l’un des poètes conviés au gala du Printemps de la poésie (14 au 28 mars). Il sera le jeudi 21 mars au Castillo de Vevey.


    Ecrire montre en main, Vincent Gilloz, La Liberté, mars 2024


    Chronomètres, de Vincent Gilloz - RTS Culture /qwertz


    Le monde moderne par Rafael Gunti - Journal de Sierre, 1 mars 2024


    Interview de Rafael Gunti sur son livre Mélanie


    Eros et Thanatos s’invitent dans une yourte aux Bains, TDG, 08 jan. 2024

    Portrait de l’éditrice Huguette Junod, qui adore les réunions où les amateurs de littérature se rencontrent.

    Par  René Magnenat

    Connaissant bien Huguette Junod, au lieu de prendre rendez-vous pour l’interviewer de manière classique, je me suis dit que le meilleur moyen d’en apprendre un peu plus à son sujet serait de la suivre dans ses diverses activités et de lui poser mine de rien, quelques questions plus ou moins indiscrètes.

    En juin dernier, Huguette a fêté en grande pompe ses quatre-vingts ans. Trop content d’être invité à sa Soirée grecque, je me suis imaginé à tort que ça allait être la bonne occasion de lui poser quelques questions, afin qu’elle me raconte quelques péripéties pas ou peu connues de ses belles années ! Mais il y avait grand Dieu, tant de petits et d’immenses dieux de la mythologie et de magnifiques déesses apprêtées avec goût, que l’encore jeune Huguette avait bien sûr d’autres belles rencontres à faire parmi la centaine de fans costumés présents.

    Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, je me suis résolu à me lever de bon matin pour me rendre aux Aubes musicales des Bains des Pâquis, Là, me suis-je dit, dès la fin de l’aubade, je pourrai lancer mon plan en lui glissant, mine de rien, quelques mots poétiques. Mais je me suis pris un lapin car la belle dame, la bouche pleine de confiture et de confidences adressées à ses admirateurs et admiratrices, n’avait de cesse de tournicoter ses bras et ustensiles pour éloigner les guêpes aguichées par les douceurs du petit déj’. L’aube passée, il se mit à faire trop chaud, il me fallait regagner mes pénates. J’essaierai un autre jour, peut-être sous un petit coin de parapluie ?

    Pas peureuse pour un sou, la dame se rend en ville à scooter ; la voiture est trop encombrante, les parkings hors de prix, et les transports publics sont souvent mal famés et mal aérés. Ben voilà la solution : je vais la suivre incognito et lorsqu’elle ôtera son casque, je me ferai tout mignon pour l’inviter à boire un café au Grütli ou à la Cave Valaisanne. Pas possible, elle a rendez-vous au Musée Rath avec sa cousine Yolande. Je vais me consoler en observant les joueurs d’échecs à l’entrée du parc des Bastions. C’est vrai, après tout, la peinture n’est pas ma priorité.

    Ne voulant pas renoncer à mon projet, j’ai songé que bientôt les répétitions générales de l’OSR au Victoria Hall allaient reprendre. A l’entracte, nous avons coutume de déguster un expresso, accoudés à une petite table devant le bar. Ben voilà, c’est là que je pourrai lancer la discussion en évoquant quelques souvenirs du temps de ses ateliers d’écriture. J’ai déjà essayé ce procédé pour provoquer des confidences, mais je m’étais fait mettre sur la touche car à ce moment précis arrivait à notre table l’inimitable Henri Mégroz, l’homme qui connaît tout de la musique et qu’Huguette, persuasive comme elle l’est, s’ingénie à lui faire dire tout, tout , tout ce qu’il connaît des auteurs, solistes, chef d’orchestre et morceaux du concert.

    Un an sans succès

    En mai 2022 déjà, j’avais tenté ma chance lors des journées littéraires de Soleure. Trois jours à se côtoyer, à bavarder, à déguster des Spritz ou des Hugo en compagnie d’écrivains d’ici et d’ailleurs, à avaler des repas gourmands et copieux, à admirer les beautés de cette ville où autrefois les bateliers de l’Aar arrivaient éméchés, à écouter les conférenciers de tout poil justifier par leurs bons mots leur présence en ce lieu saint.

        «Il n’y a qu’à la lire, la laisser parler, parler d’elle surtout,
    parler des femmes principalement.»
    René Magnenat

    Aujourd’hui, je deviens raisonnable. À quoi bon vouloir rédiger moi-même et moins bien qu’elle ne le ferait ce qui a maintes fois été écrit par cette femme de plume? Il n’y a qu’à la lire, la laisser parler, parler d’elle, parler des femmes principalement. Et quelle meilleure source pour obtenir des réponses sincères que l’opuscule qu’elle vient de publier aux Éditions des Sables: «Autoportraits» dans lequel elle se raconte et mentionne ses rencontres et les principales personnes qui ont eu une influence sur ses œuvres et son vécu?

    L’été le plus chaud est passé non sans de gros problèmes. Ainsi, en regagnant ses pénates à scooter après un spectacle mémorable, Huguette n’a pu éviter la bordure d’un trottoir et est tombée lourdement. Elle s’est fracassé la tête contre le bitume. Le scooter hors d’usage a été remboursé par l’assurance mais la tête a été cabossée, et nous voilà avec une nouvelle Fée Carabosse dans les environs! La tête remise en place, elle a ensuite enduré des hématomes internes aux hanches et aux chevilles qui ont nécessité des soins hospitaliers douloureux et difficiles à supporter pour une personne aussi active. Manière de résumer son accident, Huguette a fait part à ses amis, amies, admirateurs et admiratrices que « Tout le monde : policier, ambulanciers, médecins, infirmiers s’est exclamé: «Madame, vous faites encore du scooter à 80 ans!!! … Il est grand temps d’arrêter. »

    Heureusement, un automne très humide permet à Huguette de bien digérer son abandon forcé du scooter.

    Tombée en amour avec la Grèce il y a bien longtemps, Huguette Junod a beaucoup écrit sur et autour des héros de ce pays. Elle y effectue d’ailleurs chaque année un séjour de quelques semaines pour se replonger dans son passé récent et celui plus ancien des héros et héroïnes mythologiques. Enseignante de métier, Huguette est passionnée d’écriture, aussi participe-t-elle, en 1984, à un marathon de plume et rédige-t-elle le récit de cette expérience marquante qui lui a permis d’écrire «des choses» qu’elle n’aurait jamais osé écrire dans d’autres circonstances. «Ceci n’est pas un livre» obtient le Prix des Écrivains Genevois 1986, que les maisons d’édition sollicitées refusent de publier. Huguette décide alors de créer les Éditions des Sables pour sortir son premier ouvrage de prose. En trente-cinq ans une centaine d’auteurs ont été publiés. Deux livres sur trois sont des recueils de poèmes.

    Adorant les réunions où les amateurs de littérature se rencontrent, Huguette est de tous les salons et ne rate pas une occasion de faire connaître ses œuvres et celles de ses auteurs. Les lectures bisannuelles au cimetière des Rois sont devenues célèbres et voilà que le samedi 16 décembre dernier, invitées pas les Bains de Pâquis, les Éditions des Sables ont présenté un sympathique récital de poèmes sur les thèmes de l’amour et de la mort lus par sept de ses auteurs et autrices. Une yourte pleine et bien chaude malgré une bise perçante a pu apprécier des poèmes bien construits et lus avec conviction, avec amour? Un excellent moment de culture et un apéro rafraîchissant ont enchanté le public.

    Et sachez que lors de cette chouette réunion, Huguette a dit un peu tout ce que je désirais lui demander. Tout, tout, tout, vous saurez tout sur… la poésie!
    Vous souhaitez partager des informations sur votre ville, votre quartier?

    René Magnenat est reporter de quartier pour Signé Genève. Enseignant retraité. Marié, trois filles adultes, il pratique la randonnée, l'écriture, mais à cause du Covid 19, il se languit du chant et du théâtre.

    Voir l'article dans la Tribune de Genève :  www.tdg.ch/figures-genevoises-eros-et-thanatos-dans-une-yourte-aux-bains-696951188868


    "À plusieurs voix", de Concetta Maria Gorgone Castiglione -La Notizia di Ginevra, Décembre 2023

    Un libro al mese: Anteprima letteraria di scrittori italiani "À plusieurs voix", di Concetta Maria Gorgone Castiglione

    Questa recensione parla del libro "À plusieurs voix", scritto in lingua francese da un'autrice nata a Ginevra.

    Quest'ultima affronta una serie di domande personali, in particolare su come raccontare la sua infanzia e adolescenza in Sicilia e quali voci risuonino nella sua mente quando si avvicina ai momenti intensi vissuti in questo luogo. L'autrice risponde a queste domande attraverso uno stile epistolare che dà voce alle donne della sua famiglia, mettendo al centro la figura materna "moderna" che si è emancipata dalle regole patriarcali degli anni '50.

    La madre, oggetto centrale del racconto, non solo ha lasciato la Sicilia per andare col marito in Svizzera ma ha anche intrapreso un viaggio interiore significativo. Il libro tratta del viaggio nella memoria dell'autrice, che diventa anche un viaggio nella memoria della madre e stabilisce una conversazione tra donne.

    Un elemento interessante menzionato è la difficoltà che l'autrice ha affrontato nella scelta della lingua in cui scrivere il libro. Ha considerato sia l'italiano che il francese ma alla fine ha optato per il greco moderno, una lingua che studia da parecchi anni, anche per ottenere una maggiore distanza emotiva. L'autrice ha poi tradotto il testo dal greco al francese, dando vita a queste lettere che rappresentano un modo di viaggiare e raccontare a livello linguistico. L'autrice ha descritto questa esperienza come euforica e intensa.

    Il libro è disponibile presso la Librairie du Boulevard e la libreria La Dispersion (Mamco) e può essere ordìnato sul sito internet delle Editions des Sables.


    Philippe Bonvin, Lettres d’hivernage numéro 2

    Dans ces Lettres d’hivernage, nous avons choisi de réunir les voix qui nous veillent, celles qui s’assemblent pour bâtir des oasis, non pour rendre ce désert simplement habitable et nous y habituer comme le craindrait à juste titre Arendt, mais au contraire, essayer sans relâche d’en circonscrire l’avancée. Ce recueil de poésie s’inscrit dans le sillage de la Charte du Verstohlen avec Cynthia Fleury et Antoine Fenoglio pour penser des lisières, définir « Ce qui ne peut nous être volé. »

    Comme le souligne Cécile Oumhani : La terre est notre maison à tous

    Trois poèmes de Philippe Bonvin sont publiés dans ce numéro.


    Lecture de Tes fleuves sont la mer, recueil de poèmes de Michèle Makki - Maison des arts du Grütli, Genève - 31 mai 2023

    Les Éditions des Sables sont heureuses de vous inviter à la découverte de Tes fleuves sont la mer, recueil de poèmes de Michèle Makki

    le mercredi 31 mai 2023 à 18h15

    à la Maison des arts du Grütli

    16, rue Général-Dufour, 1204 Genève

    Lecture par l’auteure, accompagnement musical de Claude Prélo.

    Entrée libre, vente du recueil sur place.

    Nous nous réjouissons de vous y accueillir.

    Michèle Makki, Huguette Junod et les Éditions des Sables


    PHILIPPE BONVIN : HAÏKUS DU CONFINEMENT, Ou’tam’si Mag 

    Philippe Bonvin : «À l’annonce du confinement, sachant que la période qui s’ouvrait serait inédite et particulière, j’ai décidé de tenir un journal intime poétique. Le journal intime permet de retranscrire sur le papier, sans aucune retenue ni censure, ses états d’esprit. Il offre également un espace d’introspection»
    Le nouveau recueil de Philippe Bonvin nous plonge au cœur du confinement et nous projette vers l’avenir.

    Haïkus du confinement fait référence à la Covid-19, au délitement du lien social, au vide, mais aussi à l’après-confinement. Pourquoi avoir choisi cette thématique ? Pourquoi avoir choisi le haïku pour dire cette expérience ?

    À l’annonce du confinement, sachant que la période qui s’ouvrait serait inédite et particulière, j’ai décidé de tenir un journal intime poétique. Le journal intime permet de retranscrire sur le papier, sans aucune retenue ni censure, ses états d’esprit. Il offre également un espace d’introspection.

    La forme brève du haïku qui, en quelques mots, va à l’essentiel m’est apparue comme un excellent moyen de transcrire cette période d’enfermement involontaire, de repli du monde, mais aussi mes pensées, mes peurs ou mes attentes.

    Quant aux références qui apparaissent (au délitement du lien social, au vide, à l’après-confinement), ces thèmes ont surgi d’eux-mêmes, au fil des jours et du travail d’écriture, mon but étant de montrer mon quotidien et l’impact du confinement sur mes pensées, mon quotidien.

    J’imagine que la Covid-19 ou plutôt le confinement a été ta plus grande source d’inspiration dans la rédaction de ce recueil. Alors, quel en a été le processus d’écriture ? Y avait-il des moments de doute ou de peur ?

    L’écriture est un acte solitaire qui, dans son processus de création (que je distingue du travail de correction), me permet de m’évader et de poser mon regard ou ma perception du monde sur le papier (mon précédent recueil poétique intitulé Rwanda se concentre sur la période sombre du génocide).

    Quotidiennement, dans une sorte de gymnastique intellectuelle, mais aussi de jeu, j’écrivais quelques mots ou phrases, construisant des haïkus. M’installer à mon bureau, au calme, me permettait, malgré l’enfermement du confinement, de rester en lien avec le monde extérieur et les préoccupations liées à la Covid-19. Ces moments d’écriture, entre la page blanche et moi, sont vite devenus des instants particuliers, salvateurs.

    J’ai vécu la période du confinement comme une succession de doutes, de peurs, de questionnements face à cette pandémie et à la situation sanitaire mondiale. Les informations provenant des médias résonnaient en moi de manière anxiogène, avec par exemple le décompte quotidien des personnes infectées, hospitalisées ou malheureusement décédées. Toutes ces informations tournant en boucle m’agressaient de plus en plus. L’écriture me permettait de prendre de la distance face aux flots d’informations relayés par les journalistes et les nombreux spécialistes qui dressaient un tableau bien sombre dont je désirais m’échapper.

    En tant que poète, comment t’es-tu imaginé l’après-confinement ? Il me semble que ce recueil est venu au bout de quelque chose ; tu as utilisé le haïku pour faire le tour de l’humain en contexte de réclusion forcée,

    Plongé dans cette période de confinement, presque à bout de souffle, en apnée, j’ai eu beaucoup de peine à imaginer l’après-confinement. Le plus important était de pouvoir sortir de cette réclusion forcée (je parle de prisonnier dans un haïku) afin de retrouver une vie « normale » et des libertés.

    Voyant la nature reprendre ses droits, des dauphins nager dans le port de Venise, la qualité de l’air s’améliorer, pour ne prendre que quelques exemples, j’ai espéré une prise de conscience globale et forte, permettant à chacun de se positionner différemment face à son rapport à la consommation, aux ressources naturelles que nous pillons et à une fuite en avant dont la vitesse ne cesse de s’accroitre. Mais je dois avouer que je me suis trompé.

    Proche de chez moi, de nombreuses initiatives de maraîchers ou de cultivateurs ont proposé la confection de paniers, livrés à domicile, afin de créer des circuits courts entre les producteurs et les consommateurs. De nombreuses personnes ont été séduites par ces initiatives, rapidement oubliées à la fin du confinement, reprenant le chemin des grandes surfaces qui n’offrent pas toujours la traçabilité de l’origine des denrées.

    Sans développer une vision idyllique de l’après-confinement, j’ai espéré un changement profond de la société qui ne s’est malheureusement pas réalisé. Je crois, par contre, que chacun a eu un plaisir intense à retrouver un lien social, physique et direct et non pas par écrans interposés, à vivre ensemble des émotions particulières, dans des salles de concert ou de théâtre, mais aussi simplement dans les restaurants ou les bars. J’espère que la société occidentale est devenue un peu moins individualiste.

    En quoi l’écriture peut-elle être un catalyseur des relations humaines, à la reconstruction de soi et au développement des possibles ?

    L’écriture permet à l’écrivain de plonger en lui-même, sans retenue ni tabou, d’autant plus dans le cadre d’un journal intime ou d’un travail poétique, abordant toutes les facettes de sa personnalité, de la lumière ou l’obscurité, et du monde qui l’entoure. J’ai abordé cette plongée comme une chance de retranscrire mes états d’esprit dans cette situation de confinement qui poussait chacun dans ses retranchements.

    En réfléchissant au monde qui l’entoure, en acceptant de dévoiler ses états d’âme et en dévoilant une forme d’intimité, l’écrivain propose une réflexion sur lui-même, mais aussi sur les autres, sur chacun d’entre nous, ouvrant ainsi, obligatoirement, des perspectives qui ne seraient peut-être pas apparues sans ce contexte.

    Outre ce processus d’écriture, lorsque le livre physique paraît, cette réflexion qui peut sembler nombriliste pour certains éclate au monde. La perception de l’écrivain se confronte aux pensées des lecteurs dans un échange qui permet à chacun d’évoluer, de progresser dans ses recherches personnelles. Le travail solitaire devient partage.

    Comment as-tu découvert le haïku ?

    Il y a déjà longtemps, je me suis intéressé à la littérature japonaise (Mishima, Taniguchi, Kawabata, Ogawa, Shimazaki, …) découvrant, avec plaisir, une manière différente d’écrire, d’aborder le monde, mais surtout de décrire les sentiments. C’est dans ce prolongement que je me suis plongé dans la lecture de haïkus de Basho, Buson, Issa ou Takuboku que j’apprécie particulièrement et dont les écrits sont au centre d’un de mes manuscrits « Fumées ».

    J’ai immédiatement été séduit par cette forme brève, très codifiée tant du point de vue métrique que des thématiques abordées (les saisons par exemple). Mais avant cet ouvrage, je ne m’étais jamais vraiment essayé à cette forme poétique.

    Lorsqu’on parle de poésie, on a souvent tendance à penser à la rêverie, à l’émotionnel, au sentiment… Bref, parfois les poètes sont traités de personnes hors du réel. Quel est ton rapport à la poésie ? Pourquoi, selon toi, les gens ont-ils des préjugés sur la poésie ?

    Je crois que de nombreux lecteurs se font une idée fausse de la poésie, probablement liée à des souvenirs d’enfance, l’obligation d’apprendre par cœur des strophes et à les réciter. De plus la poésie garde l’image d’un genre littéraire particulier, réservé à quelques initiés, alors que pour moi elle est partout. Pour preuve l’intérêt grandissant pour la scène slam qui attire beaucoup les jeunes. Les programmes scolaires n’incluent encore que très peu de poétesses ou poètes contemporains, même si j’ai découvert, il y a quelques semaines, que l’ouvrage « Mes forêts » d’Hélène Dorion serait enseigné, dès l’année prochaine, aux bacheliers français.

    D’un point de vue personnel, même si j’ai toujours autant de plaisir à découvrir de nouveaux romans, je lis de plus en plus de poésie, du monde entier, subjugué par cette forme d’écriture que je compare à une flèche qui, en peu de mots, aborde l’intime et l’invisible, le quotidien et l’universel.

    La poésie, c’est un peu cette réalité à la fois temporelle, intemporelle et atemporelle. En quoi le confinement peut-il être considéré comme un marqueur temporel qui a porté le temps et détourné le monde de sa vie habituelle ? Qu’a-t-il (confinement) proposé à l’humanité ?

    À l’annonce du confinement, chaque individu savait, sans en connaître la durée exacte, que cette période serait transitoire et se terminerait. Mais cet enfermement involontaire, plus ou moins strict selon les pays, avec la peur d’une contamination qui pouvait devenir synonyme de mort, a obligé les différentes populations à couper les liens sociaux habituels et se retrancher derrière un écran pour télétravailler ou échanger avec ses proches, certains organisant même des apéros zoom!

    A Genève, des frontières entre la Suisse et la France, pourtant traversées quotidiennement par des dizaines de milliers de personnes, étaient fermées par des blocs de béton, comme si nous étions en guerre, séparant des amis, des familles. Un tel événement ne peut donc qu’être historique, un marqueur temporel dont chacun se souviendra.

    La fermeture de tous les lieux de rassemblement couplé aux frontières et aux couvre-feux ont poussé la population à vivre dans un périmètre qui s’est soudainement contracté permettant à certains de découvrir ou redécouvrir une vie différente, plus simple, sans artifices, proche de la nature et des saisons.

    C’est cette sorte de parenthèse, de respiration que j’ai voulu retranscrire en mots pour en garder une trace.

    Tu emploies souvent le terme de « silence » dans le recueil. Peut-on le définir en partant de ta posture ?

    Il n’y a pas le silence, mais des silences. Musicien de formation, je suis très sensible aux silences entre les notes, les accords ou phrases musicales, car ils sont le fondement de la musique.

    Je perçois le silence comme une respiration, un temps de réflexion entre l’énoncé de phrases, mais également entre des personnes propice à des échanges différents, d’une autre densité. Le silence permet un retour à son intériorité, à l’intime, à l’essentiel.

    Dans mon travail d’écriture, j’ai remarqué, depuis des années, que j’ai de plus en plus besoin d’un environnement calme, sans musique ni éclats de voix, pour écrire. Et j’ai la chance, à mon bureau, de pouvoir ouvrir les fenêtres et entendre les oiseux, laissant entrer juste ce qu’il faut de vie pour que mon esprit soit en éveil.

    Le dernier haïku du recueil est-il un appel à l’espoir ?

    Fenêtres ouvertes
    Des plantes dansent
    Dans le reflet de la vitre

    Sans respecter la métrique stricte des haïkus, j’ai voulu garder l’essence thématique de la nature (qui était par ailleurs au centre de mon quotidien et de mes pensées). Ce haïku, qui ferme ce recueil, est évidemment un appel à l’espoir. Mais j’ai remarqué, en parcourant mon livre pour cette interview, que tous les haïkus qui parlent de la nature sont porteurs d’espoir, d’un certain apaisement, parfois même méditatif.

    Face à cette période trouble qui exacerbait les peurs et une certaine obscurité, j’ai ressenti le besoin, pour rompre cet enfermement, d’ouvrir grand les fenêtres pour laisser entrer cette nature, printanière, pleine de vie. Alors que les hommes étaient cloîtrés chez eux, dans un environnement confiné, la nature, elle, vivait sa perpétuelle renaissance printanière. Cette thématique s’est donc imposée d’elle-même et je souhaitais qu’elle clôture ce recueil.

    Quel idéal peut-on se donner après le confinement ?

    Je ne suis pas d’un caractère optimiste et malheureusement les changements sociétaux que j’avais envisagés ne se sont pas produits.

    Néanmoins, si chacun d’entre nous parvenait à garder en mémoire les questions et les doutes qui sont apparus durant cette période et y revenir régulièrement, cela permettrait de ne pas oublier à quel point la liberté est importante. Liberté de mouvement, de pensée et d’écriture.

    Merci Philippe !

    Merci à toi, ma chère Nathasha Pemba.

    Article en ligne : outamsimagazine.com/2023/05/08/philippe-bonvin-haikus-du-confinement/

    De la postichité des fleurs, de Thibaud Mettraux - Revue Archipel, avril 2023

    L’amour et l’amer

    Archipel · 10 avril 2023

    Le pédantisme excentrique du titre connote bien des choses : une rareté sophistiquée, mais d’une sophistication si guindée qu’elle doit être la trouvaille d’un espiègle dandy, résolu à jouer, dès le seuil, avec son lecteur, c’est-à-dire à en faire sa dupe en même temps que le compagnon de sa musette. Mais, dans cet alliage sémantique hétéroclite qu’est le titre, c’est aussi – je crois – une singularité qui s’annonce, un nom qui surgit dans le champ poétique.

    Peut-être faut-il préciser d’emblée que le premier recueil de Thibaud Mettraux s’adresse avant tout aux amis de la forme : il faut, pour entrer dans cette œuvre, aimer les audaces de la rime et les libertés du vers tantôt bien fait, tantôt défait, parfois encore plaisamment malmené ; il faut peut-être aussi avoir fréquenté l’histoire de la poésie – et particulièrement ses inflorescences modernes (Rimbaud, Verlaine, Mallarmé, etc.) – pour appréhender le positionnement poétique qui se dessine au fil des pages ; il faut, enfin, apprécier les cryptages, les suggestions du mi-dire, les amphibologies, ces soustractions de sens ne recouvrant ni ne découvrant au final rien que « le scandale de la trivialité » (7) : la vie, le sexe, l’amour.

    Mais si l’on saisit bien des choses, le je lyrique restera, mieux que Protée peut-être, insaisissable. Le sujet lyrique est à la fois enfantin et roublard, cruel et tendre, cauteleux et candide, poissard et précieux. « Comptine » (16-17) exprime bien cet ensemble de dualités ; le poème y devient miroir des ambivalences du sujet qui exhibe ses masques et sa duplicité mélancolique. Mais le caractère équivoque du sujet lyrique est aussi psycho-sexuelle (voir « Lendemains », 37) et renvoie à la bifidité d’une voix qui oscille entre l’énonciation masculine et féminine, mais aussi d’un désir, entre l’homme et la femme, entre le père « qui ne fait pas la sourde oreille » (exergue) et la nausée du mal de mère à la dernière page (61), à la dernière ligne. Insaisissable, l’instance d’énonciation l’est aussi parce que, dès la « Préface » (12-13), elle retire toute justification à l’acte poétique, celui-ci étant réduit au rang de bibelot métaphysique réservé à l’enfance et à ses émerveillements exaspérants. En d’autres termes, la raison du poème n’est jamais qu’un puéril prétexte et se situe, pour cette raison, en-deçà de l’intensité poétique, inégalable. Toute possibilité de transcendance se voit congédiée parce qu’irrévocablement « tiède » (13). 

    C’est que les fleurs, n’est-ce pas, sont postiches : elles sont faites et ajoutées après coup, artificielles apparences que la virtuosité seule anime ; elles sont feintes aussi, affectées et parfois mensongères ; mais surtout, elles remplacent, comme une fausse barbe, quelque chose qui fait défaut, qui peut-être fit défection. Le poème est une forgerie tracée par le manque, un clin d’œil ironique à l’équivoque, un dégrisement encore gris, encore ivre. Mais si la recherche des intensités demeure, si le sujet lyrique repousse « la vie sans heurts », il reste pourtant, à la chute de « Entre le cloître le verger » (22) comme une faille de dérision : « Seule une fleur qui ne s’inquiète / Vole au vent », le mouvement insoucieux et ascendant rappelant aussi la gastronomie des cantines d’école : présence infime de la régression et du mauvais goût ?

    L’ivresse n’est pas seulement lyrique et les alcools ne sont pas juste des poèmes : récits elliptiques de biture, confessions d’un « golden-boy en chevalière » (35) ; confidence et gueule de bois de celui qui n’a « jamais été du lendemain » (23). La progression brisée du vers (en italique) dans « Des crépuscules » signale, par le retour brutal à la prose (en romain), l’horizon pulsionnel autodestructeur des soirées qui s’achèvent, au matin, quand le je finit par « s’écrouler sur le bitume au-devant du magasin qui borde votre allée » (38). C’est que si la sensualité déliée du sexe est fort présente sous forme d’ « Invite » (18) ou d’« Alternative » (49) peu glorieuse, l’amour et le chagrin qui va avec ne sont jamais bien loin. 

    L’amour apparaît comme le noyau du recueil. Il irradie, plein et chaud comme la plage sur « la baie de Bahia » (46), comme le corps de l’aimée, comme « le bracelet du mois d’août » (46), symbole naïf du lien et du deux qu’il noue dans l’extase. Il donne aussi sa structure chiasmatique au recueil, les répliques échangées par « L’Autre » (14 et 55) et « L’Un » (15 et 56) se situant en ouverture, puis en fermeture de l’œuvre. Ce chiasme figure le début et la fin d’une relation ; il enferme ou sertit le souvenir si cher, maudit et médite la rupture dont, le plus souvent, il désespère – par exemple dans « Convert » : « Il n’est depuis toi plus / Que d’équilibre idoine / Et moi que l’on connut / Pitre je vis en moine » (57). À bien y réfléchir, la séparation est figurée d’emblée sur le blanc qui séparent les pages : il n’y a pas de « et » entre l’un et l’autre, entre les deux amants. Bientôt, c’est donc l’« Adieu » (60) qui clôt presque le recueil et cicatrise la plaie en achevant « l’état des lieux » (60). 

    Insaisissable, je l’ai dit : on devine, on subodore, on flaire dans les labyrinthes et les recoins de l’œuvre ouverte, on fleure les parfums dans les allées du jardin clair. On assiste au scandale ordinaire du drame amoureux, on s’égare dans les « déserts / Abreuvés et nomades » (61). Singulier, je l’ai dit : par ces raffinements de fausset ; par la virtuose artificialité de cette musique postiche qui n’atteint rien, sans doute, que l’expression du manque ; par le refus ironique, enfin, opposé à toute patrimonialisation symbolique (« Pastorale, 19-21), à toute immobilisation du vers. L’écriture n’est alors peut-être rien que la dérive enivrante de la forme, ce recueil le témoignage fragmentaire des possibilités infinies qu’elle ouvre.

    Vivien Poltier


    Pier Paolo Corciulo interviewé par le Club du Livre pour ses livres « Entre-peaux » et « Le cri des mouettes »

     

    Des avenues et des fleurs | Le blog de Dunia Miralles - Le Temps, Juin 2021

    Menstrues : le cycle menstruel pour inspiration

    Six ans après le mouvement #MeToo et les dénonciations des sévices endurés par le corps des femmes, il est intéressant de lire – ou de relire – Menstrues de Linda Speer. Paru en mars 2016, soit 18 mois avant les manifestations du mouvement qui dénoncent les violences – notamment gynécologiques – faites au genre féminin, Menstrues a, en arrière-fond, une musicalité qui présage les événements à venir. Entre autres, le combat pour que les serviettes hygiéniques et les tampons ne soient plus taxés comme des produits de luxe, mais comme des biens de première nécessité.

    Suite de l'article ici.

     

     

     

     

    Un livre 5 questions : « Il s’agit de ne pas se rendre » d’Anouk Dunant Gonzenbach - Vivre après un deuil prénatal

    En été 2006, l’auteure subit un deuil périnatal à cinq mois de grossesse. Au fil des mois et des années, elle se questionne sur la manière de réagir face à un drame aussi hermétique duquel il est si difficile de se relever. Autrefois les familles étaient davantage préparées à endurer la perte d’un être tant désiré. De nos jours en revanche, où la confiance en la médecine est presque entière, personne ne songe qu’une grossesse pourrait mal tourner. Que les vies de la mère et de l’enfant peuvent soudainement basculer vers la tragédie. Or, comment se mettre d’accord avec l’existence et soi-même suite à un événement indicible, quel qu’il soit ? Rédiger le livre Il s’agit de ne pas se rendre, réflexions sur l’espérance a permis à Anouk Dunant Gonzenbach de retrouver une certaine sérénité.

    Suite de l'article ici.

     

     


    «Il s’agit de ne pas se rendre», Anouk Dunant Gonzenbach - Migros Magazine n° 12/2021

    Lire l'article : https://www.ed-des-sables.ch/docs/Migros-Magazin-12-2021-f-GE-p.60-61.pdf


    "Au fil des jours", un livre de Aline Reymond - RCF (01-03-2021)

    Aline Reymond, poète, au micro de Montagnes en poésie, sur RCF. Un choix proposé par Françoise Rossier.
    Un livre à savourer par petites touches, à oublier sur une table, au fond d’un sac, à laisser ouvert sur une saison, une image, une émotion.


     

    La Liberté (15-02-2021) - Miriam Gfeller, témoignage d'une femme blessée qui guérit


    Tribune de Genève (30.01.2021) - Huguette Junod et les 50 ans du droit de vote féminin


    Simplement comme c’est, de Vince Fasciani - Messages de deux lectrices

    Cher Vince,
    J’ai lu ta Poésie ininterrompue, quelle beauté.
    Mais je n’ai pas de paroles pour le dire mieux.
    Comment dire ce dialogue sans fin avec soi-même, ce flux de la vie.
    Je peux dire que le mystère de l’homme Vince, et de tout être humain, reste insondable, et ta poésie transmet ce mystère comme seulement la poésie, ta poésie, peut le faire.
    Un merci total, Vince.
    Teneramente,
    Donatella


    Je viens de lire ta poésie ininterrompue, presque d'une seule traite, en lisant à voix haute et parfois dans ma tête. Un texte qui est la vie, dans lequel on se sent uni aux autres mais parfois seul au milieu de la foule. Un contraste et un lien entre la vie quotidienne et une vie intérieure riche. On sent le mouvement, le voyage, la sensualité et le fantasme. Puis à nouveau la réalité. On se sent ballotté, un peu bousculé mais avec toute ta douceur. Ta poésie, c'est la vie, et un petit supplément d'âme, comme on dit.                    

    Et ces phrases marquantes :

    je tremble de poésie comme un drap au vent
    je suis toujours au moins la moitié d'un autre être humain                                          

     Merci Vince. Merci pour ta générosité !
    Christine

    Simplement comme c'est - coup de coeur de la librairie Payot

    Article de Gland Cité (Septembre 20120) – Renaud en poésie et en image image

    Chroniques littéraires de Laura Maxwell (16 .08.2020) – Semaisons de silences de Sophie Parlatano

    Il faudrait un « v » à la place du « t » de Parlatano ce qui signifierait : elles parlaient. Est-ce cette racine dans son nom qui pousse l’auteure a écrire des poèmes en opposant de façon régulière le thème de la parole à celui du silence ? Peut-être…

    Lire la suite de l'article : https://ellealu.com/2020/08/16/semaisons-de-silences-de-sophie-parlatano-aux-editions-des-sables/

    Article de La Côte (21.06.2019) – Le p’tit poète de Gland cultive l’arrêt sur image


    Renaud Rindlisbacher célèbre la nature et s’en inspire, en mots en en images.


    Renaud Rindlisbacher invite à méditer sur le temps et la nature. Rencontre avec un rêveur du cru.
    Par Marion Police

    «Le pire c’est qu’à l’école, j’étais hypermauvais en français! Jusqu’en 9e année, d’ailleurs j’ai encore…», il se lève d’un bond, s’engouffre dans la maison familiale et ressurgit sur la terrasse avec un exemplaire de l’«Anthologie de la poésie française: de Villon à Verlaine». C’est avec ce petit volume que Renaud Rindlisbacher prend goût à la poésie alors qu’il est adolescent.

    Loin des dictées, poésie rime avec liberté. «J’ai analysé «Le Dormeur du val» de Rimbaud, je l’ai trouvé très beau. J’écoutais pas mal de rap, je faisais du basket… tout ça m’a poussé à écrire», résume le jeune père de famille. Un atelier de poésie au sein du groupe de jeunes de l’Église protestante achève de l’enthousiasmer. Aujourd’hui, il partage son temps entre un poste de diacre, ses deux filles, l’écriture et les sorties pour capturer – dans sa carte SD – les hôtes de nos bois. [...]

    Lire la suite de l'article : https://www.lacote.ch/articles/regions/district-de-nyon/le-p-tit-poete-de-gland-cultive-l-arret-sur-image-849047

    Article de Gauche Hebdo (22.05.2020) - Un regard étranger sur Genève

    Spécial Confinement

    Pendant toute la période de confinement du à la pandémie de coronavirus, les Éditions des Sables ont mis gratuitement à la disposition du public la version numérique de ses derniers titres parus. Nos auteurs ont beaucoup écrit pendant cette période et une compilation de ces textes sera bientôt publiée.

    La Côte, 5 mai 2020


    Lien vers l’article : https://www.lacote.ch/dossiers/coronavirus/articles/coronavirus-la-lettre-aux-aines-de-marie-jose-astre-demoulin-934122

    Tribune de Genève, 7 mai 2020

    Article de La Tribune de Genève (3 janvier 2020) - Qui a éteint le feu?

    Jean-Noël Cuénod rend justice aux sorcières, par Benjamin Chaix

    Lire l'article (PDF)

    Article de UN Special (Décembre 2019) - Si Genève et l’ONU nous étaient contés…

    Entretien avec Marie-José Astre-Démoulin autour du livre « Genève, Émois », publié aux Éditions des sables.

    Lire l'article


    Article de Gauche Hebdo (08.11.2019) - L’eau mise en vers ou la richesse de la poésie

    Voir l'article et l'édition complète de GH du 8 novembre 2019


    Article du Courrier (24 octobre 2019) -Zoom sur les petits éditeurs

    Les Sables, Cousu Mouche, Héros-Limite… Les petits éditeurs tiendront salon le 2 novembre à Chêne-Bougeries.

    Le Courrier, jeudi 24 octobre 2019, Marc-Olivier Parlatano (lien vers l'article)



    Le Salon en 2017. Melissande P. Photography

    Qu’il soit tenté de boire un thé ou un café avec un-e auteur-e, d’écouter des poèmes sur le thème de l’eau ou de découvrir maintes petites maisons d’édition, le public trouvera à coup sûr son bonheur au Salon des Petits Editeurs. Celui-ci se tiendra samedi 2 novembre à Chêne-Bougeries.

    Au fil de cette journée, Guillaume Pidancet fera découvrir divers-e-s auteur-e-s des maisons d’éditions présentes: les Editions des Sables, des Syrtes, Notari, Héros-Limite, Plaisir de Lire, Samizdat, Cousu Mouche, Encre Fraîche, Pearlbooksedition, entre autres. Une trentaine d’éditeurs seront de la partie, et avec eux divers auteur-e-s, dont Anne-Sophie Subilia (Les Hôtes), Olivia Gerig et Olivier May (L’Etrange Noël de Sir Thomas) Mathias Deshusses (Mission au Darfour) Véronique Timmermans (Tel un étang profond), etc. Des séances de dédicaces sont prévues. Claude Tabarini à la percussion et Marc Sierro au violoncelle improviseront au long de la journée.

    D’un débat à l’autre – voyage, frontière entre fiction et réel, passage «de la douleur à l’écriture» seront abordés –, le Salon durera de 9h30 à 18h à la salle Gauthier, route du Vallon. A 17h30, le suspense prendra fin avec l’annonce de la lauréate ou du lauréat du Prix littéraire chênois. Une balade littéraire est prévue (13h15) avec René-Marc Jolidon (Oxalate), Mathilde Vischer (Comme une étoile tombe dans la nuit) et quelques autres écrivain-e-s. Une table ronde (15h) aura pour sujet «Au cœur des mots, les femmes» et sera suivie d’une autre dédiée au thriller, «Les recettes du frisson» (16h15) où interviendra parmi d’autres Jean-Michel Morel (Retour à Kobané) qui a publié un thriller politique proche-oriental. A noter que les enfants ne sont pas oubliés: les éditions de La Chaussette proposent des jeux, tandis que l’Atelier des Sources organise un atelier de fabrication de livres d’artistes (dès 7 ans). En perspective se profile une journée qui donnera une visibilité à toute une mosaïque de petits éditeurs, à un peu plus d’un mois et demi de Noël.

    Samedi 2 novembre, de 9h30 à 18h, salle J.-J. Gauthier, 1 route du Vallon, Chêne-Bougeries GE), petitsediteurs.ch


    Article de Gauche Hebdo sur Mission au Darfour de Mathias Deshusses (13 septembre 2019)

    Voir l'article sur le site du journal


    article de Jean-Paul Gavard-Perret sur Cécile Xambeu dans le journal 24 heures (09/04/2019)

    Créatrice polymorphe et performeuse au sein de sa compagnie genevoise « C’est quand qu’on va où » qui séduit actellement le canton suisse et ses environs [...] Cécile Xambeu est aussi la poétesse enjouée et grave des sentiments universels. [Lire la suite ...]


    Article de Tatiana Tissot dans le magazine Coopération sur Maman, je veux retourner dans tes entrailles de Méliké Oymak (10 février 2019)

    Meliké Oymak a publié son premier roman à 18 ans. Son style comme les thématiques dures abordées ne laissent pas indifférent ... [Lire la suite] [PDF]


    Article de Gauche Hebdo sur Maman, je veux retourner dans tes entrailles de Méliké Oymak (14 décembre 2018)

    Voir l'article sur le site du journal


    Article du Messager sur Où sont passées les odeurs de foin... de Pierre Jaquier (5 octobre 2018)

    Article du Messager (05/10/2018)
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    Article de "La Côte" sur Confession d'une dyslexique d'Amanda Oriol (14 mai 2018)

    Les lettres deviennent sa force

    Amanda Oriol

    Amanda Oriol apprivoise depuis toujours sa dyslexie. Elle se confie dans un livre pour aider à comprendre ce handicap

     « Attends, attends... Tu es en train de me dire que tu es dyslexique et que t'as pris Lettres ? T'es un peu suicidaire, non ? - Ben non, Parce que malgré ça, ce que j'aime le plus, ce sont les mots, la littéra­ture, je rêverais d'être écrivain. » Un comble, diraient certains en découvrant ces lignes. Amanda Oriol ne compte même plus le nombre de fois qu'elle a entendu ces remarques. De l'école au gymnase, puis à l'Université, les commentaires ne lui ont jamais laissé de répit. Car on l'a diagnostiquée dyslexique sur les bancs primaires. Et que ce handicap, qui lui fait avoir une relation différente de la normale avec les mots (lire ci-dessous), ne se guérit pas.

    Pourtant, elle n'a jamais cessé de se battre. Depuis toujours, elle avait un rêve. « Sa revanche », comme elle aime le dire, se trouve aujourd'hui entre ses mains. 135 pages fraîchement sorties des Éditions des Sables, où les lettres qui lui ont toujours joué des tours sont finalement devenues sa force.

    Écrire pour se libérer

    La Préverengeoise de 24 ans dédicaçait son premier ouvrage « Confession d'une dyslexique » la semaine dernière au Salon du livre de Genève. Anecdotes, périodes de doute ou de confiance, elle couche sur papier son intimité, avec toujours l'ambition d'en rire, plutôt que d'en pleurer : « Ma mère me conseillait d'écrire quand ça n'allait pas. Un jour, en rentrant de l'uni, j'ai vu que rien ne changeait, que c'était encore bien compliqué de justifier les réaménagements dont j'avais besoin. Je me suis assise à une table et j'ai commencé à écrire toutes ces choses. »

    Et puis elle devient auteure

    C'était il y a trois ans. Vingt-sept premières pages, envoyées à des maisons d'édition, et pas de réponse. « On me donnait des conseils, mais jamais de retour positif … je me serais arrêtée là, mais on m'a emmenée air Sa1on du livre un an plus tard pour y distribuer l'écrit à d'autres maisons. ]'étais un peu déprimée car une personne m'a dit qu'elle ne publiait que des récits d'experts. Mais qui est plus expert en dyslexie qu'une dyslexique ? »

    Finalement, une lettre arrive à Noël, l'an dernier. La machine se met en marche. Une ancienne enseignante, à la tête d'une maison d'édition et rencontrée au salon justement deux ans avant, est touchée par son histoire.

    « Quand tout s'est accéléré, je stressais ! Je voulais faire lire ça aux profs, aux parents, aux logopédistes qui suivent les dyslexiques, et les faire rire. »

    Car la dyslexie est un réel handicap, mais invisible. À cela, Amanda répond de manière poignante dans son récit : « Comment se défendre lorsque la personne en face de vous n'a aucune preuve que vous souffrez d'un handicap ? Dans ces moments-là, tu te sens seule, tu t'en veux à toi-même. T'as envie de leur dire : « Mais un aveugle a droit à une canne, un sourd à une personne qui lui communique les informations. » Un dyslexique a besoin d'un peu plus de temps. Juste plus de temps. » C'est tout le fond du problème. Ce temps en plus, ces consignes de tests dans une police de caractère plus simple et agrandie. Amanda n'a cessé de devoir se justifier. Au quotidien. Mais cela en a valu la peine : elle est titulaire d'un bachelor en histoire de l'art et espagnol, et suit actuellement une année propédeutique en école de santé. « J'essaie, dans le livre, de donner des pistes d'explication, mais tous les dyslexiques sont différents. Par exemple, pour moi, la lettre «a» n'est autre qu'un «e» faisant la pièce droite! J'ai donc choisi de publier l'ouvrage avec une police qui m'aide, avec des «a» arrondis.» Le livre est donc paru en Gothic Century, plutôt que la police de caractère communément utilisée dite Times New Roman.

    Son livre rassure et renvoie à la fois cette image effrayante d'une société qui ne veut parfois pas comprendre. Mais Amanda n'a pas pour but de donner une leçon de vie, elle souhaite simplement «faire comprendre, ne serait-ce qu'une petite part du quotidien d'une dyslexique.»

    DYSLEXIE, KÉSAKO?

    Comme le relève l'éditrice de « Confession d'une dyslexique », au début du livre, ce handicap est « un trouble persistant de l'acquisition du langage, caractérisé par de grandes difficultés dans l'acquisition et dans l'automatisation des mécanismes nécessaires à la maîtrise de l'écrit (lecture, écriture, orthographe).»

    «Confession d'une dyslexique», par Amanda Oriol, aux Éditions des Sables. Avril 2018, 138 p. Disponible en librairie.


    Cimetière des Rois, mai 2017

    Le pont Neuf de Carouge rénové ayant été inauguré ce samedi 13 mai avec fanfare, fleurs et discours des deux maires des villes riveraines, j’ai donc enfin osé le franchir, sans crainte qu’il ne s’écroule, pour aller dans le quartier de Plainpalais… l’audace en valait la peine.

    Dans le cimetière de Plainpalais, renommé à bon escient le cimetière des Rois, ne reposent que des célébrités : des politiques, des mécènes et surtout des artistes, et beaucoup d’écrivain-e-s et de poètes.

    Pour fêter les 30 ans de ses Editions des Sables, Huguette Junod a eu l’idée d’organiser des lectures dans ce lieu original, à la fois pour honorer les sommités de la littérature et pour faire connaître les auteur-e-s qu’elle a édités. Ces tours de cimetière ont lieu les samedis 13, 20 et 27 mai de 16 h à 17 h 30. C’est Guillaume Chenevière à la belle voix sonore et à l’immense culture qui a choisi les extraits d’oeuvres et qui guide le public de tombe en tombe. Sous les grands arbres, les pieds dans l’herbe fleurie, j’ai suivi ce premier tour, ainsi qu’une quarantaine de personnes conquises. Moments de découvertes, d’émotion, de rêves avec les jeunes poètes (dont Stéphanie de Roguin), fugaces partages de sagesse devant les tombes de Jean Calvin ou de Denis de Rougemont, sourires en entendant l’ironie d’Alice Rivaz ou d’Emile Jacque-Dalcroze et francs éclats de rire devant le monument controversé de Grisélidis Réal, notoire prostituée et fine écrivaine. Patrice Mugny, ancien maire et également poète édité aux Sables, raconte comment il a pu imposer officiellement la tombe de la prostituée au cimetière des Rois, Guillaume Chenevière lit une lettre de Grisélidis à son ami Jean-Luc où elle se plaint d’aller « vendre son âme plutôt que son cul » à la TV, mais admet que de participer à une émission de variété est finalement plus lucratif et moins pénible qu’une dizaine de passes, Huguette Junod enchaîne avec un de ses poèmes, désopilant, entièrement au subjonctif passé « J’aurais souhaité que vous me distinguassiez, me désirassiez, m’enlassiez… que nous nous enivrassions et que nous nous transcendassions…» Un grand moment d’humour sur le mode du libertinage !

    Et le tour se termine par une verrée dans la boutique « Au grand magasin », 59 boulevard Saint-Georges, dont la minuscule terrasse donne directement sur les arbres du cimetière.

    A découvrir !

    Samedi 20 mai : de nouveaux poètes : Philippe Constantin, Anne Martin, Valérie Morand, Liam, Pauline Desnuelles, et des hommages à Töpffer, Dostoïewski, Jean Marteau, Alice Rivaz, Jeanne Hersch, et à nouveau Calvin, Réal, Rivaz et d’autres célébrités.

    Samedi 27 mai : la poétesse et éditrice Eliane Vernay, Benoist Magnat, le jeune Liam et parmi les écrivains décédés, Ernest Ansermet, Henri de Ziegler, Jorge Borges…
    Et à chaque tour, Grisélidis Réal !


    Pas le temps de courir, de Stéphanie de Roguin

    Stéphanie de Roguin, dont le recueil de poésie «Pas le temps de courir» vient d’être publié, a gagné le prix poésie décerné par la société genevoise des écrivains.

    Fabien Kuhn. Stéphanie de Roguin est reporter de quartier à «Signé Genève» depuis quatre ans. On doit à sa plume alerte des articles aussi variés qu’une redécouverte du musée de Plainpalais ou une série de papiers sur l’économie sociale et solidaire dans le quartier. Depuis peu, elle a migré à La Plaine où elle poursuit son travail d’écriture. Au civil, elle a été enseignante de géographie au cycle d’orientation pour des enfants entre 12 et 15 ans. Une activité qu’elle ne pratique plus, trop occupée avec sa première passion: l’écriture. A sa grande surprise, en décembre 2016, Stéphanie a gagné le prestigieux prix littéraire de la Société genevoise des écrivains (SGE) décerné à un ouvrage de poésie. Rien que ça! «Un jour, j’ai reçu un coup de téléphone de Bernard Lescaze, président de la SGE, qui m’informe de la date et du lieu de la remise des prix. Je jette un coup d’oeil à mon agenda et lui réponds que malheureusement je suis occupée ce soir-là. D’un ton enjoué, il me répond que j’aurai tout de même intérêt à venir puisque… j’avais gagné le premier prix du concours de poésie!» Une heureuse surprise pour cette jeune femme de 33 ans. Mais comment en est-elle arrivée là? Il faut d’abord dire que l’écriture relève pour Stéphanie de Roguin d’une véritable passion, une fièvre, un emportement. «Petite, déjà, je fabriquais des livres en papier et carton et j’écrivais des histoires dedans, pour les anniversaires. C’était un de mes passetemps favoris, un intérêt qui a toujours été vif chez moi, dit-elle.» Cet enthousiasme littéraire a donc débuté avec des petits carnets d’enfant. Il s’est poursuivi à l’âge adulte avec des ateliers d’écriture. «J’aime bien confronter mes écrits avec l’avis des autres», poursuit-elle. Stéphanie en a notamment suivi un, organisé par les activités culturelles de l’Université de Genève et animé par Isabelle Sbrissa. «On a fait des choses qui s’apparentent à de la poésie, mais j’y ai surtout compris que l’on pouvait écrire d’une manière non linéaire, pas forcément avec des phrases bien construites, du type: sujetverbe- complément et j’ai eu envie de creuser cela. Elle creuse, donc. Et petit à petit, avec le temps, la pratique et surtout une bonne dose d’imagination, les écrits sporadiques, jetés sur le papier, comme ci ou comme ça, commencent à s’accumuler. «J’ai chez moi un gros carton plein de feuilles volantes et de bouts de textes épars. Un beau jour, je me suis dit qu’il fallait quand même en faire quelque chose. Quelque chose de construit. Pourquoi pas un recueil de poèmes?» se dit-elle. Et donc, en été 2016, elle se met à l’ouvrage et récolte dans sa boîte des textes qu’elle met en bon ordre «pour avoir un fini qui me satisfasse, avec une cohérence, une évolution », dit-elle. Elle envoie le résultat à deux maisons d’édition: aucune réponse. Puis, il y a cette petite annonce parue dans Le Courrier: le Prix littéraire de la Société genevoise des écrivains décerné à un ouvrage de poésie. Elle envoie son recueil intitulé «Pas le temps de courir», sans trop y croire. Mais, ajoute-t-elle, «en 2014, j’avais déjà gagné la deuxième place d’un concours de webstory, une plate-forme Internet d’écriture interactive, et cela m’avait donné une certaine confiance, mais surtout l’assurance que je voulais continuer à écrire et surtout à montrer ce que j’écrivais». Avec le résultat que l’on connaît. Restait au final l’épineux problème de la publication: «Je ne suis pas sûre que ce soit plus facile d’être édité après avoir gagné un concours, dit-elle, mais finalement tout s’est bien passé.» Huguette Junod, une écrivaine suisse et directrice des Editions des Sables la contacte et lui propose de publier son recueil. «Après, tout est allé assez vite et le livre est paru à la mi-mars. J’ai pu participer à deux événements du printemps de la poésie. Et il y a le Salon du livre, un lieu que j’adore. J’y ai été, cette année, toute fébrile d’être de l’autre côté du miroir, pas comme spectatrice, mais comme actrice.» L’éditrice, qui a elle-même obtenu par deux fois le prix de la SGE, en 1986 puis en 2008, souligne sa grande sensibilité à la difficulté d’être publié: «En 1986, alors que j’avais gagné le prix pour «Ceci n’est pas un livre» j’ai éprouvé une grande difficulté à trouver un éditeur. Du coup, j’ai lancé ma propre maison d’édition. Désormais, lorsqu’il y a un prix, je vais à la remise et quand le texte me plaît, je contacte l’auteur. C’est ce que j’ai fait avec Stéphanie de Roguin. J’ai beaucoup aimé la modernité de ses textes et sa façon d’écrire. Il s’agit d’une poésie haletante, émanant d’une autre génération que la mienne: illusions, peurs, amours, désirs oubliés. Cette poésie me touche particulièrement.» Dorénavant, Stéphanie de Roguin aimerait bien se concentrer sur la poésie, «car, je me rends compte que c’est le genre littéraire qui me convient le mieux. J’aime bien ne pas me mettre des règles dans mon travail. Pas de contraintes. Je cherche des sonorités et des rythmes qui me plaisent, plein de fragments, tout en évitant une suite forcément logique », conclut-elle.

    Stéphanie de Roguin, «Pas le temps de courir, Poèmes», 2017, Editions des Sables, 69 pages.

    L’ouvrage est disponible dans les librairies MLC, Le Parnasse et Le Rameau d’or.


    LECTURE PUBLIQUES AU CIMETIÈRE DES ROIS (Tribune de Genève)

    Anniversaire Les Editions des Sables fêtent leurs 30 ans. Pour l’occasion, des lectures ont lieu au cimetière. Une démarche originale.

    Guillaume CHENEVIERE
     
    C’est fou le nombre d’écrivains, de métier ou non, qui reposent au cimetière des Rois. Jorge Luis Borges et Alice Rivaz, Georges Haldas et Grisélidis Réal, ou encore les philosophes Denis de Rougemont et Jeanne Hersch, les musiciens Ernest Ansermet et Emile Jaques-Dalcroze… Une bonne vingtaine ont leur tombe au panthéon genevois. Après une première mouture ce week-end, ils seront encore mis en lumière les deux prochains samedis à l’occasion de lectures publiques organisées par les Editions des Sables, qui fêtent leurs 30 ans. Guillaume Chenevière, directeur de la Télévision suisse romande de 1992 à 2001, auteur lui aussi, participe à l’événement. Eclairage.
     
    Guillaume Chenevière, comment est née cette idée de lectures publiques au cimetière des Rois?
    Elle ne vient pas de moi mais de la fondatrice des Editions des Sables, Huguette Junod. Elle souhaitait rendre un hommage aux écrivains – et notamment aux poètes – du cimetière, sur le thème «les morts parlent, les écrivains répondent».
     
    Quel rôle jouez-vous?
    Pour chacun des vingt et un écrivains enterrés ici, je fais une brève présentation, suivie de la lecture d’un passage de l’une de leurs oeuvres. Ensuite, des auteurs ayant publié aux Editions des Sables lisent à leur tour un extrait de leurs propres oeuvres ou un texte en rapport avec ces écrivains.
     
    Vous avez dû vous plonger dans la lecture pour préparer cet événement…
    En fait, j’avais lu des livres de chacun des écrivains enterrés aux Rois. Qui n’ont pas tous le même calibre, il faut le dire… Ça n’a donc pas été trop difficile de faire un choix. Par ailleurs, j’ai déjà fait des lectures publiques, notamment à la Comédie. Mais jamais dans un cimetière, là, c’est une première.
     
    Vous lisez du Dostoïevski (dont la fille est enterrée aux Rois), du Musil, mais pas du Rousseau…
    Eh non. Alors que Dostoïevski a détesté Genève et que Musil n’y a vécu que deux ans à peine avant sa mort, des écrivains genevois majeurs, énormes, ne sont pas enterrés là! Je pense à Rousseau bien sûr, mais aussi à Henri-Frédéric Amiel et Charles-Albert Cingria. En revanche, je lis un passage de l’oeuvre de Rodolphe Töpffer, dont la tombe a disparu.
     
    Vous-même, vous avez écrit plusieurs ouvrages…
    Oh, mais ce n’est pas de la littérature. Je ne me considère pas comme un écrivain, et encore moins comme un poète.
     
    Xavier Lafargue, La Tribune de Genève

    Poésie de gare, de Jean-Luc Fornelli (Gauche Hebdo, 1 décembre 2017)


    Le revenant du Louvre, de Claire Druc-Vaucher (Le Mag, 31 juillet 2015)


    Les enfants de la douleur noire, de Marthe Marie Monnet (Tribune de Genève, 3 mars 2015)


    Les enfants de la douleur noire, de Marthe Marie Monnet (Tribune de Genève, 2 mars 2015)


    Les enfants de la douleur noire, de Marthe Marie Monnet (Gauche Hebdo, 6 février 2015)


    Les enfants de la douleur noire, de Marthe Marie Monnet (Solidarités, 29 janvier 2015)


    Les enfants de la douleur noire, de Marthe Marie Monnet (ContreAtom no. 116, septembre 2014)


    Vahé Godel et Eliane Vernay (Le Quotidien Jurassien, 23 octobre 2014)


    Les enfants de la douleur noire, de Marthe Marie Monnet (Le Peuple Valaisan, 24 octobre 2014)


    Les enfants de la douleur noire, de Marthe Marie Monnet (Le Mag, 11 octobre 2014)


    De mort vive, de Sylvain Thévoz (Tribune de Genève, 1 juin 2014)


    La Dague, de Claire Druc-Vaucher (Le Mag, 27 juillet 2013)


    Eric Golay propose ses mystères de Genève (Le Mag, 10 mai 2013)


    Les Éditions des Sables publient trois recueils de poésie (Le Mag, 6 juillet 2013)


    Les Éditions des Sables ont sorti quatre livres (Tribune de Genève, 27 décembre 2012